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Un homme s'en prend à des journalistes devant le «club-house» des Hells Angels en Nouvelle-Zélande

«Partez tout de suite.»

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Alors qu’une équipe de W5 filmait la propriété des Hells Angels depuis la rue, un homme en colère a surgi du portail, a descendu l’allée et a confronté la journaliste Avery Haines sur la voie publique. (W5 | CTV News)

Dans une rue quelconque de Wanganui, en Nouvelle-Zélande, une ville située sur la côte ouest de l'île du Nord, se trouve un immense club house des Hells AngelsEntourée de maisons résidentielles, la propriété du groupe criminel est clôturée par de hauts murs, un portail et des caméras de sécurité surveillant l'entrée.

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News. Cet article est le fruit d'une collaboration entre CTV News et l'Investigative Journalism Foundation. Il s'agit de la dernière d'une série de reportages, visant à examiner le rôle du Canada en tant que l'un des plus grands exportateurs mondiaux de méthamphétamine vers la Nouvelle-Zélande et l'Australie.

Alors qu’une équipe de W5 filmait la propriété depuis la rue, un homme en colère a surgi du portail, a descendu l’allée et a confronté la journaliste Avery Haines sur la voie publique. Il était clair que l’équipe de W5 n’était pas la bienvenue.

«Qu'est-ce que vous faites ici?» a demandé l'homme.

«Comment ça va?» a répondu la journaliste.

«Pas très bien. Va te faire foutre», a-t-il répondu.

«Je peux vous expliquer...», a répliqué la journaliste.

«Non, vous ne pouvez pas. Va te faire foutre. Partez tout de suite», a lancé l'homme.

La journaliste tentait d’expliquer que la raison de leur présence était en lien avec une enquête en cours sur l’épidémie de méthamphétamine qui sévit en Nouvelle-Zélande.

Les analyses des eaux usées suggèrent que la consommation de méthamphétamine en Nouvelle-Zélande a presque doublé entre 2023 et 2024. En 2023, la Nouvelle-Zélande a saisi 824 kilogrammes de méthamphétamine provenant du Canada, soit plus que partout ailleurs dans le monde.

Le club-house des Hells Angels avait été perquisitionné en juillet par la police néo-zélandaise, ce qui avait donné lieu à plusieurs accusations liées à l'importation et à la fourniture de méthamphétamine. Au total, 19 personnes ont été arrêtées, dont le président, le vice-président et le sergent d'armes.

«Nous sommes des journalistes canadiens et nous réalisons un reportage sur la crise de la méthamphétamine», a expliqué la journaliste Avery Haines.

«Va te faire foutre. Fu****g piece of sh**. Va te faire foutre», a répliqué l'homme.

«Pourquoi je serais une fu****g piece of sh** pour ça?» a demandé la journaliste.

«Va te faire foutre», a répondu l'homme une fois de plus. «Assez de couverture médiatique, p***in. Allez tous vous faire foutre.»

La vie de groupe criminel

Les Hells Angels ne sont pas le seul groupe criminel très présent dans les rues de Nouvelle-Zélande.

Une douzaine d'autres clubs de motards criminels sont impliqués dans la distribution de méthamphétamine à travers la Nouvelle-Zélande. En fait, le pays a l'un des taux d'adhésion à des groupes criminels par habitant les plus élevés au monde.

W5 a récemment obtenu un accès exceptionnel à des membres haut placés de deux des groupes criminels les plus redoutés, les Rebels et la Mongrel Mob. Ces derniers ont créé une petite section canadienne à Montréal en 2018.

W5 | CTV News De gauche à droite, de haut en bas : Sandy Tamati, James Duff, Karl Goldsbury et Baldy. (W5 | CTV News)

Baldy, un membre de la Mongrel Mob, a expliqué qu'il était né dans le milieu des groupes criminels. «Pour nous, la Mongrel Mob, c'est intergénérationnel... C'est normal pour nous», a-t-il dit. «Mon père est un gangster, tous mes oncles sont des gangsters, mes frères sont des gangsters. Mes sœurs ont épousé des membres de groupes criminels. »

Baldy fait des allers-retours en prison depuis des années à cause de ses activités au sein d'un groupe criminel. «Des crimes odieux, je suppose... des armes, de la drogue, de la violence, des viols.»

James Duffy, président national de longue date des Rebels, a décrit comment les groupes criminels créent des toxicomanes parmi les membres de leurs propres communautés. «On leur donne gratuitement ou on leur vend à bas prix jusqu'à ce qu'on crée un marché. Et une fois qu'ils sont accros, ils reviennent sans cesse», a-t-il expliqué.

Sandy Tamati, président national de longue date de la Mongrel Mob, est en liberté conditionnelle pour avoir kidnappé et agressé sexuellement un adolescent à cause d'une dette de drogue. «J'ai passé la majeure partie de ma vie en prison», a-t-il dit.

Mais tous trois affirment mener désormais une vie sans crime et ont une personne en particulier à remercier : Karl Goldsbury, lui-même membre de la Mongrel Mob.

M. Goldsbury, ancien toxicomane et criminel de longue date, aide les membres éminents de groupes criminels à adopter un nouveau mode de vie afin de les réintégrer dans la société. Son travail est tellement couronné de succès que les juges libèrent régulièrement des membres en liberté conditionnelle et les confient à ses soins pour qu'ils vivent sur sa propriété, aux côtés de son petit-fils, de sa fille et de sa femme.

«Je les fais venir ici, je leur établis un emploi du temps quotidien, je les emmène à tous leurs cours. Je les aide à s'exprimer, à communiquer, à faire confiance aux gens», a-t-il mentionné.

