Si Gilbert Rozon présentait une attitude générale plutôt calme et posée depuis le début de son procès civil pour agressions sexuelles, voilà que son exaspération était palpable mardi, au jour trois de son contre-interrogatoire au palais de justice de Montréal.
Le fondateur de Juste pour rire a d'ailleurs été rappelé à l'ordre quelques fois par la juge Chantal Tremblay afin qu'il cesse de donner son opinion.
Bien qu'on puisse sentir une certaine irritation dans ses réponses à l'avocat des demanderesses, Me Bruce Johnston, Rozon a continué de nier les accusations auxquelles il fait face.
Lundi, l'avocat des demanderesses a mis en lumière des contradictions du témoignage de Gilbert Rozon en lien avec les allégations d'agression sexuelle portées par Lyne Charlebois, l'une des neuf demanderesses.
Mardi, il a été contre-interrogé en lien avec les témoignages de Mary Sicari et Annick Charrette.
Dans le cas de Mme Charrette, Gilbert Rozon a réitéré que c'est la demanderesse qui l'a agressé et non l'inverse.
À la question «C'est elle qui vous a agressé?», Rozon a répondu : «Absolument, mais je n'ai pas porté plainte.» Mme Charrette allègue avoir été agressée à la fin du mois de juin, en 1980. Une date contestée par Rozon. «[...] On était dans les préparatifs du festival, donc je ne me serais pas permis d’aller passer une nuit ou deux à Saint-Sauveur alors qu'on était à l'approche de présenter une première édition du festival [Juste pour rire]», a-t-il notamment mentionné.
«Souvenir d’un baiser coupable»
Interrogé en après-midi mardi sur les accusations déposées par Martine Roy – elle allègue notamment que Rozon a tenté de l’embrasser en juillet 1993 dans une chambre d’hôtel de Québec –, Gilbert Rozon a de nouveau confirmé avoir pris un verre avec Mme Roy et que c’est elle qui aurait voulu le séduire.
«Je sais qu’on avait pris un verre de vin blanc, qu’on est monté à sa chambre. C’était la première fois que je prenais le temps de jaser avec elle, j’ai eu un élan de désir, j’ai senti qu’elle me draguait», a-t-il dit ajoutant: «J’étais fier de moi, de ne pas avoir cédé à la tentation.»
À la question de l’avocat, «Est-ce que vous avez embrassé Martine Roy?», Gilbert Rozon a d’abord répondu «Oui, mais c’est possible que non» pour finalement affirmer «J’ai un souvenir d’un baiser coupable».
Interrogé sur le même sujet en juin dernier par ses avocats, Rozon avait affirmé ne pas avoir franchi le pas par respect pour sa femme. Martine Roy est l'une des neuf demanderesses ainsi que la soeur de l'ex-femme de Rozon, Danielle Roy.
Gilbert Rozon est à la barre des témoins depuis neuf jours, dont six jours où il a été interrogé par ses avocats.
Comme ce fût le cas lundi - et lors de plusieurs autres journées depuis l'ouverture du procès - l'ex-magnat de l'humour était attendu par des manifestantes à son arrivée au palais de justice.
Un long parcours judiciaire
La poursuite intentée par Patricia Tulasne, Lyne Charlebois, Anne-Marie Charrette, Annick Charrette, Sophie Moreau, Danie Frenette, Guylaine Courcelles, Mary Sicari et Martine Roy fait suite à une demande, en 2017, d’autorisation d’action collective contre l’homme d’affaires par un groupe de femmes surnommé Les Courageuses. D’abord accueillie en première instance en 2018, Gilbert Rozon a obtenu que cette demande soit rejetée par la Cour d’appel en 2020.
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Parallèlement, 14 femmes avaient porté plainte à la police, mais le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) n’avait retenu que celle d’Annick Charrette. Gilbert Rozon a été acquitté en 2020 sur la base du doute raisonnable.
Patricia Tulasne, qui agissait comme porte-parole des Courageuses, a été la première à déposer une poursuite civile contre M. Rozon en avril 2021. Les huit autres femmes ont suivi et l’ensemble des poursuites ont été regroupées pour mener au procès.
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Le procès civil de Gilbert Rozon, 70 ans, s'est donc ouvert au début de décembre 2024 alors que neuf demanderesses lui réclament environ 14 M$ pour des agressions sexuelles et des viols, entre autres.
Outre les demanderesses, la défense a aussi fait entendre d'autres témoins au fil du procès - des témoins de faits similaires - dont des personnalités connues comme Julie Snyder, Salomé Corbo et Pénélope McQuade. L'ex-conjointe du fondateur de Juste pour rire, Véronique Moreau, a aussi pris la parole. Elles ont toutes témoigné d'abus qu'elles auraient subis aux mains de Gilbert Rozon.
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Les avocats de Gilbert Rozon ont également appelé des témoins au cours des derniers mois, dont ses soeurs Luce et Lucie Rozon et son ex-bras droit Guylaine Lalonde. Elles ont tenu des discours contraires à ceux des présumées victimes qui ont été entendus jusqu’à maintenant. Le tribunal a aussi entendu le journaliste, auteur et producteur Guy Fournier ainsi que l'ancien premier ministre Pierre-Marc Johnson.
Avec des informations de La Presse canadienne.

