Accusé d’agressions sexuelles par neuf demanderesses dans un procès civil qui s’est ouvert en décembre dernier, Gilbert Rozon a affirmé vendredi au palais de justice de Montréal qu’il avait «beaucoup de compassion» pour celles ayant eu une enfance difficile.
«Si tant est que ce soit vrai ce qu’elles racontent, s’être faite agressée sexuellement à partir de l’âge de trois ans, douze ans, des problèmes de drogues majeurs […], des familles disloquées, de la violence familiale, des congédiements à répétition, si c’est vrai, elles n’ont pas eu ni une enfance facile ni un début d’âge adulte», a mentionné Rozon aux journalistes en précisant que malgré tout, il n’acceptait pas de prendre le blâme.
«Ça ne justifie pas que je sois le bouc émissaire de tous ces problèmes, mais ça reste quand même vertigineux de voir tout ce qui leur est arrivé dans leur enfance et le fait qu’elles ont le sentiment d’être passées à côté de leur vie», a-t-il ajouté.
Depuis le début du procès, le fondateur de Juste pour rire a nié en bloc les allégations des neuf demanderesses et de sept autres femmes qui sont venues témoigner à titre de faits similaires.
«Je nie [les accusations], c’est certain. J’ai avoué avoir fait l’amour avec trois de ces femmes-là. Il y en a trois que je ne reconnais même pas physiquement, que j’ai peut-être rencontré une fois dans ma vie. Il y a beaucoup de questions d’argent là-dedans, il y a des choses qui ont été inventées à la dernière minute ou amplifiées ou exagérées. C’est facile de raconter des histoires. L’argent, je le répète, c’est une grosse motivation», a-t-il soutenu vendredi matin devant les médias.
Gilbert Rozon croit d’ailleurs que les règles entourant les procès civils – en lien notamment avec les articles du Code civil du Québec qu’il conteste (celui sur les mythes et stéréotypes dans les cas de violence sexuelle et celui sur l’abolition du délai de prescription) – décourageront des gens d’aller à procès.
«Il y a plein de règlements qui se font hors cour. Personne ne va vouloir aller à procès. Tout le monde va vouloir faire des chèques, coupable, pas coupable», a-t-il exprimé.
Bientôt les plaidoiries
Le procès de Gilbert Rozon entre d’ailleurs dans sa dernière étape.
«J’ai hâte que ça finisse. Je pense que tout le monde a hâte que ça finisse, c’est un procès extrêmement long…très politique d’ailleurs», a-t-il affirmé vendredi matin avant de se rendre à son audience.
Le procès civil a repris vendredi matin avec le retour à la barre de la Dre Karine Baril, experte et chercheuse reconnue dans le domaine des violences à caractère sexuel.
La Dre Baril a notamment remis en cause l'analyse du Dr Marc Ravart sur le profil psychologique de trois des neuf demanderesses. Le témoignage du Dr Ravart a d'ailleurs déjà été ébranlé lors de son contre-interrogatoire.
Vendredi après-midi, si tout se déroule comme prévu, la journaliste judiciaire Monic Néron sera appelée à témoigner. Mme Néron, dans le cadre de son travail, a fait des révélations entourant l'affaire Gilbert Rozon avant le dépôt des poursuites. Elle a notamment recueilli le témoignage de Martine Roy, l'une des demanderesses.
Monic Néron a aussi réalisé, avec la journaliste Émilie Perreault, le documentaire d'opinion «La parfaite victime» qui lève le voile sur les obstacles que rencontrent les victimes d’agressions sexuelles lorsqu’elles décident de porter plainte.
Le grand patron de Québecor, Pierre Karl Péladeau, doit aussi éventuellement témoigner via une déclaration écrite déposée au tribunal. Un débat à huis clos doit toutefois avoir lieu avant la lecture publique de la déclaration alors que certaines parties du témoignage de l'homme d'affaires pourraient être exclues, notamment en raison de l'article du Code civil du Québec touchant les mythes et stéréotypes dans les cas de violence sexuelle.
L'article 2858.1 du Code civil du Québec sur les mythes et stéréotypes et l'article qui concerne l'abolition du droit de prescription en matière civil sont actuellement contestés par le clan Rozon.
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La déclaration de Pierre Karl Péladeau devrait faire figure de dernier témoin alors que les plaidoiries devraient s'amorcer à la fin du mois de septembre.
La poursuite civile intentée contre Gilbert Rozon s'élève à 14 millions de dollars.

