Tous les regards seront tournés mardi vers le premier ministre du Québec, François Legault, qui doit témoigner dans le cadre de l'enquête publique sur le scandale des dépassements de coûts au sein de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ).
La commission, présidée par le juge Denis Gallant, examine comment la création de la plateforme en ligne SAAQclic a entraîné des dépassements de coûts d'au moins 500 millions de dollars.
«C'est moi qui ai lancé l'enquête publique, il est important que les Québécois sachent exactement ce qui s'est passé», a déclaré M. Legault aux journalistes la semaine dernière.
«Je n'aime certainement pas ce que j'ai entendu depuis le début au sujet de l'affaire SAAQclic. Je pense que toutes les personnes impliquées doivent accepter de témoigner et que nous devons faire toute la lumière sur cette affaire.»
M. Legault a toujours soutenu qu'il n'avait rien à cacher et qu'il n'était pas au courant des dépassements de coûts avant la publication du rapport de l'auditeur cette année. Legault, son chef de cabinet Martin Koskinen et Yves Ouellet, ancien secrétaire général du conseil exécutif, seront appelés à témoigner.
Plus tôt cette année, le vérificateur général du Québec a révélé des dépassements de coûts d'au moins 500 millions de dollars dans la création de la plateforme en ligne, pour un coût total de plus de 1,1 milliard de dollars. Cela a finalement déclenché la commission d'enquête défendue par Legault lui-même.
Mais selon les témoignages recueillis lors de l'enquête, le bureau de M. Legault aurait été informé dès 2020 du risque d'une explosion des coûts. Et selon les témoignages, M. Ouellet aurait été informé en septembre 2022 d'un déficit de 222 millions de dollars dans la mise en place de la plateforme SAAQclic.
Au début de 2023, la Société de l'assurance automobile du Québec a bâclé le lancement de sa nouvelle plateforme en ligne, ce qui a entraîné des retards importants et de longues files d'attente dans les succursales de la SAAQ, où les Québécois passent généralement leurs examens de conduite, immatriculent leurs véhicules et renouvellent leur permis de conduire.
L'enquête, qui se déroule depuis avril, a entendu plusieurs anciens membres du conseil d'administration de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), d'anciens auditeurs internes et d'autres responsables.
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Ces dernières semaines, elle s'est concentrée sur les politiciens et les membres du personnel politique, et plusieurs ministres de haut rang ont été mis sur la sellette.
Au cours de son témoignage, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a été confrontée à des documents montrant que son cabinet avait obtenu dès juin 2023 des informations sur les dépassements de coûts liés à la plateforme SAAQclic. Elle a déclaré à la commission d'enquête qu'elle n'avait aucun souvenir de ce document.
Mme Guilbault a ensuite été contrainte d'admettre qu'elle avait connaissance de ces informations après que les membres de la commission d'enquête aient souligné qu'elles figuraient à l'ordre du jour d'une réunion qu'elle avait eue avec l'ancien président de la SAAQ.
Mme Guilbault est devenue ministre des Transports en 2022 après la victoire électorale écrasante de la Coalition Avenir Québec en octobre.
Une lettre adressée par Mme Guilbault à MM. Legault et Koskinen en décembre 2024 a également été présentée lors de l'audience. Dans cette lettre, elle demandait une modification de la structure de la SAAQ, qualifiant la situation d'«intolérable».
«Quelqu'un s'est-il inquiété du désordre que j'ai dû nettoyer ces deux dernières années à cause de la SAAQ ? Je n'ai pas cette impression», a écrit Mme Guilbault. Elle a déclaré que le président de la commission des assurances automobiles ne correspondait pas au profil requis pour diriger une organisation de 4 000 employés «qui est en crise permanente et qui touche 6,5 millions de Québécois titulaires d'un permis de conduire».
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Le président-directeur général de la Société de l’assurance automobile du Québec, Éric Ducharme, a été muté en juillet.
Le prédécesseur de Mme Guilbault au ministère des Transports, l'actuel ministre de la Sécurité publique François Bonnardel, a déclaré avoir été tenu dans l'ignorance des coûts.
«Mon indice de conneries est assez élevé, et je me rends compte aujourd'hui que quelques personnes ont honteusement réussi à fournir des informations inadéquates afin que nous ne puissions pas voir la situation telle qu'elle est réellement», a déclaré M. Bonnardel.
Il a critiqué le conseil de ne pas lui avoir fourni une image financière fidèle du passage au numérique lorsqu'il a pris ses fonctions de ministre en novembre 2018. Dès décembre 2020, il s'est retrouvé avec des documents erronés sur l'état d'avancement du projet, les chiffres fournis excluant les coûts d'exploitation.
Cette transition marquée par des gaffes a coûté son poste à un ministre de longue date de la CAQ : Éric Caire a démissionné de son poste de ministre de la Cybersécurité et du Numérique sous la forte pression exercée sur lui une semaine après la publication du rapport du vérificateur.
M. Caire a déclaré qu'il savait que le projet de transition numérique de la Société de l’assurance automobile du Québec dépassait le budget prévu pour 2021, mais qu'il ne se rendait pas compte de la gravité de la situation. Les informations étaient « vagues » et il ne connaissait ni le coût du contrat avec le consortium ni le budget total du projet.
M. Caire a déclaré qu'il n'avait pris aucune mesure spécifique pour contrôler les coûts ou s'enquérir de l'augmentation du budget, affirmant à la commission d'enquête que cela ne relevait pas de ses fonctions.
«La SAAQ est un organisme indépendant, dirigé par un conseil d'administration. Le ministre chargé de la transformation numérique supervise-t-il les projets ? Oui. Mais la responsabilité budgétaire incombe-t-elle au conseil d'administration ? Très certainement», a-t-il déclaré.
L'enquête a été ouverte en avril 2025. En juin, l'enquête de M. Gallant a été prolongée, le rapport final étant désormais attendu pour le 15 décembre 2025.
L'enquête et son rapport final pourraient nuire au gouvernement de M. Legault, les résultats devant être publiés moins d'un an avant les prochaines élections provinciales prévues en octobre 2026.
Une manifestation réclamant le déclenchement d'élections anticipées compte tenu notamment du faible taux de popularité de François Legault devait d'ailleurs avoir lieu lundi après-midi.
Note de la rédaction: Des erreurs de traduction de Noovo Info ont fait en sorte que la version traduite de cet article de La Presse canadienne - dont la version originale était en anglais - indiquait qu'Éric Ducharme était PDG de la Commission des assurances automobile alors qu'il s'agit de la Société de l'assurance automobile du Québec. Il était également indiqué qu'Éric Caire était ministre de la Cybersécurité et des Technologies numériques alors que le titre exact est ministre de la Cybersécurité et du Numérique. Finalement, l'article parlait de la Régie de l'assurance automobile du Québec, alors qu'il s'agit de la Société de l'assurance automobile du Québec. Pour plus d’information, consultez les normes éditoriales de Noovo Info.
