Mardi dernier, on avait sorti la coutellerie des grands jours et les chapeaux de la Gendarmerie royale avaient tous été brossés dans le bon sens des poils pour la visite du Roi Charles III et de sa dame, la Reine Camilla. Une reine dont la coupe de cheveux me rappelle toujours Krystel Carrington dans la série américaine Dynasty. Mais je m’égare.
Notre roi, parce qu’on le veut ou non, c’est ben ça pareil, était de passage en coup de vent pour venir saluer notre nouveau chef du Canada, monsieur Carney, et accessoirement, lire le discours du Trône. Bon, tu me diras que ça fait loin pour venir lire une lettre, mais qu’est-ce que tu veux, comme le dirait Céline: that’s the way it is.
Comme toute bonne visite royale, ça prend une légère brise de mini scandale. Parce que sinon, disons-le, c’est une visite un peu gâchée. On aurait pu s’attendre à ce que ce soit la Reine Camilla, en surdose de sucre d’avoir trop abusé de notre nectar d’érable, qui fait le moonwalk devant les marches parlementaires et crée le buzz. Et bien non. C’est notre ancien premier ministre, monsieur Justin Trudeau, qui est arrivé dans la place, pour le discours du trône avec à ses pieds… des espadrilles Adidas Gazelle vintage vertes (que je trouve absolument hot). Un look mode et une démarche décontractée qui nous donnaient l’impression de voir un papa cool débarqué à l’école secondaire de sa fille pour venir la chercher dans un film de la chaîne Hallmark.
Ça ne prenait pas plus que des Adidas old school pour que les gérants et gérantes d’estrade de la sphère virtuelle gueulent au scandale et à l’hérésie. Mais a-t-il scrapé le protocole royal? Non. En gros, le roi et sa dame ne veulent pas occasionner des dépenses inutiles en matière de bels apparats aux gens qu’ils croisent quand ils sont en visite. Aussi surprenant que cela puisse être, aucun chapeau n’est obligatoire.
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Envoyez le mémo aux Anglaises dans les mariages princiers. Pas besoin non plus de porter des gants. Les dames peuvent en porter si ça leur chante et que ça matche bien avec leur robe. Elles ne sont même pas obligées de les enlever quand arrive la présentation royale. Donc, Monsieur Trudeau avait tout à fait le droit d’arriver avec ses runnings verts dignes d’un influenceur.
Mais qu’est-ce qui dérange tellement certaines personnes? Vraiment, on est rendu à virer fou pour une paire d’espadrilles? Il n’y a pas assez d’enjeux pour se scandaliser autour de nous et dans le monde? C’est parce que c’est Justin Trudeau qui les porte? On a décidé collectivement que, peu importe ce qu’il ferait, on allait le varloper sur un moyen temps?
Je n’ai pas de réponse à ces questions, mais je crois qu’on devrait s’interroger collectivement sur nos montées de lait quotidiennes. Cette trop forte et trop présente agressivité envers de petites choses. Je sais bien qu’une poignée de gens qui crie trop bruyamment sur la place publique ne reflète pas nécessairement l’opinion générale.
Mais il reste que c’est un symptôme d’une soupape qui a trop besoin de faire sortir le méchant en lapidant les autres. Ce n’est pas normal de vomir sa bile à tout vent dans des mots lourds de sens ou encore trop vides. J’ai parfois l’impression qu’on a égaré le respect en chemin et on ne sait plus trop où on l’a laissé.
Je comprends qu’à certains moments la colère l’emporte. Et c’est correct de critiquer, remettre en question, péter un plomb et vouloir dénoncer. Les remises en question et la saine argumentation sont nécessaires. Blaguer sur des souliers verts d’ancien premier ministre, c’est amusant et très correct. En faire une catastrophe, je ne crois pas. À l’air où on veut nourrir la bête internet souvent dans la même journée, on peut quand même choisir ses combats.
Je te laisse, je tente d’aller trouver une paire de Gazelles verte sur les sites…
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