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Payeriez-vous vos enfants pour aller à l’école?

Est-ce une bonne idée de récompenser ce qui, il me semble, fait partie d’un parcours normal?

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(Montage Noovo Info | Envato)

Certains parents choisissent de donner une allocation non pas pour accomplir des tâches domestiques, mais pour… aller en classes. Le but? Les motiver et récompenser leurs efforts, peu importe leurs notes. Pour ces parents, aller à l’école, c’est comme se rendre au travail.

La manchette de samedi dernier m’a fait bondir: Tanya, une mère de deux enfants âgés de 8 et 11 ans, paie depuis un an ses enfants 5 $ par semaine (donc 1 $ par jour d’école) pour qu’ils se rendent en classes.

Peu importe leurs résultats, les deux enfants reçoivent leurs allocations, raconte la mère de famille de Laval. Elle en est arrivée à cette solution en constatant que ses enfants rechignaient à l’idée d’aller à l’école et qu’elle a alors comparé leur obligation scolaire à son obligation professionnelle.

Son fils a alors relevé que «lui, il n’était pas payé» pour faire ses journées…

Un petit appel à tous sur mes réseaux sociaux m’a permis de constater que rares sont les parents qui font ce choix — mais ils existent.

Marie-Soleil, une Montréalaise de 45 ans, remet 15 $ aux deux semaines à sa fille de 10 ans pour qu’elle soit assidue en classe. «Elle n’aime pas l’école, dit la mère. Je me dis que ce n’est pas bien différent de payer pour des corvées à la maison.»

Martin, père de trois garçons de 7, 10 et 12 ans, confie qu’il «ne haït pas l’idée»: «Je ne le fais pas pour le moment, mais ça me donne l’idée de l’essayer… Je me bats tous les matins et j’ai essayé plusieurs stratégies pour que ça se passe mieux. Peut-être que je dois passer à cette solution?»

À long terme

Mais est-ce vraiment une solution? Est-ce une bonne idée de récompenser ce qui, il me semble, fait partie d’un parcours normal, d’une sorte de contrat moral? La job d’un enfant, c’est d’aller à l’école, point.

Et puis, s’éduquer, c’est un privilège…

On peut ensuite se demander quelles sont les conséquences d’aller à l’école pour avoir des sous et non pour soi-même. À long terme, qu’est-ce que cela initie ou forge? Est-ce que cela peut faire naître l’idée que tout se monnaie? Ou au contraire, cela permet le développement d’un esprit entrepreneurial et l’amorce d’une éducation financière, comme le prétend Tanya?

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Chaque enfant est différent — et chaque famille est différente. On peut critiquer l’approche des parents qui paient leurs enfants pour aller à l’école… mais avouez que c’est non-conventionnel, créatif et progressiste.

Si ça marche pour eux… tant mieux. Encore faut-il avoir le budget et une certaine assurance d’encore l’avoir le mois prochain.

«Je suis prête à donner à ma fille tout ce qu’elle veut à condition qu’elle argumente et prouve son point, souligne Marie-Soleil. En ce moment, elle économise l’argent que je lui donne, elle a un objectif. Plus tard, ça va peut-être l’aider à négocier avec son patron, même dans une job étudiante, qui sait!»

Participation et volonté

Je n’ai jamais payé mes enfants ni pour aller à l’école ni même pour effectuer des tâches. Mon mot d’ordre: on vit tous ensemble, en communauté, dans cette maison. Tu aimes manger dans de la vaisselle propre et marcher sur un plancher nettoyé? Alors tu participes.

La bonne volonté attire la bonne foi: j’ai tendance, je l’avoue, à dire «oui» à mes enfants plus qu’à leur dire «non». En fait, je dis oui jusqu’à ce que ce soit non. Je suis libérale dans mon approche, car j’encourage la communication, l’écoute, le support, la confiance.

Je les encourage dans leurs plans — jusqu’à ce que le projet me semble farfelu, risqué ou brouillon.

Je pense que je suis devenue cette mère assez lousse parce que mes enfants sont plutôt volontaires, dévoués, honnêtes. La relation de confiance est là, tout comme le lien d’attachement.

Une question de valeurs

J’aurais l’impression de sortir de ce cadre, important pour moi, si je rémunérais leurs présences à l’école. Ce serait comme une incongruité, car trop loin de mes valeurs.

Mais comme dit ma mère, «ça prend toutes sortes de monde pur faire un monde»… Alors si Tanya, Marie-Soleil, Martin ont envie de payer leurs enfants pour aller à l’école, grand bien leur fasse !

Ma seule question : cela coûtera combien au secondaire? Au collégial? Faudra-t-il récompenser financièrement l’obtention d’un diplôme? D’un méritas?

Poser des limites, après avoir ouvert cette porte, ne sera pas peut-être pas simple…

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