Le procès civil visant Gilbert Rozon pour des accusations, entre autres, d'agressions sexuelles se poursuit mardi au palais de justice de Montréal alors que le tribunal continue d'entendre des experts en lien avec deux articles du Code civil du Québec — contestés par l'ex-magnat de Juste pour rire —, soit celui touchant aux mythes et stéréotypes (article 2858.1) et celui sur le délai de prescription civil (article 2926.1).
L'audience du jour permettra d'entendre en interrogatoire et en contre-interrogatoire l'expert de la défense, Marc Ouimet. Récemment retraité, M. Ouimet possède un doctorat en criminologie de l’Université Rutgers au New Jersey et il a enseigné pendant près de 35 ans à l’École de criminologie de l’Université de Montréal. Il a publié de nombreux articles scientifiques sur des sujets comme la carrière criminelle, l’écologie criminelle, l’agression sexuelle et les tendances de la criminalité.
Gilbert Rozon a toujours nié les allégations d'agressions sexuelles déposées contre lui.
«Très surpris»
S'arrêtant mardi matin dans le corridor du palais de justice de Montréal pour répondre aux questions des journalistes, Gilbert Rozon s'est dit «très surpris» par le témoignage de lundi de l'experte du Procureur général du Québec, la Dre Karine Baril.
Experte et chercheuse dans le domaine des violences à caractère sexuel, la Dre Baril a notamment présenté son rapport d'expertise intitulé : «Les conséquences psychologiques des violences sexuelles comme entrave à la capacité des victimes d’agir dans le contexte de démarches légales».
«J’ai été très surpris d’apprendre hier [lundi] que l’expert pour le Procureur général, qu’il n’y avait jamais eu d’études de fait, sauf le travail de recherche de sa part, qui n’a pas été approuvée par des scientifiques, ni des pairs, et un sondage Léger Léger. C’est là-dessus qu'a été basé [l'article] 2858, voté deux jours avant le procès…», a notamment soutenu Gilbert Rozon.
Les articles du Code civil contestés
Voici ce que stipule les articles du Code civil du Québec conestés par Gilbert Rozon :
Article 2858.1 du Code Civil du Québec2858.1. Lorsqu’une affaire comporte des allégations de violence sexuelle ou de violence conjugale, sont présumés non pertinents:1° tout fait relatif à la réputation de la personne prétendue victime de la violence;2° tout fait lié au comportement sexuel de cette personne, autre qu’un fait de l’instance, et qui est invoqué pour attaquer sa crédibilité;3° le fait que cette personne n’ait pas demandé que le comportement cesse;4° le fait que cette personne n’ait pas porté plainte ni exercé un recours relativement à cette violence;5° tout fait en lien avec le délai à dénoncer la violence alléguée;6° le fait que cette personne soit demeurée en relation avec l’auteur allégué de cette violence.Tout débat relatif à la recevabilité en preuve d’un tel fait constitue une question de droit et se tient à huis clos, malgré l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12). 2024, c. 37, a. 13.
Sources : Publications du Québec | LégisQuébec
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Article 2926.1 du Code civil du Québec2926.1. L’action en réparation du préjudice corporel résultant d’un acte pouvant constituer une infraction criminelle se prescrit par 10 ans à compter du jour où la personne victime a connaissance que son préjudice est attribuable à cet acte. Cette action est cependant imprescriptible si le préjudice résulte de la violence subie pendant l’enfance, de la violence sexuelle ou de la violence conjugale. [...]Sources : Publications du Québec | LégisQuébec
La directrice générale de Juripop, Me Sophie Gagnon, a expliqué à Noovo Info qu'une décision en faveur de Gilbert Rozon en lien avec le délai de prescription civil aura des impacts importants sur le procès en cour.
«Avant d’être aboli, le délai de prescription avait été prolongé à 30 ans pour les infractions de violence à caractère sexuel. Les faits reprochés à M. Rozon se déroulent dans une période qui va parfois excéder les 30 ans, donc certaines des demandes qui pourraient être prescrites, expirées, si la contestation de M. Rozon réussissait. Quand le délai de prescription est atteint, la poursuite est tout simplement rejetée», a-t-elle expliqué.
Une décision en faveur de Gilbert Rozon concernant l'un ou l'autre des articles — voire les deux — aura aussi un impact.
«La décision qui va être rendue par la juge [Chantal] Tremblay, et potentiellement par la Cour d’appel du Québec, si c’est porté devant la Cour d’appel, va s’appliquer à tous les autres dossiers de violence sexuelle», a souligné Mme Gagnon.
Neuf demanderesses et de nombreux témoins
Le procès civil de Gilbert Rozon s'est ouvert au début de décembre 2024 alors que neuf demanderesses lui réclament environ 14 millions $ pour des agressions sexuelles et des viols, entre autres.
Les neuf demanderesses sont : Lyne Charlebois, Guylaine Courcelles, Patricia Tulasne, Danie Frenette, Anne-Marie Charette, Annick Charette, Sophie Moreau, Marylena Sicari et Martine Roy.
Des femmes sont également venues témoigner de faits similaires au procès civil de Gilbert Rozon, dont plusieurs personnalités connues comme Julie Snyder, Salomé Corbo et Pénélope McQuade. L'ex-conjointe du fondateur de Juste pour rire, Véronique Moreau, a aussi pris la parole.

