Ayant atteint ses limites, le Dr Trevor Hennessey fait ses valises et quitte le Québec.
Pour le chef du département d'anesthésiologie du CISSS de l'Outaouais, la nouvelle loi québécoise sur les salaires des médecins est «la goutte d'eau qui a fait déborder le vase».
Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.
«J'ai réalisé que je n'avais plus aucun espoir d'amélioration dans notre région, que les objectifs fixés par cette loi seraient impossibles à atteindre. Après neuf ans de lutte contre le gouvernement pour notre région, ils ont réussi à me briser, et j'ai compris que je devais simplement passer à autre chose», a déclaré le Dr Hennessey jeudi lors d'une entrevue sur les ondes de CJAD 800.
Il affirme que ces dernières années passées à travailler dans le système de santé québécois ont été extrêmement éprouvantes pour lui et ses collègues, et que la nouvelle loi ne fera qu'aggraver la situation.
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Il n'est pas le seul. Ces dernières semaines, les médecins ont signalé leur exode du Québec en réponse à la loi controversée du gouvernement provincial, communément appelée projet de loi 2.
Cette loi lie les salaires des médecins à certains objectifs de performance fixés par le gouvernement. Elle introduit également des sanctions sévères, pouvant atteindre 20 000 dollars par jour pour les médecins, en cas d'« actions concertées » visant à contester la nouvelle politique ou à ralentir leur travail.
Sans ressources supplémentaires, les médecins craignent que les nouvelles règles soient irréalistes et qu'ils soient voués à l'échec.
Les médecins partent vers les provinces voisines
Selon les derniers chiffres fournis à CTV News, environ 100 médecins supplémentaires ont demandé une licence pour exercer en Ontario. Depuis l'adoption de la loi, le Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario a reçu plus de 240 demandes de médecins québécois. Parmi celles-ci, 26 certificats d'enregistrement ont été accordés.
Les médecins cherchent également à exercer au Nouveau-Brunswick.
Le collège des médecins et chirurgiens de cette province a déclaré vendredi à CTV News qu'il avait reçu 70 demandes de licence de médecins québécois depuis le début du mois d'octobre et que, jusqu'à présent, deux licences avaient été accordées. Le Collège des médecins et chirurgiens du Nouveau-Brunswick a déclaré qu'il recevait généralement trois ou quatre demandes de ce type par mois.
Lettre de démission
Le Dr Hennessey a affirmé avoir déjà remis sa démission et que son dernier jour serait le 31 décembre, juste avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Il a ajouté que d'autres médecins subissaient des pressions pour prendre des décisions radicales concernant leur carrière professionnelle, car ils sont tenus de donner un préavis de 60 jours avant de quitter le système public.
Soulignant ce qu'il qualifie de situation désastreuse, il a déclaré que lundi prochain, l'hôpital de traumatologie de sa région ne disposera que d'une seule salle d'opération sur cinq en raison du manque d'infirmières, « tandis que nos chirurgiens et moi-même, ainsi que d'autres anesthésistes de mon service, serons en fait assis chez nous ».
«C'est vraiment moralement pénible de voir tout cela se produire», a-t-il dit.
M. Hennessey et les chefs des départements médicaux de l'Outaouais prévoient de tenir une conférence de presse la semaine prochaine pour souligner les « conséquences directes » du projet de loi 2 sur l'accès aux soins dans la région et la façon dont il entraîne un exode des médecins du Québec.
«Ces départs s'ajoutent à une longue série de pertes de ressources humaines dans un réseau déjà affaibli par un sous-financement cumulé de plus d'un milliard de dollars au cours des 20 dernières années. La situation actuelle ne menace plus seulement la stabilité du réseau : elle compromet la qualité, la sécurité et la continuité des soins pour les citoyens de la région», peut-on lire dans un communiqué de presse de SOS Outaouais, une coalition d'organisations et de citoyens qui défendent le système de santé et de services sociaux de la région.
Jeudi, les médecins spécialistes ont demandé à la Cour supérieure du Québec de suspendre temporairement certaines parties du projet de loi 2, qu'ils qualifient de «loi draconienne, sans précédent dans le Québec moderne».
La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) fait valoir que le projet de loi « réduira considérablement la rémunération des médecins spécialistes en seulement deux mois », la demande de suspension invoquant des pertes de revenus allant de 21,4 % à 65,6 % pour certains médecins.
La fédération estime que certains éléments du projet de loi sont inconstitutionnels et qu'il «impose l'obéissance et la collaboration».
Dans une tentative de tendre la main aux fédérations de médecins, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a déclaré qu'il suspendrait deux parties du projet de loi. Il a indiqué que les médecins pourraient conserver la prime que certains d'entre eux reçoivent pour l'orientation d'un patient et une partie du financement des frais de bureau.


