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Alligator Alcatraz ou le cimetière de l’humanité

La morale de l’histoire? Qu’il n’y en a plus, justement!

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(AP | Noovo Info)

«Les immigrants empoisonnent le sang de notre pays», de lancer en campagne Donald, empruntant ainsi l’épouvantable passage de Mein Kampf, brûlot nazi d’Hitler, publié en 1925.

Le pavé dans la marre. Pas que l’historique Trump laissait présager un doute, côté traitement du migrant. Mais citer le führer? Nous voilà ailleurs. Preuve maintenant assurée, factuellement, par la multitude d’ignominies du ICE.

Reste que, toujours plus en soif d’un fascisme aux contours assumés, Trump et sa cour s’abstiendront de s’arrêter en si mauvais chemin. Qu’est-ce qui, on se demande, se voudrait plus abject, inhumain et amoral que le présent modus operandi? La solution, en mille : un camp de détention, voire de concentration, où seraient inconstitutionnellement emprisonnés quelques milliers d’âmes, dans les pires conditions imaginables. Mieux : impossible pour elles de «s’évader», entourées qu’elles seront de… pythons et alligators.

Fallait voir, lors de la « cérémonie » d’ouverture, le faciès excité de Donald. Pimpant comme rarement, à vrai dire : « On l’a construit en seulement 8 jours !! ». De quoi être fier, en effet. Même si, gardons le secret, Guantanamo l’aura été en… 72 heures. Voilà d’ailleurs une idée pour un producteur sans scrupule : une télé-réalité où compétitionneraient les fachos planétaires, notamment à savoir qui établira, en temps record, le plan le plus méchant possible. À voir le nombre d’ouailles avides « d’inhumanismes », le truc marcherait à fond.

Retour à la cérémonie. D’une joie toujours mal dissimulée, le Trump ne se peut plus : «Très bientôt, Alligator Alcatraz deviendra le domicile des migrants les plus menaçants, parmi les plus vils de la planète.»

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Bon.

Petit comique, il enchaîne avec de «bons conseils» pour ceux qui souhaiteraient s’échapper, les invitant à courir en zigzag entre les alligators, augmentant ainsi, selon l’expert improvisé, leurs chances de survie de…. 1 %.

La foule présente rigole, bien entendu. Quoi de plus drôle, en effet, qu’un président s’amusant d’humains bouffés tout ronds? On en profitera d’ailleurs, pourquoi pas, par vendre en ligne une multitude d’articles «promotionnels» de toute sorte, casquettes, t-shirts et autres gugusses, à l’effigie du nouveau centre de concentration. MAKE HUMAN CRUEL AGAIN. De quoi rendre ses petits-enfants fiers, quelques décennies plus tard, l’Histoire ayant depuis posé ses griffes sur cette saloperie sans nom.

Saloperie, oui.

D’abord facile à prédire, maintenant confirmées par diverses visites d’observateurs. Petit compte-rendu du paradis des sadiques :

  • Au contraire des prétentions de Donald, 71 % des détenus ont un dossier judiciaire parfaitement vierge ;
  • Ils y sont entassés dans des cages à poules, à coup de… 32 ;
  • Évidemment sous-nourris, on y trouve fréquemment des vers dans le peu de nourriture dispo ;
  • On s’y brosse les dents à même l’eau des cuvettes ; 
  • Les inondations à l’intérieur de l’infrastructure, où flottent les excréments, sont monnaie courante ;
  • Le risque d’inondations extérieures, qui entraîneraient la noyade potentielle des 900 détenus actuels (et bientôt 3000), est élevé, voire inévitable, compte tenu de l’emplacement du site ;
  • Des mouches partout ;
  • Une chaleur aux environs de 32-35 degrés Celsius ;
  • Soins médicaux essentiellement inexistants ; 

Bref, le pied.

Et le droit à l’avocat, aux principes de justice naturelle et au contrôle judiciaire?

«On ignore encore si les détenus d’Alligator Alcatraz pourront un jour défiler devant un juge, histoire d’en sortir. On ignore aussi s’ils auront droit à un processus équitable, devant une Cour d’immigration, ou si on les accusera d’un crime (commis ou non). On sait cependant que la majorité de ces gens arrêtés par ICE n’ont aucun casier criminel. […] Plusieurs sans-papiers ont d’ailleurs jadis bénéficié d’un statut légal, par exemple ceux avec un visa échu, avec une protection temporaire ou autres formes de mesures humanitaires maintenant révoquées par l’administration Trump.» 

Questionné à savoir si des citoyens américains pourraient un jour s’y retrouver, Donald opinera évidemment du bonnet, tout en s’excitant de la suggestion voulant que les citoyens-soldats de la Garde nationale puissent agir comme juges de la légalité de la détention des malheureux.

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Des militaires comme tribunal d’immigration? Juges et parties, donc? Symptomatique de DonaldLand.

La morale de l’histoire?

Qu’il n’y en a plus (de morale), justement!

Un humanisme au cimetière.

Reste à savoir le nombre de tombeaux supplémentaires. 

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