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Ils disent en avoir contre les sanctions qui sont prévues dans la loi au cas où les médecins ralentiraient leurs activités professionnelles.
La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) déposera une demande de sursis en Cour supérieure mercredi.
La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) déposera une demande de sursis en Cour supérieure mercredi.
Son président, le Dr Vincent Oliva, a expliqué en conférence de presse à Québec mardi que la démarche visait à faire suspendre des articles de la loi 2 qui violeraient les «libertés individuelles».
C'est qu'en plus d'imposer aux médecins un nouveau mode de rémunération, la loi 2 — qui a été adoptée sous bâillon samedi matin — leur interdit de mener des «actions concertées» pouvant nuire à l'accès aux soins.
Par exemple, trois médecins qui décideraient ensemble de quitter le réseau ou d'arrêter d'enseigner pourraient être durement sanctionnés: jusqu'à 20 000 $ d'amende par jour, mesures disciplinaires, etc.
La loi prévoit la mise en place d'un système de surveillance des médecins.
«Quand on l'analyse comme il le faut, on se rend compte que ça brime des libertés individuelles élémentaires. Les médecins n'ont pas le droit de ralentir, ils ne peuvent pas se désengager», a observé le Dr Oliva.
«Même si le ministre Dubé dit: "Oui, mais ce n'est pas l'intention", c'est ça qui est écrit: "Vous ne pouvez pas ralentir"», a-t-il insisté.
Depuis trois jours, les médecins ne décolèrent pas.
Après une première manifestation dimanche, à Montréal, une quinzaine d'entre eux se sont présentés devant l'Assemblée nationale mardi matin avec du ruban adhésif noir sur la bouche pour protester contre la loi 2.
Un grand rassemblement serait également prévu au Centre Bell le 9 novembre.
Le seul fait d'inciter des médecins à commettre un manquement est désormais sanctionnable en vertu de la loi, s'est alarmé le néphrologue Jean-François Cailhier.
«La loi 2 amène le concept de bâillon à un autre niveau, a-t-il dit. C'est la première fois que plein de libertés individuelles sont bafouées de la sorte. (...) C'est le seau qui fait déborder le vase.»
Selon le Dr Cailhier, l'ambiance au sein du corps médical est «morose». «Beaucoup n'ont même plus envie de travailler», a-t-il relaté.
Le Dr Rémi Gagnon, un allergologue-immunologue de Québec, soutient de son côté n'avoir jamais vu autant de médecins pleurer. «C'est la détresse actuellement. (...) On se fait toujours taper dessus, écraser», a-t-il déploré.
Pourtant, les médecins sont parmi les professionnels qui travaillent le plus fort, a plaidé la Dre Anne Desjardins, une microbiologiste-infectiologue à l'Hôtel-Dieu de Québec.
«Tout le monde travaille déjà à pleine capacité. On fouette un cheval à terre, c'est ça qu'on fait. (...) Tout ça est fait pour gagner du capital politique, ce qui est indécent», a-t-elle déclaré.
Les sanctions prévues dans la loi la «jettent par terre».
«Mon mari en fin de semaine me disait: "Attention à ce que tu écris sur Facebook". J'étais comme: "Quoi? Où on est pour être rendus à avoir peur de ce qu'on écrit sur les réseaux sociaux?"»
«Ce que j'ai dit à mon mari, c'est: "Qu'ils viennent me chercher. Qu'ils viennent me mettre en prison parce que j'ai une opinion sur quelque chose qui concerne ma profession."»
La Dre Desjardins, qui est également directrice d'un programme de résidence, dit s'inquiéter pour la relève, qui risque fort d'être «démotivée», selon elle.
D'ailleurs, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique font de l'œil aux médecins québécois.
Devant la grogne qui gagne le réseau, Santé Québec a jugé bon mardi de lancer un appel au calme, demandant à l'ensemble de ses employés de «maintenir un climat serein».
À l'intérieur des murs du parlement, le ministre des Services sociaux et neuropédiatre, Lionel Carmant, a même fait part de son malaise vis-à-vis la loi 2.
Le ministre a témoigné que sa femme et sa fille, toutes deux médecins, étaient «fâchées».
«Effectivement, ce n'est pas facile à la maison, a-t-il confié aux courriéristes parlementaires. C'est sûr que ça m'affecte de voir des gens que j'aime fâchés.» Selon lui, «il y a des choses qui ne sont (...) pas claires» dans la loi.
M. Carmant a indiqué du même souffle s'être absenté du travail vendredi et lundi pour «des raisons personnelles et familiales».
Plus tard, en mêlée de presse, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a carrément refusé de commenter les propos de son collègue, se limitant à dire qu'il souhaitait «continuer de protéger les patients».
«J'ai vu le point de presse du Dr Oliva ce matin. Je comprends leur réaction. Je comprends aussi que ce sont de gros changements pour eux. C'est leur droit de faire la procédure qu'ils enclenchent», a-t-il affirmé.
Interpellé à son tour sur les sanctions prévues dans la loi 2, le ministre du Travail, Jean Boulet, a déclaré: «Je ne me prononce pas là-dessus.»
Mardi, le Parti québécois (PQ) et le Parti libéral du Québec, qui sont en tête dans les intentions de vote, ont précisé qu'ils abrogeraient la loi pour y retirer le volet coercitif.
Rappelons que la loi 2 comporte aussi un tout autre volet, qui lie 10 % de la rémunération des médecins à des objectifs de performance.
Par exemple, les omnipraticiens devront fournir 17,5 millions de rendez-vous chaque année. Les spécialistes, eux, devront réaliser au moins 97 % des chirurgies dans un délai d’au plus 12 mois.
Une fois au pouvoir, le PQ maintiendrait ce volet avec quelques modifications, tout comme le chef libéral Pablo Rodriguez, qui s'est toutefois engagé samedi dernier à rouvrir et «co-écrire» la loi avec les fédérations médicales.