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Les dirigeants politiques exhortent les deux parties à résoudre un conflit qui dure depuis des mois.
La grève qui perturbe les transports publics à Montréal pourrait être le premier test d'une nouvelle loi qui donne au gouvernement du Québec un large pouvoir pour mettre fin aux conflits du travail.
Les 2400 employés d'entretien de la Société de transport de Montréal (STM) ont lancé la semaine dernière une grève qui pourrait durer presque tout le mois de novembre.
Cet arrêt de travail, le troisième depuis le début de l'année, a limité le service d'autobus et de métro dans la ville aux heures de pointe.
Les dirigeants politiques exhortent les deux parties à résoudre un conflit qui dure depuis des mois.
Mais le syndicat des travailleurs accuse l'agence de transport en commun d'attendre que la nouvelle loi sur le travail, adoptée au printemps, entre en vigueur à la fin du mois de novembre.
Cette loi donne au ministre du Travail du Québec le pouvoir de mettre fin à un conflit en imposant un arbitrage exécutoire lorsqu'une grève ou un lock-out est jugé préjudiciable au public.
Elle élargit également les types de services qui doivent être maintenus pendant un conflit du travail afin d'inclure ceux qui garantissent «le bien-être de la population».
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«En d'autres termes, il est clair qu'à partir de maintenant, les employeurs ne seront plus sous pression pour trouver un accord», a affirmé Bertrand Guibord, responsable du syndicat représentant les travailleurs des transports en commun, lors d'une conférence de presse lundi.
«[Les employeurs] resteront les bras croisés et attendront que la situation devienne chaotique ou ingérable avant que le ministère n'intervienne et ne mette fin à l'arrêt de travail.»
Barry Eidlin, professeur agrégé de sociologie à l'Université McGill et expert en mouvements syndicaux, a prévenu que la loi québécoise constituait «une menace existentielle pour les syndicats».
Il a ajouté qu'elle présentait certaines similitudes avec un article du Code canadien du travail qui a été utilisé à plusieurs reprises par le gouvernement fédéral au cours de l'année dernière pour mettre fin à des grèves dans les ports, les compagnies ferroviaires et Postes Canada.
Les deux lois accordent aux ministres «un pouvoir discrétionnaire considérable» pour intervenir dans les conflits du travail sans «beaucoup de freins et contrepoids en place», selon le professeur.
La STM affirme que la nouvelle loi québécoise n'aura aucune incidence sur sa position à la table des négociations. Elle a déclaré que les revendications salariales des travailleurs dépassaient de loin sa capacité de paiement.
Mais M. Eidlin a expliqué que les employeurs comprendront que la nouvelle loi offre une sorte de «porte de sortie» qui «réduit l'incitation à parvenir à un accord à la table des négociations».
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Il a ajouté que le syndicat a probablement annoncé une grève d'un mois, du 31 octobre au 28 novembre, afin de mettre autant de pression que possible sur l'agence de transport en commun pour qu'elle parvienne à un accord avant l'entrée en vigueur de la loi le 30 novembre.
Cependant, Michelle Llambías Meunier, présidente et directrice générale du Conseil des employeurs du Québec, a dénoncé que les Montréalais sont «pris en otage» par la grève, qui empêche de nombreuses personnes de se rendre au travail.
«Ce type de perturbation ne peut durer indéfiniment avant qu'ils ne soient obligés d'agir.»
Le Conseil des employeurs du Québec demande au gouvernement provincial d'appliquer la loi plus tôt que prévu si les deux parties ne parviennent pas à un accord rapidement.
Mme Llambías Meunier a soutnu que l'objectif de la loi n'était pas de limiter le droit de grève.
«L'idée ici est que nous cherchons à concilier le respect des droits des travailleurs avec la continuité des services qui sont essentiels à la population et à l'économie du Québec», a-t-elle dit.
Dans une déclaration faite lundi, le ministre du Travail du Québec, Jean Boulet, a déclaré que le conflit devait être résolu le plus rapidement possible.
«Cette grève cause une fois de plus un préjudice grave aux personnes qui dépendent des transports en commun», a-t-il dit. «Je reste extrêmement préoccupé par l'évolution du processus de négociation.»
Les employés de maintenance ont déjà fait grève deux fois cette année, pendant neuf jours en juin et 14 jours en septembre et octobre.
Les principaux points d'achoppement dans les négociations sont les augmentations salariales et l'externalisation de certains travaux de maintenance.
M. Eidlin a mentionné que le ministre Boulet ferait probablement valoir que les travailleurs des transports en commun fournissent des «services assurant le bien-être de la population».
Mais la loi ne définit pas quels services relèvent de cette définition, et la liste pourrait être «pratiquement infinie», selon le professeur.
«La raison pour laquelle les grèves sont efficaces, la raison pour laquelle elles créent une pression pour obliger les employeurs à s'asseoir à la table des négociations, c'est parce qu'elles perturbent le statu quo quotidien», a-t-il indiqé.
En août, quatre associations de professeurs de l'Université McGill ont contesté la nouvelle loi sur le travail devant les tribunaux, arguant qu'elle violait le droit constitutionnel de grève.
Le syndicat représentant les travailleurs de l'entretien a également promis de contester la loi dès son entrée en vigueur.
Le recours par le gouvernement fédéral à l'article 107 du Code canadien du travail pour mettre fin aux arrêts de travail fait également l'objet de contestations judiciaires.
Selon M. Eidlin, il est probable que l'affaire soit portée devant la Cour suprême du Canada, qui a reconnu en 2015 que le droit de grève était protégé par la Constitution.