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«C’est une invention totale»: Rozon continue de nier les allégations

«Ce n’est jamais arrivé. Je n’ai jamais eu un soupçon d’attirance pour elle», affirme Rozon concernant les allégations de Sophie Moreau.

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«C’est une invention totale»: Rozon continue de nier les allégations Gilbert Rozon a poursuivi son témoignage en donnant sa version des faits concernant les allégations déposées par Sophie Moreau.

De retour derrière la barre des témoins au palais de justice de Montréal, Gilbert Rozon a poursuivi son témoignage en donnant sa version des faits concernant les allégations déposées par Sophie Moreau.

Mme Moreau allègue que le magna déchu de l’humour l’a agressée et harcelée sexuellement en 1988 et 1989 lors de spectacles.

Ce à quoi Rozon a nié.

Selon le discours de Mme Moreau, Rozon l’aurait invité pour le spectacle d’un humoriste français à la Place des arts. Le soir de l’événement, il aura amené Mme Moreau vers la salle des machines et aurait tenté de l’agresser.

«Ce n’est jamais arrivé. Je n’ai jamais eu un soupçon d’attirance pour elle. Peut-être en a-t-elle eu pour moi. Je n’en sais rien», a-t-il témoigné.

«Je n’ai jamais agressé d’aucune façon Mme Moreau», a-t-il ensuite affirmé.

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Rozon souligne d’ailleurs que la salle des machines était remplie de caméras et que d’amener Mme Moreau dans cet endroit «n’aurait pas eu de sens» pour faire ce qu’on lui reproche.

En 1989, lors d’une soirée animée par Jean-Guy Moreau au théâtre Saint-Denis, Sophie Moreau assure que Gilbert Rozon serait arrivé derrière elle et lui aurait agrippé les fesses tout en lui demandant de l’embrasser et de lui «donner sa virginité».

Une accusation que Rozon a également niée.

«Je n’ai jamais fait ça», a-t-il lancé.

«C’est complètement faux, inventé, absurde. Impossible pour moi de faire quelque chose comme ça dans un lieu public devant mon équipe. C’est une invention totale», affirme-t-il.

Il souligne d’ailleurs que durant les spectacles animés par Jean-Guy Moreau, il se tenait derrière les rideaux pour motiver les artistes avant leur entrée en scène. Il ajoute que Sophie Moreau aurait été dans le fond de la salle, derrière le public et qu’il ne pouvait pas traverser la salle pour la rejoindre sans se faire voir puisqu’il était connu.

Un commentaire qui a provoqué des soupirs d’exaspération du côté des plaignantes présentes dans la salle d’audience.

«Je ne veux pas argumenter. Je ne sais pas si elle fait ça pour la cause, mais c’est faux. Archifaux. 100 000 pour cent faux. Il n’y a rien de vrai là-dedans», s’est-il défendu.

Rozon a également expliqué que cette allégation ne pouvait pas être véridique en raison de sa relation d’amitié avec le père de la demanderesse.

«Ça ne m'a jamais passé par l’esprit, ça se serait rendu à son père en 8 minutes et quart», indique-t-il.

Relation avec Véronique Moreau, la sœur de la demanderesse 

Gilbert Rozon était bel et bien lié d’amitié avec le père de la demanderesse, Jean-Guy Moreau dans les années 1980. Ce serait d’ailleurs ce dernier qui l’aurait contacté pour qu’il engage Sophie Moreau dans l’équipe de Juste pour Rire, ce qu’il a fait.

Il a confié qu’il arrivait souvent que des parents appellent chez Juste pour Rire pour placer leur enfant parce que «ça paraissait bien sur un CV».

Rozon a décrit Mme Moreau comme une «bonne travaillante», qui effectuait ses tâches avec assiduité.

«Je l’ai trouvé enjouée et charmante au début», dit-il, ajoutant toutefois que l’attitude de la demanderesse aurait changé lorsqu’il est tombé amoureux de sa sœur Véronique Moreau.

«Aussitôt que je suis tombée en amour avec sa sœur, Véronique, son attitude a changé, je l’ai trouvé bougonne. Une personne un peu bougonne, mal dans sa peau, mais qui travaille bien», a-t-il raconté.

Véronique Moreau a été en couple avec le fondateur de Juste pour rire pendant douze ans alors que ce dernier était marié. Elle a raconté lors d'un témoignage en février dernier qu’elle travaillait à l’accueil de Juste pour rire, lorsque leur relation amoureuse a commencé à l’été 1989. Elle avait 17 ans, Gilbert Rozon en avait 34.

Elle a indiqué qu'ils se sont laissés une première fois, puis se sont remis en couple. Elle allègue ensuite avoir été victime de viols à de multiples reprises de la part de Rozon entre 1997 et 2001.

«L’amour de ma vie»

Gilbert Rozon est d’ailleurs revenu sur sa relation avec la sœur de la demanderesse en fin d’avant-midi.

Il raconte que Véronique Moreau et lui étaient tombés amoureux, qu’ils vivaient «un amour impossible, comme des amants», soulignant qu’elle savait qu’il était marié et qu’il allait avoir un enfant avec sa femme de l'époque, Danielle Roy.

Malgré qu’il fût marié, Rozon affirme qu’il ne cachait pas sa relation avec Véronique Moreau et que ça causait occasionnellement des malaises dans son entourage.

Ce serait dans les années 1991-1992 que leur relation a pris fin, dit-il.

«Ç’a été l’amour de ma vie. J’étais déchiré entre rester avec ma femme. On a décidé d’arrêter notre relation», raconte-t-il.

