Près de 500 personnes se sont réunies samedi à Longueuil pour une marche pacifique afin de rendre hommage à Nooran Rezayi, cet adolescent de 15 ans qui a été tué par balle lors d'une intervention policière du Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL) le 21 septembre dernier.
La marche a débuté samedi à 14h00 à l'intersection des rues Monaco et Joseph-Daigneault, lieu de l'intervention policière. Dans le cortège mené par la famille, plusieurs affiches avec l'inscription «Justice pour Nooran Rezayi» pouvaient être vues. Une banderole aborait également le message «Mettez fin à la violence policière».
Les amis de Rezayi ont défilé dans le quartier, et les membres de sa famille et d'autres personnes, dont son père, ont pris la parole en mémoire du garçon.
Beaucoup brandissaient des pancartes avec des photos de Rezayi, dont une abordant un mot se voulant rédigé par l'adolescent lui-même.
«Je suis quelqu'un de très sympathique et sportif», peut-on y lire. «Ce qui fait de moi une personne inoubliable, c'est que j'étais toujours là pour mes amis lorsqu'ils avaient des problèmes ou qu'ils étaient de mauvaise humeur. C'est ce qui fait de moi une personne inoubliable et gentille.»
La marche qui a été silencieuse s'est terminée une quarantaine de minutes après son départ. Elle s'est conclue au parc Marcel-Simard.
De nombreux participants sont ensuite retournés calmement à l'endroit où Nooran Rezayi a été tué pour se recueillir et y déposer des fleurs. Les personnes présentes s'enlaçaient, les yeux pleins de larmes et les visages meurtris face à l'étendue de fleurs et de bougies qui marquait l'endroit même où le drame a eu lieu.
Toutefois, un groupe de personnes est resté sur les lieux. Noovo Info a par ailleurs aperçu un déploiement de policiers munis de boucliers se mettre en place après la marche.
Un citoyen qui aurait été encerclé dans la marche serait à l'origine d'un appel au 911. Cet appel aurait causé le déploiement. En soirée, le SPAL a confirmé que son équipe d'urgence auxiliaire a été déployée de manière préventive en raison d'une altercation verbale signalée par un citoyen qui aurait «exprimé un malaise», a affirmé la porte-parole du corps policier Marie Beauvais. «L'intervention a été terminée rapidement et sous contrôle», a conclu Mme Beauvais.
Par la suite, on a demandé aux personnes restantes de rentrer.
Dans un communiqué publié en début de soirée samedi, le SPAL a souligné le fait que la marche s'est déroulée «dans le respect mutuel, le calme et la dignité».
Dans un communiqué publié vendredi, l'avocat représentant la famille de l'adolescent, Me Fernando Belton, a rappelé que la marche était «pacifique» et a pour objectif de «rendre hommage à Nooran et de dénoncer l'injustice afin qu'un tel drame ne se reproduise plus».
Vendredi, le SPAL avait lancé un appel au calme afin qu'aucun débordement ne se produise durant la manifestation.
«Des informations nous laissent croire malheureusement que certains individus, quoique peu nombreux, pourraient chercher à provoquer des confrontations avec les policiers […]. De tels comportements ne pourront être tolérés», a affirmé vendredi en point de presse l’inspecteur Gino Iannone, officier de direction de la Section des communications et des relations médias au SPAL.
«Cette tragédie n’est pas uniquement la nôtre, elle est collective»
Plusieurs discours ont été prononcés lors de la marche dont un de la soeur de Nooran Rezayi. Visiblement très émue, elle a affirmé que «cette tragédie n’est pas uniquement la nôtre, elle est collective».
La jeune fille a parlé de son frère comme étant un «fils bien aimé». Pas seulement un fils, un jeune homme brillant, attentionné et profondément aimé».
Le député de la circonscription de Laurier-Dorion (Québec solidaire), Andrés Fontecilla, a pour sa part parlé d'un «sentiment de déjà vu». Il a notamment abordé la mort de Fredy Villanueva en ajoutant «qu'on a l'impression que rien ne se passe».
«L’avenir de cet enfant lui a été lâchement et injustement volé. Nous ne devrions pas être là.»
«Au fond de moi, je savais qu'un jour, en grandissant, en devenant adolescent et ensuite un jeune adulte en tant que magrébin évoluant dans le Québec actuel, il allait vivre du racisme et du profilage racial, je me devais le préparer a cette réalité, a expliqué au milieu du stade quasi rempli de participants, Sanna Mansouri, la sœur d'un des proches amis de Nooran Rezayi. Malgré ces précautions, nous ne sommes jamais préparés à une telle tragédie.»
