Un enfant qui reçoit l'enseignement à la maison perdra des services si lui ou son parent refuse de se découvrir le visage en présence d'un représentant de l'école ou du centre de services scolaire (CSS).
Le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a déposé jeudi plusieurs amendements afin de renforcer son projet de loi 94 qui porte sur la laïcité dans les écoles.
Cette pièce législative élargit l'obligation d'avoir le visage découvert en tout temps à toutes les écoles publiques et privées, subventionnées ou non, et ce, tant pour les élèves que pour le personnel.
Elle prévoit également la même obligation pour les enfants qui reçoivent l’enseignement à la maison et leurs parents lors de la prestation d'un service par le CSS.
Jeudi, M. Drainville a indiqué qu'il ajoutait une sanction: le refus pour un élève ou un parent de se conformer entraînera la perte de services.
Par exemple, l'enfant qui nécessite les services d'un orthopédagogue s'en verrait privé tant et aussi longtemps que lui ou son parent refuse de se découvrir le visage complètement, a expliqué le cabinet de M. Drainville.
Dans son mémoire, l'Association québécoise des cadres scolaires s'était prononcée sur ce genre de sanction. Elle y voyait une «contradiction avec l'obligation de permettre aux élèves de recevoir les services auxquels ils ont droit».
«Les risques que comporterait ce type de sanction quant au sentiment d’exclusion vécu par les élèves ou les parents ne sont pas à négliger», écrivait-elle.
Le ministre a proposé d'autres amendements qui ajoutent des obligations aux élèves et à leurs parents.
Le projet de loi obligeait déjà les élèves à respecter l'égalité hommes-femmes et à éviter toute forme d'intimidation ou de violence, motivée par «le racisme, l'orientation sexuelle, l'identité (...) de genre, l'homophobie, un handicap ou une caractéristique physique».
M. Drainville vient ajouter, dans les gestes proscrits aux élèves, les «manifestations de haine et de discrimination».
Lors des consultations particulières, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes avait notamment demandé au ministre d'être plus sévère face à ces manifestations de «haine».
«Les comportements haineux (...) sont effectivement graves et inacceptables, ce qui mérite une précision à la loi afin de les viser expressément», a indiqué à La Presse Canadienne l'attaché de presse du ministre, Antoine de la Durantaye.
Un troisième amendement rendrait obligatoire l'implication des parents dans l'application du code de vie des élèves.
Un projet de loi qui ratisse large
Le projet de loi 94 ratisse large: il étend l'interdiction du port de signes religieux à l'ensemble du personnel des écoles publiques.
Les accommodements seraient resserrés: les écoles n'auraient plus la possibilité d'adapter leurs méthodes d'enseignement, leur matériel pédagogique ou leurs programmes pour des raisons religieuses.
Les absences pour des motifs religieux seraient également encadrées plus strictement. Les demandes pour de la nourriture kasher ou halal, par exemple, ne seraient plus acceptées.
Le gouvernement propose aussi d'enchâsser dans la loi sa directive interdisant la prière et autres pratiques religieuses dans les écoles.
Les membres des conseils d'établissement seraient soumis à un code d'éthique; on s'attend à ce que leur conduite soit exempte de considérations religieuses et guidée par les valeurs démocratiques et laïques.
Si le projet de loi est adopté, les enseignants devront soumettre leur planification annuelle à l’école, qui s'assurera qu’elle respecte le régime pédagogique. Une évaluation annuelle des enseignants est également prévue.
Le projet de loi 94 a recours à la clause dérogatoire qui le met à l’abri des contestations judiciaires.
En déposant son projet de loi, le 20 mars dernier, M. Drainville avait dit avoir été «ébranlé» par le cas de l’école Bedford, à Montréal, où il a été découvert en 2024 qu'une clique d’enseignants maghrébins faisaient régner un climat toxique.
Des filles se sont vu interdire de jouer au soccer, des enfants sur le spectre de l'autisme n'ont pas reçu de services spécialisés, tandis que les sciences et l’éducation à la sexualité étaient peu ou pas enseignées.
Onze professeurs de l’école Bedford ont été suspendus depuis.
À la suite des événements à Bedford, M. Drainville a dépêché des enquêteurs dans 17 écoles où des manquements à la loi sur la laïcité étaient signalés. Le rapport mentionne que dans une école, des élèves portaient un signe religieux couvrant tout le visage.
Alors que débutait l'étude détaillée du PL94 jeudi, le député Sol Zanetti, de Québec solidaire, a accusé le gouvernement caquiste de «diviser la société». «C'est un projet de loi d'exclusion sociale», a-t-il soutenu.
Le ministre a reconnu qu'il ne pourra faire adopter son projet de loi d'ici la fin de la session parlementaire. L'étude détaillée se poursuivra donc à l'automne, a-t-il dit en mêlée de presse.