Leur histoire d’amour a toutefois repris en 1997 et s’est terminée à nouveau en 2001, une période durant laquelle Mme Moreau a indiqué avoir été victime de multiples viols lors de son passage en Cour en tant que témoin de faits similaires. Elle a aussi soulevé que Rozon l’avait drogué à son insu lors de leur seconde relation.

Rozon soutient que Véronique Moreau a voulu se rallier à sa sœur, après avoir souligné que Sophie était jalouse de leur amour.

«J’ai été troublé par ce témoignage. Troublé par le fait qu’elle s’est rabibochée avec sa sœur», a-t-il dit.

«C’est comme si elle avait voulu détruire 11 ans d’histoire d’amour pour se reconstruire. Pas grand monde va comprendre que je l’aime encore, mais je l’aime encore. Elle a été embrigadée», a-t-il ajouté.

Pour ce qui est de la drogue, Rozon a indiqué qu’il n’avait «aucun intérêt» à lui faire prendre quelque chose contre son gré.

Véronique avait aussi affirmé qu’il la violait 90 % du temps où ils faisaient l’amour, ce à quoi il a rétorqué que c’est «abasourdissant tellement ça n’a pas de sens. (…) Jamais de ma vie lui ai-je fait l’amour contre son gré», a-t-il insisté. 

D’après lui, «Véronique était une très belle femme» avec qui il faisait l’amour régulièrement. «On était en synchronicité parfaite», dit-il.

Il a qualifié sa séparation d’avec elle de «violente», un épisode qui l’a envoyé en dépression.

Au début des années 1990, a-t-il raconté, Véronique Moreau a subi un avortement, mais lorsqu’elle était tombée enceinte, «j’ai vu ça comme un signe du ciel. Je voulais qu’on le garde, elle ne voulait pas. J’ai été malheureux; je le suis encore», a-t-il raconté au sujet de l’avortement.

«C'est elle qui a tenté de me séduire»

Les avocats de Gilbert Rozon ont mis fin à l’interrogatoire en chef de leur client avec le dossier de Chloé Giroux-Lachance, qui accompagnait en 1992 son beau-père, l’architecte Luc Laporte, qui s’était rendu d’abord en Espagne pour l’exposition universelle de Séville et ensuite en France avec Gilbert Rozon et son épouse de l’époque, Danielle Roy. Mme Giroux-Lachance n'est pas plaignante au dossier, mais a témoigné de faits similaires. 

Chloé Giroux-Lachance a raconté avoir eu la visite de Gilbert Rozon, qui s’était présenté nu dans le cadre de la porte de sa chambre dans la villa que le groupe avait louée en Espagne. En France, à Perpignan, elle dit avoir répondu alors qu’on cognait à sa porte de chambre d’hôtel, croyant qu’elle était en retard, mais c’était plutôt Gilbert Rozon venu pour la réveiller, pénétrer dans sa chambre et tenter de l’agresser jusqu’à ce qu’elle crie, faisant accourir son épouse.

Gilbert Rozon a plutôt raconté l’histoire d’une jeune femme qui s’était mise en mode séduction «pour reprendre le contrôle de la situation», après avoir subi des remontrances de l’homme d’affaires alors qu’ils étaient en Espagne. «Chloé Giroux faisait beaucoup de charme, mais mon épouse n’était pas dupe de la manœuvre. Si j’avais été seul, il n’est pas dit que je n’aurais pas succombé», a-t-il admis. Mais Danielle Roy, selon lui, aurait demandé à la jeune femme «de cesser son petit jeu». «C’était malaisant», a soutenu M. Rozon. 

Quant à l’idée d’être allé la rejoindre dans sa chambre d’hôtel à Perpignan et d’être allé se frotter contre elle, c’est impensable, de dire Gilbert Rozon, puisque son épouse était tout près. 

Le contre-interrogatoire de Gilbert Rozon par les avocats des plaignantes doit s’amorcer mercredi matin.

#Metoo

La cour a suspendu le volet financier de Gilbert Rozon dans de son témoignage, mais il a été question de l’impact du mouvement Metoo sur la capacité de travailler du magnat de l’humour.

Il s’en est d'ailleurs pris aux médias qui l’ont «condamné» selon lui avant même qu’il soit jugé en justice.

Il a dit que même après son procès pénal en 2020, il avait espoir de travailler en Europe, mais avec l’arrivée du recours collectif au civil, ses projets de relance se sont arrêtés brusquement.

Un long parcours judiciaire

La poursuite intentée par Patricia Tulasne, Lyne Charlebois, Anne-Marie Charrette, Annick Charrette, Sophie Moreau, Danie Frenette, Guylaine Courcelles, Mary Sicari et Martine Roy fait suite à une demande, en 2017, d’autorisation d’action collective contre l’homme d’affaires par un groupe de femmes surnommé Les Courageuses. D’abord accueillie en première instance en 2018, Gilbert Rozon a obtenu que cette demande soit rejetée par la Cour d’appel en 2020. 

Parallèlement, 14 femmes avaient porté plainte à la police, mais le Directeur des poursuites criminelles et pénales n’avait retenu que celle d’Annick Charrette. Gilbert Rozon a été acquitté en 2020 sur la base du doute raisonnable.

Patricia Tulasne, qui agissait comme porte-parole des Courageuses, a été la première à déposer une poursuite civile contre M. Rozon en avril 2021. Les huit autres femmes ont suivi et l’ensemble des poursuites ont été regroupées pour mener au procès qui s’est ouvert en décembre dernier et qui a été interrompu à maintes reprises en raison de débats sur des questions de droit.

Avec des informations de La Presse canadienne

Laurie Gervais

Laurie Gervais

Journaliste

Lili Mercure

Lili Mercure

Vidéjournaliste