Il dit qu'il apporte à ces hommes un soutien téléphonique 24 heures sur 24, les aide lors de leurs audiences de libération conditionnelle et les aide dans leur éducation.

M. Goldsbury lui-même a obtenu un master en changement et résilience organisationnelle. Il a organisé des visites pour ces hommes afin qu'ils puissent rencontrer d'autres membres de groupes criminels en prison et leur parler d'une vie sans addiction ni crime.

«À ce jour, j'ai probablement aidé plus de 10 personnes à sortir... Aucune d'entre elles n'a récidivé, aucune n'est retournée en prison», a-t-il précisé.

Capitale néo-zélandaise de la méthamphétamine

Selon des analyses des eaux usées, la région de Northland en Nouvelle-Zélande affiche le taux de consommation hebdomadaire de méthamphétamine par habitant le plus élevé du pays.

Dans la ville de Kaikohe, dans cette région, l'infirmière diplômée Rhonda Zielinski dirige le Whakaoranga Whanau Recovery Hub, où elle et son équipe aident les personnes aux prises avec une addiction.

Le centre offre un hébergement, de la nourriture, des cours de langue et de culture, ainsi que des programmes de remise en forme en soirée, tels que le kickboxing.

Tout comme Goldsbury, Mme Zielinski accueille chez elle des membres de groupes criminels sortis de prison.

«Je ne vois pas de groupes criminels», a-t-il dit. «Je vois juste de beaux Maoris qui ont besoin de changer de vie, sinon ils passeront toute leur vie en prison.»

«Que fait-on du point de vue canadien pour empêcher que cette drogue ne sorte du pays? Cela détruit nos familles. Cela détruit nos communautés.»
-Rhonda Zielinski 

L'un des hommes qu'elle a récemment accueillis chez elle est Harley Hauraki, un membre officiel du groupe Black PowerCe dernier, qui n'était sorti de prison que depuis une semaine, a confié à W5 qu'il avait commencé à consommer de la méthamphétamine très jeune. «Cela a eu un impact énorme, énorme. J'ai commencé à l'âge de 9 ans», a-t-il dit.

M. Hauraki a raconté qu'il consommait cette drogue pour échapper à une vie difficile. «La pauvreté, la violence, oui. Les groupes criminels», a-t-il ajouté.

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Mme Zielinski travaille quotidiennement pour réduire la demande de méthamphétamine dans sa communauté. Mais elle aimerait savoir pourquoi cette drogue sort si facilement du Canada.

De la méthamphétamine dissimulée dans de la bière

La méthamphétamine provenant du Canada est responsable d'au moins un décès en Nouvelle-Zélande.

En 2023, Aiden Sagala, 21 ans, est décédé après avoir accidentellement bu de la méthamphétamine liquide dissimulée dans des cargaisons de bière maison Honey Bear provenant de Toronto.

Son patron distribuait des caisses de bière au travail et en avait donné quelques-unes à Sagala.

W5 | CTV News La tombe d'Aiden Sagala à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Sagala est décédé en mars 2023 après avoir accidentellement bu de la méthamphétamine liquide déguisée en bière provenant du Canada. (W5 | CTV News)

Ce que le jeune homme ignorait, c'est que la bière Honey Bear n'est pas une véritable marque et que son patron était impliqué dans un réseau de trafic de drogue et avait aidé à cristalliser et à préparer la méthamphétamine liquide pour la vente.

En se débarrassant de l'excédent de bière, le patron d'Aiden Sagala lui a donné par erreur une caisse qui contenait encore des canettes de méthamphétamine. Ce dernier a bu par hasard l'une de ces canettes un jour après le travail.

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Les motards contre la méthamphétamine

Aiden Sagala vivait avec sa sœur Angela et son beau-frère Billy lorsqu'il est décédé.

Lorsque Bryan Haddon a appris la mort du jeune homme, il a été révolté qu'un innocent ait été tué par la méthamphétamine.

«[Aiden Sagala] ne faisait pas partie d'un groupe criminel, il ne se droguait pas, c'était un garçon chrétien. Il avait une famille aimante. ... Il part, finit son travail, prend un verre et discute avec son beau-frère. Ce n'est pas par choix qu'il est mort de cette façon.»
-Bryan Haddon

Bryan Haddon faisait partie à l'époque d'un club de motards non hors-la-loi, Riders Against Meth (RAM). Les  RAM sont composés d'anciens toxicomanes.

En réponse, Bryan Haddon et le club ont lancé la RAM Ride en l'honneur de Sagala: un périple de 230 kilomètres entre Rotorua et Auckland pour sensibiliser le public aux dangers de la méthamphétamine.

W5 | CTV News Bryan Haddon s'entretient avec W5 de CTV. (W5 | CTV News)

Le périple se termine par un moment de silence sur la tombe du jeune homme.

Bien qu'il ne soit plus membre actif des RAM à l'heure actuelle, M. Haddon affirme qu'il continuera à rouler en l'honneur d'Aiden Sagala pour le reste de sa vie.

«Nous devons faire cela chaque année pour sensibiliser non seulement la Nouvelle-Zélande, mais aussi le reste du monde à ce qui se passe avec cette drogue qui tue des gens, et des gens innocents qui plus est», a-t-il dit.

«C'était tellement réconfortant à voir», a confié Billy, le beau-frère d'Aiden Sagala. «On avait l'impression que c'était pour toi, Aiden... ça nous a fait pleurer.»

Un reportage d'Avery Haines pour W5/CTV News

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