François Legault a rabroué son homologue ontarien, après que Doug Ford eut invité les médecins québécois qui sont en colère à traverser la rivière des Outaouais et à le contacter personnellement.
«Venez, appelez mon cellulaire, mon numéro est sur internet. (...) On vous fera travailler très rapidement», a lancé M. Ford en conférence de presse à Toronto, mercredi matin.
Cette intervention a visiblement déplu au premier ministre du Québec, qui est sorti sur la place publique en fin de journée pour dénoncer le «manque total de jugement» de son homologue.
«C'est totalement inacceptable, a-t-il tonné. Ce n'est pas le temps de se tirer dans le dos entre les provinces. C'est le temps de travailler ensemble.»
Depuis une semaine, une centaine de médecins québécois se sont inscrits pour travailler en Ontario (70) et au Nouveau-Brunswick (30).
Les médecins ne décolèrent pas depuis que le gouvernement Legault a fait adopter sous bâillon samedi la loi 2, qui change leur mode de rémunération, leur fixe des cibles de performance et les menace de sanctions.
Ils prévoient un grand rassemblement au Centre Bell le 9 novembre prochain.
«J'aimerais que les médecins, les infirmières, le personnel de la santé viennent en Ontario. Nous sommes en pleine expansion», a déclaré M. Ford, vantant la «riche culture francophone» de sa province.
«Il y a plus de 600 000 francophones ici, et il y a quelque chose de particulier entre les Québécois et moi, on est connectés. Les Québécois sont passionnés, combatifs. Je les adore.»
M. Ford s'est dit prêt à leur «dérouler le tapis rouge». «Nous avons besoin de médecins. (...) Ce sera la meilleure qualité de vie que vous n'avez jamais connue. Venez, nous vous déroulerons le tapis rouge», a-t-il dit.
Cet appel survient un jour après celui de la première ministre du Nouveau-Brunswick, Susan Holt. Lors d'une mêlée de presse, elle avait vanté le «système flexible» de sa province, qui «répond aux besoins» des professionnels de la santé.
«Ils se sentent valorisés. On a un système (...) qui les respecte, qui leur offre une bonne rémunération. On gère le système de façon à prendre soin des personnes qui prennent soin de nous», a-t-elle déclaré.
Le Nouveau-Brunswick confirme avoir reçu ce mois-ci une quarantaine de demandes de permis en provenance du Québec, dont 30 dans la dernière semaine. C'est 10 fois plus qu'à l'habitude.
Mercredi, le ministre québécois de la Santé, Christian Dubé, a invité les médecins à prendre «un petit peu de recul» avant d'envisager un départ.
«On va faire des publications, des rencontres d'informations, toutes sortes d'événements au cours des prochains jours pour bien expliquer la loi», a-t-il indiqué en mêlée de presse.
Le premier ministre François Legault s'est également voulu rassurant.
«Il n'est pas question de couper un sou dans le budget de la santé, a-t-il déclaré. Tout l'objectif de la loi, c'est de prendre le même argent et de le distribuer d'une nouvelle façon pour qu'on donne plus de services aux cas urgents.
«Les Québécois devraient être rassurés», a-t-il ajouté.
Une «hécatombe», selon Rodriguez
De son côté, le chef libéral Pablo Rodriguez se dit profondément inquiet de ce qu'il perçoit comme un exode des médecins. «Cent médecins qui quittent, c'est une hécatombe», a-t-il lancé.
En point de presse, il a prié les médecins de ne pas s'exiler et de patienter un an, le temps qu'il prenne le pouvoir en 2026.
Le leader parlementaire de Québec solidaire, Guillaume Cliche-Rivard, s'est également dit «très inquiet». Il a prévenu que «des milliers» de patients Québécois risquaient d'en subir les conséquences.
«Je pense que les Québécois méritent un système de santé qui fonctionne, et j'espère de tout cœur que les médecins vont rester dans le réseau», a-t-il dit.
Selon le député péquiste Pascal Paradis, les médecins ne devraient surtout pas prendre de décisions «précipitées», dans la mesure où les partis d'opposition ont tous promis de modifier la loi.
«C'est triste qu'on en soit rendu là parce qu'on a "bulldozé" un tout nouveau projet de loi au milieu de la nuit de vendredi à samedi. C'était un bâillon qui était injustifié. C'était ce que le gouvernement voulait, déclencher ce genre de chose là. Maintenant, il l'a», a-t-il déploré.
- Avec la collaboration de Katrine Desautels, à Montréal

