Le rapport de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes, qui a été déposé jeudi, reçoit un accueil positif des experts.
La commission transpartisane suggère notamment que le gouvernement du Québec mette en place une stratégie nationale d’information et de sensibilisation concernant les recommandations en matière d’utilisation des écrans afin d’encourager les parents à les respecter.
Cette mesure outillerait aussi les parents et les autres intervenants qui gravitent autour des jeunes «sur la façon de développer un rapport sain au numérique en soulignant les ressources et outils déjà disponibles, comme ceux offerts par Tel-Jeunes, Tel-Jeunes Parents, Capsana et nousParents».
La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) estime que les élus de la commission ont été à l'écoute des experts qui sont venus témoigner dans le cadre des consultations publiques et accueille `très favorablement' le rapport qui en découle.
«C'est vraiment une très belle première étape. Maintenant évidemment, la balle va être dans le camp du gouvernement pour ne pas tabletter ce beau rapport, mais vraiment d'agir dessus et d'implanter les mesures concrètes pour venir protéger nos jeunes et leur santé mentale», a commenté la Dre Karine Josée Igartua, psychiatre et membre du conseil d'administration de la FMSQ.
Du côté de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), on se réjouit grandement que l'autonomie professionnelle des enseignants soit reconnue dans le rapport.
Annie Primeau, vice-présidente à la vie pédagogique pour la FAE, est toutefois inquiète de la façon dont la mise en oeuvre de l'encadrement du temps d'écran sera instaurée dans les différents milieux. Elle souligne que près de la moitié des recommandations visent le secteur de l'éducation.
«On sait que le milieu de l'éducation est un milieu qui est en souffrance présentement. Le réseau vit des moments difficiles depuis les dernières années. Le personnel enseignant veut participer à ces changements, il ne veut pas se les faire imposer, il veut faire partie intégrante du processus. En saluant l'autonomie professionnelle du personnel enseignant, on espère également que le gouvernement profitera de leur expertise pour pouvoir les inciter à mettre l'épaule à la roue, faire en sorte de les consulter et de les avoir avec eux», plaide Mme Primeau.
La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a aussi mentionné dans un communiqué que l'implication et l'expérience du personnel en milieu scolaire font partie de la solution. Le président de la centrale, Éric Gingras, ajoute qu'il est «rafraîchissant» de voir que les élus reconnaissent la responsabilité collective face aux enjeux des écrans et que l'école n'est pas considérée comme «un fourre-tout pour régler tous les problèmes de la société».
Les enjeux des tout-petits
«À l'Observatoire des tout-petits, on se réjouit vraiment de ce rapport, indique la directrice Julie Cailliau. Parce qu'en fait, on y trouve plusieurs recommandations qui pourraient être bénéfiques pour le développement des enfants de 0-5 ans, et c'est vraiment là notre préoccupation.»
Elle se réjouit particulièrement de la recommandation de documenter davantage la situation sur l'utilisation des écrans auprès des enfants, qui était l'une des pistes de solutions que l'Observatoire des tout-petits avait identifiées dans son mémoire.
Le rapport positionne l'utilisation des écrans comme un enjeu de société qui interpelle différents acteurs. «Oui, c'est la responsabilité des parents, mais pas seulement. Il y a toutes sortes d'acteurs dans la société, que ce soit dans le réseau d'éducation, le réseau des services de garde, le réseau de la santé, qui peuvent jouer un rôle pour protéger les enfants des risques que représentent les écrans pour leur développement», mentionne Mme Cailliau.
La période 0-5 ans est un moment charnière pour le développement de l'enfant. C'est pendant ces années que les enfants apprennent à se concentrer, à gérer leurs émotions, leurs pensées et leurs comportements, à emmagasiner des connaissances et à résoudre des problèmes. Un temps d'écran trop élevé chez les bambins a pour effet de remplacer des activités essentielles à leur développement cognitif, physique et moteur, telles que les interactions sociales et la découverte de leur environnement.
Intégrer la compétence numérique dans les cours
Parmi les 56 recommandations du rapport, une qui retient l'attention est la majorité numérique à 14 ans. Les élus suggèrent ainsi que les jeunes de moins de 14 ans ne devraient pas pouvoir s'inscrire sur les réseaux sociaux sans le consentement de leurs parents.
La recommandation numéro 9 incite par ailleurs les parents à faire preuve d'exemplarité en matière de temps d'écran. On souhaite entre autres que les parents évitent d'exposer les enfants aux écrans avant l'heure du coucher; qu'ils accompagnent les plus jeunes lors des temps d'écran; qu'ils évitent complètement les écrans lors des soupers ou autres activités communes; qu'ils développent chez leurs enfants un sens critique envers les réseaux sociaux, notamment en ce qui a trait à la prise de photos et de vidéos avec des outils non sécurisés sur des plateformes numériques.
Le gouvernement du Québec est aussi sollicité dans le rapport afin qu'il mette à jour le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ), le Cadre de référence de la compétence numérique et la Politique d’évaluation des apprentissages pour «tracer clairement la voie à suivre» pour les enseignants. On demande aussi au gouvernement d'inclure la compétence numérique comme contenu obligatoire, en attendant son intégration complète dans les programmes du PFEQ.
Rappelons que le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a déjà fait savoir qu'il irait de l'avant avec l'interdiction du téléphone cellulaire partout dans l'école, y compris sur le terrain de l'école, comme l'avait indiqué la commission dans son rapport intérimaire déposé en avril.
Les élus ont entrepris leurs travaux en septembre 2024 et Mme Cailliau a bon espoir pour la suite des choses. «Aujourd'hui, avec le rapport de la commission, on voit qu'on a fait beaucoup de chemin, puis qu'on a commencé à transformer notre point de vue collectif sur le sujet des écrans en lien avec le développement des enfants. Puis là, on semble être prêt à agir collectivement. Je pense qu'il y a une certaine maturité qu'on a gagnée comme société sur cette question», conclut-elle.