«Nous ressentons tous de l'indignation, car Nooran était qu'un enfant et la société devait le protéger», a-t-elle ajouté.
Son petit frère, Nourak Mansouri, était un ami proche de Nooran Rezayi. C'est avec les yeux rempli de larmes, que le jeune homme a pris le mégaphone pour rendre hommage à cette personne qui était pour lui «plus qu'un ami, je le considérais comme mon frère, c'était un membre de ma famille».
«Nooran avait toujours le sourire, il était toujours là pour consoler ou comprendre une personne si elle ne se sentait pas bien, a raconté avec beaucoup d'émotion le jeune homme. Nooran aura toujours une place importante dans mon cœur.»
La présidente et fondatrice de l'Association de la sépulture musulmane au Québec (ASMQ), Hadjira Belkacem, a expliqué à La Presse Canadienne que son organisme aide malheureusement de plus en plus de famille a enterrer un de leurs enfants morts dans de tragiques circonstances.
«Aujourd'hui, on veut se recueillir pour la mémoire de Nooran et pour ne pas l'oublier et dire à sa famille que tout le Québec est là pour les soutenir, a expliqué Mme Belkacem, dont l'organisme a aidé à organiser la marche. Malheureusement, même s'il y a une enquête, ça ne va pas aboutir, car plusieurs cas avant n'ont rien donné.»
Une deuxième manifestation prévue dimanche
Une deuxième manifestation devrait avoir lieu à Longueuil dimanche à 15h. Le départ devrait être donné à l'école secondaire Gérard-Filion et devrait se terminer devant le quartier général du SPAL situé sur le boulevard Curé-Poirier Ouest.
Les manifestants souhaitent «réclamer justice pour Nooran, un jeune homme tragiquement tué par la police de Longueuil».
De plus, ils exigent que tous les policiers de la province portent des caméras corporelles.
«Nous refusons de rester silencieux face à la tragédie de Nooran Rezayi», peut-on lire sur la page Facebook dédiée à l'événement. «Sa mort nous rappelle douloureusement les abus, le racisme systémique et la brutalité policière qui continuent de sévir dans nos communautés.»
À noter que cette manifestation n'a pas été approuvée par la famille.
Retour sur les événements
Nooran Rezayi est mort après avoir été atteint par balle lors d'une intervention policière, dimanche dernier à Longueuil.
Selon les informations diffusées par les autorités, les policiers sont intervenus vers 14h48 à la suite d'un appel signalant un groupe de personnes armées en déplacement dans un lieu public. Questionnés à savoir ce qu’ils faisaient dans le quartier, les jeunes auraient répondu qu’ils s’apprêtaient à tourner une vidéo dans le boisé voisin.
Les agents seraient arrivés sur les lieux vers 14h58 et seraient entrés en contact avec des membres du groupe dans le secteur des rues Joseph-Daigneault et Monaco.
Lors de l’intervention, l'adolescent a été atteint par un tir policier. Les premiers soins lui auraient été prodigués par les policiers sur place jusqu’à l’arrivée des ambulanciers. Son décès a été constaté en centre hospitalier.
Le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) a déployé une équipe de 15 enquêteurs afin de faire la lumière sur les événements.
Mardi en conférence de presse, le BEI sollicitait l'aide de témoins afin de faire avancer l'enquête.
«J'invite la population, les gens, qui ont vu des choses, qui ont entendu des choses, qui possèdent des éléments de preuve à communiquer avec le BEI», avait alors fait savoir Me Brigitte Bishop, directrice du BEI.
Le BEI a souligné qu'au moins sept vidéos ayant capté la scène ont été envoyés pour expertise au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale à Montréal.
Les enquêteurs ont également saisi jusqu'à maintenant une arme à feu — appartenant au policier qui a fait feu —, un sac à dos, des cagoules et un bâton de baseball. Les objets saisis seront aussi soumis à des analyses.
Les funérailles de Nooran Rezayi se déroulaient jeudi matin sur la rive sud de Montréal. On comptait 800 personnes sur les lieux, qui étaient tristes pour la plupart, mais aussi en colère et ils réclament justice.
- Avec des informations de Noovo Info, de CTV News et de Quentin Dufranne pour La Presse canadienne

