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Québec solidaire: la partisanerie avant le pays

On parle beaucoup de polarisation dans les sociétés occidentales. Nous ne sommes pas à l’abri d’une telle dérive.

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Sol Zanetti, de Québec Solidaire, à gauche, réagit aux côtés de Ruba Ghazal, à droite, après avoir été élu nouveau co-porte-parole à Québec, le 8 novembre 2025. (Montage Noovo Info et image tirée de La Presse canadienne)

Sol Zanetti a tout un défi devant lui: l’indépendantiste convaincu doit briser avec la tradition de Québec solidaire (QS) de faire passer le parti avant la patrie.

On parle beaucoup de polarisation dans les sociétés occidentales, à commencer par nos voisins du sud, où l’incivilité et les insultes sont souvent plus centrales que les débats d’idées. Nous ne sommes pas à l’abri d’une telle dérive et tous les partis politiques québécois devraient en être conscients.

De mauvaise foi en mauvaise foi

Malheureusement, QS donne énormément dans les charges à fond de train de mauvaise foi, exagérées, et inutilement polarisatrices. Le parti doit se modérer.

Je ne parle pas dans de modération des idées : on peut très bien défendre l’extrême gauche et il doit y avoir une joute partisane dans notre système politique diversifié où la rhétorique stratégique et les formules « punchées » ont leur place.

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Mais il faut un minimum de modération de la mauvaise foi et de rhétorique malsaine où, au lieu de convaincre que telle ou telle politique publique est bonne ou mauvaise, on tente plutôt de convaincre que certaines personnes sont moralement condamnables, par exemple en étant intolérant ou carrément raciste.

QS devrait mettre autant l’accent sur la promotion de politiques raisonnables, comme celle de détaxer les vêtements de seconde main (je suis convaincu que d’autres partis seront d’accord), que sur la campagne quasi permanente de démonisation du Parti Québécois.

Des éléments de base

Soyons clairs:

Tous les élus sont là pour les bonnes raisons, c’est-à-dire le bien commun, même s’ils ont des visions différentes de ce bien commun ou des façons de l’atteindre.

Personne ne fait des politiques pour mal faire.

Personne n’est fondamentalement intolérant à l’Assemblée nationale.

Ces éléments de base sont cruciaux pour qu’on présume, collectivement, de la bonne foi des politiciens et des politiciennes.

Comprenez-moi bien: on peut être incompétent tout en étant une bonne personne et de bonne foi.

Idéalement, Québec solidaire ne devrait pas faire alimenter une méfiance politique profonde où beaucoup de politiciens et politiciennes deviennent fondamentalement de mauvaises personnes, moralement condamnables, même si cela pourrait lui bénéficier.

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Sol Zanetti: un faux départ

Le nouveau co-porte-parole, Sol Zanetti, est-il à la hauteur de ce renouvellement du discours se concentrant sur les politiques publiques plutôt que d’une démonisation des autres partis?

Si on se fie à ses premiers pas, on peut en douter.

Ses premières interventions ont été marquées par une obsession de s’attaquer au Parti Québécois. Comment un indépendantiste aussi convaincu que Zanetti peut-il tomber dans ce piège? Pourquoi cette obsession à attaquer le PQ plutôt que, par exemple, les libéraux ou la CAQ?

Obsession démonisation

L’objectif est probablement d’aller grapiller une poignée de votes péquistes, coûte que coûte, même si cela nuit au mouvement indépendantiste.

C’est ça, faire passer le parti avant la patrie.

Peut-être qu’il sera plus facile pour Zanetti de se tenir debout pour les indépendantistes parce qu’il perdra son siège dans moins d’un an si la tendance se maintient… Mais il devrait tenter, dès maintenant, de rééquilibrer la rhétorique de Québec solidaire en général, et concernant l’indépendance, il devrait faire passer le pays avant le parti.

Héritier de Godin? QS l’aurait traité d’intolérant

Un exemple de rhétorique malsaine: QS répand l’idée que des idoles nationalistes comme René Lévesque ou Gérald Godin, incarnant une « volonté d’inclusion », aurait renié le Parti Québécois de PSPP.

Il est toujours difficile de faire parler les morts, mais une interprétation alternative tout aussi valable est que QS aurait traité Lévesque et Godin d’intolérant. En fait, le discours de Lévesque et Godin sur l’immigration, la langue et la culture est nettement plus proche du Parti Québécois.

Pensons simplement à l’analogie de la noyade de René Lévesque sur l’immigration et la «noyade» du peuple québécois, qui était évidemment fondée sur des considérations tout à fait légitimes si on suppose qu’il faut préserver le fait français au Québec.

Sol Zanetti et Ruba Ghazal auraient également condamné, sans hésiter ni trop réfléchir, les propos de Gérard Godin sur l’immigration. Godin était évidemment inclusif, mais également très tranchant lorsqu’il était question de critiquer les politiques en immigration (et non les personnes immigrantes, nuances qui est souvent passée sous le tapis!) inadéquates pour le Québec et du besoin de «fermer les valves».

Prétendre que Québec solidaire est l’héritier de Godin et que celui-ci aurait renié le Parti Québécois relève beaucoup plus d’une instrumentalisation malsaine que de la réalité.

Tant pis: le parti avant le pays!

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Jean-François Daoust

Jean-François Daoust

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Professeur de science politique