Les réactions politiques sont nombreuses au discours du Trône présenté par le roi Charles lui-même, alors que ce dernier avait déjà quitté le Canada mardi, en début d'après-midi, avec la reine Camilla.
«C’était un grand jour pour le Canada», a affirmé le premier ministre Mark Carney en entrevue exclusive à La Presse Canadienne.
«Vous avez vu dans cette Chambre toutes les institutions canadiennes rassemblées: du Sénat, de la Chambre des communes, de la Cour suprême, des leaders autochtones, des citoyens canadiens et le roi du Canada», a souligné M. Carney.
«Le roi du Canada a livré un message fort d’un Canada confiant, fier de sa souveraineté et d’un grand avenir pour notre pays», a déclaré le premier ministre en réaction au discours qui reflétait les priorités de son gouvernement libéral minoritaire pour les quatre prochaines années.
Le chef du Parti conservateur du Canada (PCC), Pierre Poilievre, était ravi de la présence du roi Charles pour le discours du Trône, après une absence de 48 ans par le monarque régnant dans de telles circonstances.
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«D’abord, je veux remercier sa Majesté d’avoir présenté un discours devant le Sénat, pour renforcer nos traditions parlementaires», a déclaré M. Poilievre en point de presse, mardi après-midi, dans le foyer des Communes.
Quant à savoir si la présence du roi du Canada a pu renforcer le message sur la souveraineté canadienne, même si ce fut très subtil par rapport aux idées d’annexion du président américain Donald Trump, le chef conservateur n'a pas voulu se prononcer.
«Personne ne peut contrôler le président des États-Unis. Ce que nous pouvons contrôler, c’est ce que nous pouvons faire ici. C’est pour ça que nous avons un plan pour l’autosuffisance. L’idée que le Canada devrait pouvoir produire ses propres produits et d’exporter outre-mer, au lieu de dépendre à près de 80 % pour ses exportations aux États-Unis», a affirmé M. Poilievre.
Le discours du Trône a été très axé sur les priorités du gouvernement libéral de Mark Carney en matière d’économie, de défense, de relations internationales et de commerce.
M. Poilievre estime que le discours du Trône reprend plusieurs idées des conservateurs, ce qu'a souligné également le chef par intérim du Nouveau Parti démocratique (NPD).
«Ce n’est pas un discours du Trône centré sur les travailleurs. Cela m’a frappé comme étant un discours du Trône conservateur. Plusieurs éléments du discours auraient pu facilement avoir été rédigés par un gouvernement conservateur», a affirmé Don Davies aux médias, au même endroit quelques minutes plus tôt.
Le leader parlementaire du NPD, Alexandre Boulerice, a aussi souligné l'absence totale de références aux changements climatiques.
«On veut conserver ce qu'il y a déjà, mais il n'y a rien d'ambitieux à propos de l'environnement et de la protection de l'avenir de nos jeunes», a observé M. Boulerice.
«Il y a des mots codés aussi: quand on dit qu'on veut favoriser des projets d'envergure nationale, on peut comprendre que ça pourrait être un pipeline. Alors, de dire qu'on va utiliser plus d'énergie renouvelable et conventionnelle, ça envoie le message que la crise climatique n'est plus une priorité pour le gouvernement de M. Carney», selon M. Boulerice.
Pour sa part, le chef du Bloc québécois (BQ), Yves-François Blanchet, avait aussi des préoccupations face au discours du Trône, même s'il contenait noir sur blanc le sujet de la protection de la gestion de l'offre, qui protège tant les producteurs que les consommateurs.
«Le principe de la gestion de l'offre n'a pas été compromis dans le partenariat transpacifique, dans le traité de l'ACEUM ou dans le traité de libre-échange avec l'Europe. On a cédé des points. On a cédé du tonnage. On a cédé des quantités de produits qui arrivaient de l'étranger», a affirmé M. Blanchet, donnant l'exemple des fromages importés de France pour illustrer ses propos.
«C'est comme ça qu'on a affaibli la gestion de l'offre. Ce n'est pas sur les principes. (...) Rappelons-nous que M. Carney m'avait dit en plein débat qu'il était d'accord pour une loi sur la gestion de l'offre. (...) On pourrait, en théorie, puisque tous les partis en Chambre sont d'accord sur la gestion de l'offre, étaient d'accord pour la dernière version de cette loi, on pourrait, par consentement unanime, régler ça en trois coups de cuillère à pot», a-t-il souligné.
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Le chef bloquiste déplore toutefois la façon de voir le travail de parlementaire par le premier ministre Mark Carney, un nouveau venu à la Chambre des communes.
«J'ai l'impression que d'une culture centralisatrice idéologique du Parti libéral sous Justin Trudeau, on est dans une culture centralisatrice ''business''. M. Carney se considère comme le CEO du Canada», selon Yves-François Blanchet.
Le chef du Bloc compte d'ailleurs exprimer ses préoccupations à M. Carney lors d'une rencontre avec le premier ministre la semaine prochaine.
Pendant qu'une bonne partie du travail sera à l'intérieur des Communes dans les prochaines semaines, le chef conservateur devra cependant se contenter de commenter et de défendre les positions de son parti à l’extérieur de la Chambre des communes, une première en 20 ans pour lui, n’ayant pas été réélu dans sa circonscription de Carleton, à Ottawa, aux élections du 28 avril.
Toutefois, il est déjà acquis que M. Poilievre se présentera à l’élection partielle éventuelle dans Battle River–Crowfoot, en Alberta, puisque le député Damien Kurek a déjà annoncé qu'il compte démissionner pour permettre à son chef de se faire élire dans ce bastion conservateur, mais l'on ne sait pas encore à quel moment.
«À ce que je sache, il compte le faire dans quelques semaines, après avoir présenté un discours à la Chambre des communes», a indiqué M. Poilievre en réponse à une question.
Aucun des chefs de partis d'opposition n'a voulu indiquer, pour l'instant, si son parti va voter en faveur ou contre le discours du Trône. Rappelons qu'il s'agit d'un vote de confiance qui, en théorie, quoique peu probable, pourrait faire tomber le gouvernement libéral minoritaire de Mark Carney, à peine élu. Les procédures prévoient jusqu'à six jours pour les débats menant au vote des élus sur le discours du Trône.
—Avec la collaboration de Nick Murray de La Presse Canadienne.

