Sommée par le premier ministre François Legault de cesser de faire obstruction au travail des policiers dans l'enquête SAAQclic, la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) a justifié jeudi ses pratiques en ajoutant qu'elle allait «ajuster ses mécanismes».
La société d'État refuse de rendre certains documents accessibles à l'Unité permanente anticorruption (UPAC) en vertu du privilège relatif au secret professionnel de l’avocat.
Dans un message publié sur la plateforme X jeudi matin, M. Legault a écrit: «Ce qu’on apprend ce matin est inacceptable. Le gouvernement exige de la SAAQ qu’elle collabore pleinement à l’enquête de l’UPAC. Les Québécois doivent avoir confiance que toute la lumière sera faite.»
La Presse Canadienne a demandé par téléphone et par courriel à la SAAQ si elle allait se conformer à la demande du premier ministre et collaborer pleinement.
«La SAAQ a convenu avec l’UPAC d’ajuster ses mécanismes d’échanges et de collaboration afin d’accélérer l’analyse des documents saisis», a écrit une porte-parole de la SAAQ, Geneviève Perron.
Elle explique par la suite que la SAAQ refusait de donner accès à des documents en raison des objections de ses avocats.
«Certains documents saisis pouvaient contenir des informations protégées par le secret professionnel, ce qui a enclenché la mise sous scellé de ces documents à l’extérieur des locaux de la Société.»
Elle précise également que le mandat de perquisition soumis au juge n'encadrait pas les informations protégées par le secret professionnel et qu'il a donc fallu établir un protocole entre la SAAQ et le Directeur des poursuites criminelles et pénales.
«La SAAQ a eu recours à un avocat externe spécialisé, a-t-elle ajouté, afin d’assurer l’objectivité du processus d’analyse juridique.»
«La Presse» a rapporté jeudi que la direction de la SAAQ souhaitait ainsi soustraire des documents du dossier SAAQclic à l'examen des autorités policières qui font enquête sur quatre suspects, soupçonnés de plusieurs crimes, dont corruption.
Parti québécois
Le Parti québécois (PQ) a laissé entendre que l'affaire SAAQclic s'apparentait à de la corruption et que tout mène vers le témoignage du premier ministre, mardi prochain, maintenant qu'on sait que «les ministres n'ont pas dit toute la vérité», selon le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.
«On est rendu à un stade où on nomme la corruption à la SAAQ, ça ressemble à de la corruption, quand on est rendu à 1,2 milliard $ de surfacturation et que personne ne se rappelle de rien», a évoqué le leader indépendantiste, dans une mêlée de presse au parlement en marge de la prestation de serment de son nouveau député d'Arthabaska, Alex Boissonneault.
«Regardez les témoignages de la semaine dernière, c'est magique comment tout le monde ne se souvient de rien et tout le monde aurait accordé des autorisations sans poser la question: quel est le prix? Ce n'est pas crédible. Dans cette hypothèse-là, on est probablement devant des cas de corruption quand même assez graves, vu les montants.»
Démissions au conseil d'administration
Par ailleurs, alors que la commission Gallant bat son plein et que plusieurs révélations ont écorché la SAAQ, on a appris que le conseil d'administration de la société d’État a perdu trois de ses administrateurs dans les dernières semaines.
Stéphanie Desforges a quitté ses fonctions au conseil d'administration (CA) le 8 août, Richard Gagnon, le 9 juillet, et Louise Turgeon, le 21 juillet, indique un porte-parole de la SAAQ, Simon-Pierre Poulin, par courriel.
«La SAAQ traverse une période de transition importante, ce qui peut amener certains membres à réévaluer leur engagement. Ce type de roulement est courant dans les organisations en évolution», écrit-il.
On ajoute que la Loi sur la Société de l’assurance automobile du Québec prévoit que le CA doit être composé d’au minimum neuf membres et qu’avec ces départs, il se situe actuellement à douze.
«La gouvernance de la SAAQ demeure solide et conforme aux meilleures pratiques du secteur public. (...) Les membres ne sont pas tenus de compléter leur mandat s’ils souhaitent quitter plus tôt. Cela fait partie du fonctionnement habituel des conseils d’administration», écrit Simon-Pierre Poulin.
La SAAQ est dans la tourmente depuis plusieurs mois.
La commission Gallant doit faire la lumière sur le fiasco SAAQclic qui devrait coûter au moins 1,1 milliard $, soit 500 millions $ de plus que prévu, selon le Vérificateur général du Québec.
Il y a trois semaines, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a affirmé qu’en date du 31 décembre dernier, la société d’État avait cumulé un déficit de 492 millions $.
Rappelons que le gouvernement a limogé le PDG de la SAAQ Éric Ducharme en juillet dernier. C’est la vice-présidente aux services aux assurés, Annie Lafond, qui occupe le poste de façon intérimaire.


