On entend souvent ce conseil: «Trouvez un conseiller en qui vous avez confiance.» C’est sage, certes, mais incomplet. Comme l’expliquait récemment le consultant Preet Banerjee dans The Globe and Mail, la confiance en finances personnelles ne doit pas seulement aller du client vers le conseiller, elle doit être réciproque.
Un planificateur qui ne fait pas confiance à son client — par exemple en doutant de sa transparence ou de sa capacité à suivre les recommandations — voit son influence diminuer. Inversement, un client qui cache volontairement des pans de sa situation financière empêche son conseiller de bâtir une stratégie solide.
En matière de planification, la confiance est une autoroute à deux sens. Et les bouchons surviennent quand l’un ou l’autre ferme la voie et force des détours.
Quand cacher coûte cher
Un exemple frappant : une cliente, appelons-la Julie, avait accumulé discrètement plus de 70 000 $ de dettes de cartes de crédit. Craignant le jugement, elle n’en avait rien dit à son planificateur. Ce dernier, convaincu que Julie n’avait qu’une petite hypothèque, lui a recommandé d’augmenter ses cotisations REER pour maximiser son remboursement d’impôt. Résultat : l’argent investi était aussitôt grugé par les intérêts exorbitants de ses dettes non divulguées.
Dans un rapport de la Financial Planning Standards Council (FPSC), près d’un planificateur sur trois affirme avoir déjà découvert «par accident» des dettes cachées par un client. La conséquence est souvent la même : des plans irréalistes qui explosent en vol.
La leçon? Ce qu’on dissimule à son planificateur finit presque toujours par coûter beaucoup plus cher que la vérité, aussi embarrassante soit-elle.
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Certaines personnes font aussi le contraire : elles cachent des actifs. Un entrepreneur montréalais avait confié à un deuxième conseiller un portefeuille parallèle de plusieurs centaines de milliers de dollars. Il croyait ainsi « diversifier » ses avis. Mais en réalité, son premier planificateur — ignorant l’existence de ces sommes — a recommandé une allocation trop conservatrice. À long terme, cela a mené à une sous-performance marquée.
Là encore, l’absence de transparence a saboté la stratégie. Comme le rappelait la Judgment and Decision Making Journal, l’adhésion à un conseil dépend en partie de la confiance ressentie par le professionnel envers son client. Or, cacher des actifs, c’est refuser cette confiance.
L’ombre de la vie privée: santé, héritage et divorce
La situation financière n’est jamais uniquement comptable. Les événements personnels façonnent les décisions les plus cruciales. Pourtant, certains clients hésitent à se confier.
- Santé fragile : un diagnostic inquiétant peut changer toute une planification de retraite. En 2017, un rapport de Sun Life notait que 43 % des retraités canadiens avaient dû modifier dramatiquement leurs projets en raison de problèmes de santé. Un client qui omet de parler de sa condition risque d’être conseillé comme s’il avait 30 ans devant lui, alors que l’urgence est ailleurs.
- Héritage attendu : garder sous silence une succession à venir fausse les projections. Le planificateur peut insister pour réduire sensiblement le train de vie ou repousser la retraite, alors qu’un afflux de capitaux est imminent.
- Divorce en préparation : sans cette information, le conseiller continue de raisonner avec un patrimoine « commun » qui, dans quelques mois, sera divisé en deux. L’impact est énorme : fiscalité, logement, pensions alimentaires. Dans plusieurs cas, c’est le fisc — et non le planificateur — qui finit par trancher, au grand détriment du client.
Pourquoi les conseillers doivent aussi donner confiance
La confiance réciproque n’est pas qu’un impératif pour le client. Elle doit se manifester du côté du planificateur. L’étude citée par Preet Banerjee est claire : les clients suivent davantage les recommandations lorsqu’ils sentent que leur conseiller leur fait confiance.
Cela signifie par exemple :
- Éviter le jargon culpabilisant.
- Montrer que l’on croit en la capacité du client à mettre en œuvre le plan.
- Reconnaître les efforts accomplis, même imparfaits.
Un client qui se sent jugé ou infantilisé aura naturellement tendance à cacher des informations ou à ignorer des conseils.
L’illusion des «finfluencers»
Le phénomène des finfluencers sur TikTok ou YouTube illustre bien cette dynamique. Ils réussissent parce qu’ils donnent à leurs abonnés le sentiment d’être « compris ». Mais ce sentiment de confiance ne garantit en rien la qualité du conseil. Pire, il s’appuie souvent sur l’illusion de proximité émotionnelle plutôt que sur une relation de responsabilité partagée.
À l’inverse, un planificateur professionnel soumis à la conformité et à des normes déontologiques offre un cadre où la confiance peut être mesurée, balisée et — surtout — réciproque.
Ne pas dire la vérité à son planificateur n’est pas seulement une question de chiffres. C’est aussi s’exposer à :
- Des occasions manquées : comme l’accès à certains produits ou stratégies qui exigent une vision complète du patrimoine.
- Des risques mal couverts : par exemple, souscrire une assurance-vie insuffisante parce que les dettes cachées ne sont pas connues.
- Un stress inutile : chaque secret devient une pierre dans le sac à dos financier du client.
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Pour que la confiance réciproque devienne la norme, il faut un pacte implicite :
- Le client s’engage à être transparent, même sur les aspects embarrassants ou incertains de sa vie.
- Le planificateur s’engage à accueillir cette vérité sans jugement, avec rigueur et humanité.
C’est dans cet espace que naissent les stratégies financières réellement efficaces, celles qui tiennent compte des hauts et des bas de la vie, pas seulement des tableaux Excel.
Conclusion
La relation entre un client et son planificateur financier ne repose pas seulement sur des chiffres, mais sur un capital bien plus précieux : la confiance mutuelle. Comme le disait le pionnier du conseil financier Nick Murray : «Le conseiller ne vend pas des produits, il vend la confiance.»
Et cette confiance, pour qu’elle produise tous ses effets, doit circuler dans les deux sens. Sans quoi, la planification n’est qu’un château de cartes, prêt à s’écrouler au premier coup de vent.
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