Charles III a prononcé le discours du Trône marquant l’ouverture de la 45e législature du Parlement canadien. Il a été invité par le premier ministre Mark Carney, fraîchement élu, afin de «souligner clairement la souveraineté de notre pays» et de mettre en lumière l’importance de l’époque que nous traversons. Avant Charles III, sa mère, la reine Elizabeth II, avait elle-même livré ce discours en 1957 et en 1977, il y a 48 ans.
C’est donc un moment historique, unique et profondément symbolique que nous avons vécu mardi. Cela dit, la visite n’a pas fait l’unanimité. Elle ravive inévitablement le débat sur la monarchie qui laisse une grande partie de la population indifférente, voire agacée, et qui, pour plusieurs, représente un coût sans véritable justification.
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Pourquoi alors le premier ministre canadien a-t-il tenu à inviter le Roi, au risque de susciter la controverse? Voici quelques éléments de réponse.
Une campagne de relations publiques
Il n’y a pas de communication efficace sans une image forte et une visite royale en fournit à profusion. Au-delà du fait que Charles III est, de manière officielle, le roi du Canada, cette visite vise à transmettre des messages clairs et puissants sur des thèmes essentiels: la souveraineté canadienne, son influence internationale et ses liens d’amitié durables avec le Royaume-Uni.
Par ailleurs, la venue d’un roi constitue toujours un événement d’envergure, garantissant une visibilité médiatique accrue. Dans ce cas-ci, elle attire l’attention du public sur un moment habituellement réservé aux milieux politiques: la lecture du discours du Trône, qui établit les priorités gouvernementales de la législature. Cette mise en scène donne à l’événement une portée plus large que d’ordinaire.
Enfin, qu’il s’agisse du Royaume-Uni, de l’Europe ou d’ailleurs, cette visite fait partie de l’actualité internationale. Dans un contexte mondial instable, où la capacité d’un pays à rayonner est scrutée, cette visibilité n’est pas anodine. Elle prépare aussi le terrain pour le prochain sommet du G7, qui se tiendra en Alberta, renforçant l’image d’un Canada influent et pleinement inscrit dans les grandes dynamiques géopolitiques.
Un message à Donald Trump
C’est peut-être l’élément le plus évident de cette visite : adresser un message indirect, mais clair à Donald Trump. En s’attaquant au Canada, en ridiculisant ses institutions ou en évoquant son annexion, c’est aussi au Roi du Canada et d’Angleterre qu’il s’en prend.
Trump nourrit un respect notoire et même, une certaine fascination pour la monarchie britannique. Il a été reçu par la reine Elizabeth II en 2017 et s’est récemment réjoui de l’invitation que le premier ministre britannique Keir Starmer lui a transmise au nom du Roi afin d’effectuer une nouvelle visite officielle en sol britannique dans les prochains mois. L’idée, ici, est donc simple: transférer ce respect de la monarchie à son voisin du Nord, en lui rappelant la nature profonde et distincte du Canada comme État souverain lié à la Couronne.
Il faut d’ailleurs souligner l’importance d’une phrase prononcée par le Roi à la toute fin de son discours: «Comme nous le rappelle notre hymne national, le Grand Nord est en effet fort et libre.»
Ce n’est pas une simple référence patriotique. C’est une conclusion élégante qui dit à Donald Trump que le Canada n’est ni à vendre, ni à annexer, ni à intimider. C’est un pays fort, libre et dirigé par ses propres institutions démocratiques.
Une diplomatie de symboles
Que l’on soit favorable ou non à la monarchie, les symboles jouent un rôle central en diplomatie et en politique internationale. Cette visite en était un. Sa mission était limpide: réaffirmer la souveraineté canadienne et sa capacité d’influence, en s’appuyant sur une figure à laquelle le président américain accorde écoute et considération tout en rehaussant la visibilité du discours inaugural d’un premier ministre déterminé à rompre avec le passé de son parti.
Mission accomplie. Sans faux pas, et en seulement 24 heures.

