Les enfants du Québec doivent avoir le droit fondamental de fréquenter une institution de l'État laïque - donc une école publique laïque - «afin de les protéger contre les pressions religieuses», selon le rapport du Comité d'étude sur le respect des principes de la Loi sur la laïcité de l'État et sur les influences religieuses, commandé par le gouvernement Legault.
Le Comité, coprésidé par Christiane Pelchat et Guillaume Rousseau, propose aussi que tous les employés du gouvernement du Québec (de l'État) aient le droit fondamental de travailler dans un milieu laïque.
«Il s'agirait de donner des recours, de donner des moyens aux personnes victimes d'atteinte à la laïcité de défendre leur droit», a précisé Guillaume Rousseau mardi en point de presse.
M. Rousseau affirme que de nombreux témoignages ont été récoltés au fil des analyses du comité et que parmi ces témoignages, des enseignants de niveau collégial auraient affirmé qu'il était «extrêmement dur sur le plan psychologique» d'enseigner à des étudiantes au visage couvert.
Une travailleuse de la santé aurait aussi confié que des collègues lui avaient «jeté un sort» et que ni son employeur, ni son syndicat, ne pouvaient y faire quoi ce soit.
«On pense aussi à ces enfants, de plus en plus nombreux, qui jeûnent pendant plusieurs jours, même quand il fait très chaud, même lorsqu’il y a de l’éducation physique. On trouve ça préoccupant, on trouve ça même troublant, je pense que le mot n’est pas trop fort, lorsqu’un enseignant nous dit que dans son école lorsqu’un enfant n’a pas de lunch, n’a pas de repas chaud, on appelle les parents, on appelle la DPJ si ça se passe trop souvent, sauf si c’est pour des considérations religieuses», a commenté Guillaume Rousseau. «Ce n’est pas respectueux du principe de la laïcité.»
La fin des salles de prière en milieu scolaire?
Le Comité d'étude sur le respect des principes de la Loi sur la laïcité de l'État et sur les influences religieuses propose également de limiter grandement - voire d'interdire - l'aménagement de salles de prière dans les universités et cégeps publics du Québec.
«Les universités – à leur demande d’ailleurs – on pense que les universités devraient explicitement avoir le pouvoir de refuser des demandes d’aménagement de salle de prière», a souligné Guillaume Rousseau.
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Pour les cégeps, le rapport Pelchat-Rousseau propose aussi d'interdire les salles de prière collectives.
«Il y a beaucoup de cégeps sous pressions de groupes religieux pour avoir des salles de prières, souvent on y sépare les hommes des femmes, on trouve que ce n’est pas adéquat, alors ce qu’on propose pour les cégeps […] c’est d’autoriser l’aménagement d’une salle, mais pour un ou deux étudiants à la fois, une salle multifonctionnelle qui peut servir à différentes fins, dont une fin religieuse, mais pas de salle de prière collective [...]», a expliqué M. Rousseau.
Les coprésidents du Comité d'étude sur le respect des principes de la Loi sur la laïcité de l'État et sur les influences religieuses estiment également que les municipalités du Québec devraient avoir l'autonomie nécessaire pour établir leur propre politique en matière de laïcité - en accord avec les principes du gouvernement du Québec.
Laïcité de l'État - 50 recommandations
Le Comité d'étude sur le respect des principes de la Loi sur la laïcité de l'État et sur les influences religieuses (le rapport Pelchat-Rousseau) - dont le mandat consistait notamment à brosser un portrait du respect de la laïcité et de la neutralité religieuse au sein des institutions de l'État et de documenter le phénomène d'influences religieuses - propose un total de 50 recommandations pour améliorer la compréhension et la mise en œuvre de la laïcité de l'État du Québec.
Le rapport Pelchat-Rousseau propose notamment d'étendre l'interdiction du port de signes religieux aux éducatrices et au personnel de direction des centres de la petite enfance (CPE) et des garderies subventionnées tout en suggérant une clause de droit acquis - communément appelée clause grand-père - qui ferait en sorte que les éducatrices déjà à l'emploi n'auraient pas à se soumettre à l'interdiction.
Parmi les 50 recommandations du document, on propose aussi «de mettre fin progressivement au financement étatique des écoles privées religieuses». Le rapport suggère de prévoir un mécanisme afin de permettre aux écoles confessionnelles subventionnées de se laïciser afin de conserver leur financement public. Pour ce faire, les écoles devront respecter les quatre principes de la laïcité de l'État, soit: la séparation de l'État et des religions; la neutralité religieuse de l'État; l'égalité de tous les citoyens et citoyennes; la liberté de conscience et la liberté de religion.
Le rapport Pelchat -Rousseau propose aussi une modification importante aux règles entourant les accommodements pour un motif religieux,« afin de les rendre conformes aux principes de la laïcité». Le but serait de modifier le fardeau de la preuve en matière d'accommodements religieux.
«Les organismes publics qui font face à beaucoup de demandes d’accommodements religieux, c’est très lourd [la marche à suivre actuelle]», a fait savoir Guillaume Rousseau.
«On pense que c’est très correct de dire : si la contrainte est minimale, on accommode, si la contrainte est plus que minimale, si ça cause une surcharge de travail à d’autres employés ou un risque d’impact sur le service public, à ce moment ça devrait être justifié de refuser la demande d’accommodement religieux», a-t-il précisé.
Le rapport de 288 pages a été rédigé après, entre autres, 48 entrevues avec des spécialistes et du personnel de l'État, une consultation publique en ligne ayant suscité plus de 500 réponses, une consultation par questionnaire détaillé à laquelle 164 ministères et organismes publics ont participé et un sondage réalisé auprès de 181 municipalités.
Projet de loi 94
Le dossier de la laïcité a fait les manchettes plusieurs fois au Québec au cours des dernières années, particulièrement concernant la situation dans les écoles. Le ministre de l'Éducation Bernard Drainville a d'ailleurs déposé en mars dernier le projet de loi 94 - visant à renforcer la laïcité dans le réseau scolaire - après des révélations sur les agissements d'enseignants maghrébins de l'école Bedford à Montréal, des agissements jugés «inacceptables».
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Des filles se sont vu interdire de jouer au soccer, des enfants sur le spectre de l'autisme n'ont pas reçu de services spécialisés, tandis que les sciences et l'éducation à la sexualité étaient peu ou pas enseignées.
Onze professeurs de l’école Bedford ont été suspendus depuis.
Par la suite, 17 écoles québécoises ont fait l'objet de vérifications pour non-respect de la laïcité.
Le projet de loi 94 du gouvernement du Québec devrait être étudié article par article cet automne, après une première séance en juin.
Il est bon de rappeler d'ailleurs que le projet de loi du ministre Bernard Drainville divise.
Par exemple, la Ligue des droits et libertés (LDL) a demandé le retrait du projet de loi 94, affirmant qu’il est «contraire à une laïcité ouverte et inclusive et qu'il est attentatoire aux droits et libertés protégés par les Chartes québécoise et canadienne et par le droit international des droits humains».
Avec des informations de La Presse canadienne.
