Le roi Charles III venait à peine de quitter le pays que l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité mardi une motion pour couper tous les liens avec la monarchie.
Une motion est un ordre de l'Assemblée qui ne lie pas l'exécutif, mais cela reviendrait à abolir la fonction de lieutenant-gouverneur, qui représente Sa Majesté au Québec et qui est officiellement chef de l'État du Québec.
C'est le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon qui a déposé la motion, après la période de questions, alors que c'était un jour faste dans un autre Parlement, au Sénat à Ottawa, où le monarque a prononcé le discours du Trône, une première depuis 1977.
«Que l'Assemblée nationale affirme sans équivoque qu'elle est la seule dépositaire de l'expression démocratique du peuple québécois», a déclaré dans sa motion M. St-Pierre Plamondon, qui poursuit dans la lignée des chefs indépendantistes de son parti.
«Qu'elle souligne qu'une très forte majorité de Québécois et de Québécoises n'éprouve aucun attachement envers la monarchie britannique, soulignait-il aussi. Que l'Assemblée nationale convienne d'abolir le lien entre l'État du Québec et la monarchie britannique.»
La motion péquiste a été adoptée à l'unanimité, 106 voix pour, aucune abstention. Même les libéraux, fédéralistes, plus attachés aux institutions canadiennes, ont voté en faveur, et la banquette gouvernementale caquiste aussi.
Il était 15 h 06. Le roi venait de quitter le Canada peu après 13 h 00, au terme d'une courte visite de deux jours.
Durant la journée de mardi, autant le PQ que Québec solidaire (QS) avaient exprimé leur dédain pour la monarchie au pays, tandis que le Parti libéral (PLQ) n'en prenait pas plus la défense, mais rappelait qu'il existait un `ordre constitutionnel canadien' - même si le Québec n'a pas signé la Constitution de 1982.
Ainsi, selon la formule d'amendement de la Constitution, on ne peut abolir la fonction de lieutenant-gouverneur qu'avec l'assentiment de toutes les provinces.
Sa fonction est symbolique, mais essentielle dans le régime actuel.
Représentante de Charles III au Québec, la lieutenante-gouverneure Manon Jeannotte est en effet celle qui sanctionne au nom de Sa Majesté les projets de loi pour qu'ils entrent en vigueur.
C'est aussi elle qui nomme le premier ministre et ses ministres, convoque et dissout l'Assemblée et déclenche les élections générales.
Si on l'abolit, il faudrait donc le remplacer par... autre chose. QS, par exemple, propose que le Québec requiert du fédéral - qui nomme les lieutenants-gouverneurs - qu'il nomme plutôt un `administrateur' au Québec, en attendant qu'un jour la province accède à l'indépendance.
«Vous savez ce que je pense de la monarchie britannique, je n'ai rien contre les Anglais», a plaidé M. St-Pierre Plamondon en mêlée de presse.
«Ce n'est juste pas mon roi. Ce n'est pas mon pays. Et je ne comprends pas pourquoi on pelte des dizaines de milliers de dollars à chaque année pour ces institutions-là. Je trouve ça inacceptable. Et c'est vraiment aussi d'oublier notre histoire que d'éluder le fait que c'est un régime, la monarchie britannique, qui est encore problématique au quotidien, ici, à l'Assemblée nationale, parce qu'on n'est pas un peuple normal.»
