Même si vous avez un emploi décent et que vous payez toujours vos factures à temps, vous pouvez quand même avoir peur de ne pas progresser ou de ne jamais avoir assez d’argent.
Ce sentiment peut être en partie dû à la crise du pouvoir d’achat. Parfois, il est aussi le signe d’une mentalité de pénurie financière.
Réaction émotionnelle et anxiogène, cette mentalité plonge souvent les gens dans une spirale de ruminations, les enfermant dans la conviction qu’ils n’auront jamais assez d’argent pour vivre confortablement et qu’ils seront toujours pris au piège de difficultés financières. Selon les experts, cette mentalité peut nuire à leur bien-être financier et à leur qualité de vie à long terme.
«L’état d’esprit joue un rôle très important dans le fait que les gens restent coincés dans leur situation financière actuelle», explique Jeri Bittorf, coordonnatrice du bien-être financier chez Resolve Counselling Services Canada.
Mme Bittorf explique qu’elle rencontre fréquemment, dans le cadre de son travail, des clients qui ont une mentalité de pénurie. Parfois, ces personnes s’accrochent à la peur de ne jamais pouvoir gagner plus ou réduire leurs dépenses, et pensent que leur situation ne s’améliorera jamais.
Cette réaction émotionnelle provient généralement d’un traumatisme lié à l’argent, explique Kalee Boisvert, conseillère financière chez Raymond James.
Cela peut provenir d’expériences vécues durant l’enfance, comme la pauvreté, mais aussi s’installer plus tard, à la suite d’un sentiment de manque de ressources, ou en entendant des histoires de personnes de son entourage incapables de payer leur loyer ou de faire leur épicerie, précise Mme Boisvert.
«Parfois, cette peur de la pénurie d’argent provient d’histoires entendues et presque faites siennes, ou de la crainte de les vivre», ajoute-t-elle.
Mme Boisvert repère les signes avant-coureurs d’une mentalité de pénurie chez ses clients lorsqu’elle entend des commentaires comme: «Je suis nul(le) avec l’argent; j’ai peur de ne jamais pouvoir prendre ma retraite; je devrais avoir un meilleur travail ou faire plus.»
C’est ce qu’on appelle «une mentalité de pénurie financière qui agit insidieusement», explique-t-elle.
Un travail psychologique
Mme Boisvert ajoute que cette mentalité peut engendrer des problèmes de confiance en soi et d’estime de soi, qui finissent par se répercuter sur les décisions du quotidien, comme le choix d’un emploi, d’un partenaire ou d’un logement.
Mme Bittorf souligne l’importance de s’attaquer à la racine de cette mentalité et insiste sur le rôle crucial de la tenue d’un journal pour décrypter les schémas et les croyances liés à l’argent.
«Je leur fais commencer dès leur plus jeune âge, vers cinq ans», précise-t-elle.
Mme Bittorf utilise des questions ciblées sur la sécurité financière vécue pendant l’enfance: leurs parents parlaient-ils d’argent? Y a-t-il eu des disputes financières à la maison? Se sentaient-ils à leur place financièrement à l’école?
«Je veux qu’ils réfléchissent à tout cela, car ces éléments influencent leurs décisions actuelles, même inconsciemment», affirme-t-elle.
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Parfois, Mme Bittorf encourage ses clients à créer des tableaux de visualisation représentant leurs passions et leur vision d’un avenir fondé sur une mentalité d’abondance. Cela suscite l’enthousiasme nécessaire pour concrétiser ces projets.
«S’ils parvenaient à sortir de cette situation, quels seraient leurs objectifs?» demande-t-elle à ses clients.
Bien que l’analyse des schémas financiers soit fondamentale, Mme Bittorf explique que tout se résume à des actions concrètes, comme établir un budget, suivre ses dépenses et décomposer ses objectifs financiers en étapes plus petites et réalisables.
Cela implique également de prendre des décisions difficiles, comme réduire les dépenses superflues ou changer de travail.
«Vous savez que vous en êtes capable. Et il existe de nombreuses ressources pour vous soutenir», soutient Mme Bittorf.
L'argent: un outil
Pour Mme Boisvert, se libérer de la mentalité de pénurie a été un effort conscient dans son parcours personnel. Si elle ne s’était pas affranchie de cette mentalité durant son enfance, elle pense que sa réaction face à l’argent aurait été d’épargner et de mettre de côté tout ce qu’elle possédait, au lieu d’aligner ses dépenses sur ce qui lui tenait vraiment à cœur.
«Sachant que j’ai grandi avec cette mentalité de pénurie que j’ai dû surmonter à force de travail, quand je parle d’argent à ma fille, je lui dis simplement que l’argent est un outil, un outil qui nous aide à réaliser des choses», témoigne Mme Boisvert.
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Pour ceux qui sont pris dans cet engrenage, elle suggère de démêler le vrai du faux et de cultiver la gratitude.
«Si vous ressentez cette peur et cette angoisse, que vous regardez vos comptes et que vous avez l’argent nécessaire pour payer vos factures et votre loyer, alors il s’agit seulement de vous rappeler: “Pour l’instant, je suis en sécurité. Est-ce que c’est une vieille histoire qui refait surface?”», conclut Mme Boisvert.

