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Des centaines d’étrangers condamnés au criminel échappent aux autorités frontalières canadiennes

Selon l'ASFC, 1 635 ressortissants étrangers ayant un casier judiciaire faisaient l'objet d'une mesure de renvoi à la mi-juillet.

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Archives-Logo de l'ASFC (Jeff McIntosh | La Presse canadienne)

Près de 600 ressortissants étrangers ayant fait l'objet de condamnations pénales échappent aux autorités canadiennes, dont plus de la moitié figurent sur la liste des personnes recherchées par l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et échappent à leur expulsion depuis plus de trois ans, a confirmé CTV News.

Selon l'ASFC, 1 635 ressortissants étrangers ayant un casier judiciaire faisaient l'objet d'une mesure de renvoi à la mi-juillet. Parmi eux, 599, soit plus d'un tiers, ne se sont pas présentés à la procédure de renvoi prévue et leur lieu de séjour est inconnu.

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.

Plus de 70% des personnes disparues ont été condamnées pour des «infractions graves» au Canada. Les infractions graves comprennent les condamnations passibles d'une peine minimale de six mois et maximale de dix ans d'emprisonnement pour un crime commis au Canada. Il peut s'agir d'agression sexuelle grave, de vol qualifié, ainsi que d'infractions mixtes, telles que la conduite avec facultés affaiblies ou la distribution de cannabis à des mineurs.

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«L'ASFC a l'obligation de renvoyer les personnes faisant l'objet d'une mesure de renvoi exécutoire dès que possible afin d'assurer la protection et la sécurité du Canada et de la population canadienne», a écrit Luke Reimer, porte-parole de l'ASFC, dans un courriel adressé à CTV News après la publication des chiffres dans le Globe and Mail. «À cette fin, l'Agence établit l'ordre de priorité des renvois en fonction d'un régime de gestion des risques.»

L'ASFC a demandé que soient répertoriés les cas dans lesquels des ordonnances de renvoi ont été émises, mais où les ressortissants étrangers échappent aux autorités canadiennes et à l'expulsion. Alors que 193 cas figurent sur la liste depuis moins d'un an, 45 y figurent depuis un à deux ans, 46 depuis deux à trois ans et 315 depuis plus de trois ans.

«Les personnes faisant l'objet de mesures d'exécution en matière d'immigration ont tout intérêt à ne pas être retrouvées et peuvent compter sur leur famille et les membres de leur communauté pour les héberger. De plus, certaines personnes peuvent recourir à une identité fictive pour éviter d'être repérées.»
- Luke Reimer, porte-parole de l'ASFC

«Les agents de l'ASFC mènent des enquêtes proactives pour localiser et arrêter les personnes faisant l'objet d'un mandat d'immigration. Les enquêtes sont classées par ordre de priorité, afin de garantir que les cas à haut risque bénéficient du plus grand nombre de ressources», a écrit M. Reimer, ajoutant que l'ASFC procède à des examens réguliers pour retrouver les personnes recherchées ou confirmer qu'elles ont quitté le Canada.

Selon le porte-parole, l'ASFC donne la priorité aux renvois dans les cas «d'inadmissibilité grave», notamment en cas de crime organisé, de violation des droits de la personne, ou lorsque la personne représente un risque pour la sécurité ou a été condamnée pour un crime au Canada.

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L'ordre de priorité de l'agence fédérale passe ensuite aux demandeurs d'asile migrants en situation irrégulière, c'est-à-dire les personnes qui franchissent la frontière entre les points d'entrée. Viennent ensuite les demandeurs d'asile déboutés, puis «toutes les autres infractions à la législation sur l'immigration».

En 2013, le gouvernement fédéral a adopté des modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés — baptisées Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers par le gouvernement de l'époque — afin de rendre plus difficile pour les ressortissants étrangers et les résidents permanents reconnus coupables d'«infractions graves» de faire réviser leur inadmissibilité au Canada.

«L'expulsion est souvent considérée comme une mesure administrative, distincte de la sanction pénale», a écrit l'avocat spécialisé en droit de l'immigration Yoann Axel Emian dans un article pour l'Association des avocats canadiens en immigration. «Pourtant, pour de nombreux migrants au Canada, les conséquences d'une condamnation pénale vont bien au-delà de la peine prononcée par le tribunal.»

«Une décision de condamnation qui peut sembler routinière peut entraîner l'expulsion du pays, parfois vers un endroit où la personne n'a pas vécu depuis sa petite enfance», a ajouté Me Emian. «Cette réalité juridique et humaine place les juges des tribunaux pénaux dans une position difficile »

Selon l'avocat spécialisé en droit de l'immigration, la Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers constituait une «avancée importante», supprimant la possibilité pour les ressortissants étrangers et les résidents permanents de faire appel d'une mesure d'expulsion après avoir été condamnés ou avoir purgé leur peine.

Les modifications apportées à la législation «renforcent le lien entre les condamnations pénales et l'expulsion du Canada», a écrit M. Emian.

«Malgré cette modification législative, les juges chargés de déterminer la peine continuent de se débattre avec l'impact de l'expulsion dans leurs décisions», a également écrit Me Emian. «Dans certains cas, ils ont trouvé des moyens de contester ou d'atténuer ces conséquences.»

M. Reimer a déclaré que l'ASFC avait expulsé un nombre record de 18 000 personnes inadmissibles du Canada l'année dernière, le plan frontalier du Canada fixant un objectif de 20 000 expulsions au cours des deux prochaines années.

Ce plan a été annoncé pour la première fois en décembre dernier en réponse à la menace du président américain Donald Trump d'imposer des droits de douane sur les produits canadiens si le Canada ne mettait pas fin au flux de drogues et de migrants à la frontière.

Le plan, ainsi que l'énoncé économique de l'automne 2024 du gouvernement, prévoit également un financement supplémentaire pour l'ASFC, qui sera utilisé en partie pour renforcer les enquêtes en matière d'immigration, a déclaré M. Reimer.

CTV News

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