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SAAQclic: «J'ai fait le saut sur beaucoup de choses», dit Éric Ducharme

L'ancien PDG de la SAAQ a commencé son témoignage jeudi devant la commission Gallant.

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Un ancien PDG de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), Éric Ducharme, n'était pas alarmé en 2020 par les difficultés rencontrées par le développement du projet SAAQclic au moment où il était haut fonctionnaire au Conseil du trésor.  

Il a toutefois «fait le saut sur beaucoup de choses» à son arrivée à la tête de la SAAQ en avril 2023.

M. Ducharme a débuté son témoignage jeudi devant la commission Gallant, qui se penche sur le virage numérique raté de la SAAQ.  

Avant de devenir PDG de la société d'État, M. Ducharme a été le secrétaire du Conseil du trésor de 2018 à 2023. Quand il est informé d'un report d'échéancier pour le déploiement de SAAQclic, M. Ducharme n'est pas inquiet des impacts, bien que cela suscite des questions. 

Après une rencontre avec la PDG de l'époque, Nathalie Tremblay, en octobre 2020, «le niveau d'inquiétude n'est pas très élevé», a témoigné M. Ducharme. 

La PDG se fait rassurante. «Oui, il y a des enjeux. Mais je pense que Nathalie Tremblay était en contrôle des dossiers. (...) On a le contrôle du projet. Des dépassements, je vous le répète, on est en pandémie, il n'y a pas un projet où il n'y a pas un problème», a relaté M. Ducharme.

À l'automne 2021, la demande de la SAAQ d'ajout d'effectifs pour sa transformation numérique ne soulève pas chez lui davantage d'inquiétudes sur le respect des coûts du projet. 

Bien qu'il était au courant du coût du contrat avec le consortium, M. Ducharme a dit n'avoir été mis au fait de la facture totale du projet — qui comprend les ressources internes de la SAAQ — qu'à son entrée en poste dans l'organisation. 

C'est aussi à ce moment qu'il dit avoir appris l'existence d'un montant additionnel de 45,7 millions $ au contrat, conclu à l'automne 2022. 

«Avez-vous fait le saut?», lui demande la procureure de la commission. Mélanie Tremblay. 

«Oui. J'ai fait le saut sur beaucoup de choses», a lâché M. Ducharme, qui a été limogé par le gouvernement en juillet dernier.

«J'avais le véhicule, mais j'avais juste trois roues»

En mai 2023, il reçoit une lettre de la firme LGS. Cette dernière réclame un montant impayé de 28,5 millions $ à la société d'État, notamment pour des services de support et d'entretien. Ce qui pique au vif M. Ducharme, qui répond que la plateforme rencontre encore de nombreux problèmes, deux mois après son lancement.

S'enclenchent alors des discussions entre les deux parties qui se termineront par la conclusion d'un deuxième «avenant», soit un autre coût supplémentaire au contrat. 

«C'est là que j'ai tout compris, a témoigné M. Ducharme à la commission. L'argent du contrat avait été dépensé.»

Le contrat de 458 millions $ sur 10 ans devait comprendre le développement de la plateforme SAAQclic, mais aussi des années d'entretien et d'exploitation après la livraison. 

«Tu achètes un véhicule, et on avait prévu des années pour mettre de l'essence, changer les freins et acheter des pneus. C'était ça le contrat. Là, j'avais le véhicule, mais j'avais juste trois roues et j'avais tout dépensé mon argent», a imagé M. Ducharme.

«J'en avais même dépensé plus que mon 458 millions $ parce qu'il y avait eu un avenant de signé à l'automne 2022», a-t-il précisé. 

M. Ducharme a assuré avoir présenté les coûts supplémentaires à la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, et à sa cheffe de cabinet, lors d'une rencontre en juin 2023.

«Je ne peux pas dépenser un 75 millions $ sans en parler. (...)  C'était à l'ordre du jour de cette rencontre-là et j'en ai parlé à la cheffe de cabinet le matin même et dans la semaine qui a suivi», a-t-il dit. 

La secrétaire générale du Conseil exécutif de l'époque, Dominique Savoie, est aussi avisée, a affirmé M. Ducharme. Le deuxième avenant qui a finalement été signé à l'été 2023 s'est élevé à 68,9 millions $, en dessous du 75 millions $ d'abord estimé. 

L'ex-PDG a soutenu qu'il n'avait d'autres choix que de débloquer des fonds supplémentaires. «On est encore en mai ou juin 2023, et j’ai de la misère à rendre des services et avoir un système fonctionnel. On ne peut pas arrêter. On est pris. On doit développer», a expliqué M. Ducharme. 

L'ancien haut fonctionnaire s'est décrit devant la commission comme «un pompier» quand il prend les rênes de la SAAQ. Il doit faire face à une longue liste de problèmes auxquels est confrontée la société en raison du lancement raté de la plateforme. 

M. Ducharme a dit avoir accepté le mandat de PDG après avoir été approché par l'ancien secrétaire général du Conseil exécutif, mais «je n'aurais pas dû», a-t-il laissé tomber.

M. Ducharme doit poursuivre son témoignage ultérieurement. Les ministres caquistes Christian Dubé et Sonia LeBel sont attendus vendredi matin devant la commission Gallant.