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Les cartes Pokémon: quand un jeu pour enfants surpasse Wall Street

L’effet de rareté est puissant.

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Mais au-delà du jeu et de la nostalgie, les cartes Pokémons se sont transformées en un véritable marché parallèle de l’investissement. (Montage Noovo Info et image tirée de The Associated Press)

Au départ, ce n’était qu’un simple jeu de cartes, destiné aux enfants férus d’aventures fantastiques et de créatures colorées. Lancées en 1996 au Japon, les cartes Pokémon sont devenues en quelques années un phénomène planétaire. Mais au-delà du jeu et de la nostalgie, elles se sont transformées en un véritable marché parallèle de l’investissement.

Sur dix ans, certaines cartes rares ont offert des rendements qui feraient pâlir d’envie les plus fins stratèges de Wall Street, surpassant non seulement le S&P 500, mais aussi la performance de Berkshire Hathaway, l’empire de Warren Buffett, et bien des hedge funds. Comment un Pikachu sur carton glacé a-t-il pu battre les champions de la finance ?

Un marché parallèle plus rentable que la bourse

Selon l’indice PWCC Top 500, qui suit la valeur des cartes Pokémon les plus prisées, la croissance sur dix ans a dépassé de 94 % le rendement du S&P 500. Certaines analyses estiment même le taux de croissance annuel composé (CAGR) de certaines cartes rares à 30 % voire 40 %, contre environ 10 à 12 % pour l’indice boursier américain.

Un exemple frappant : la carte Pikachu Illustrator, imprimée en 1998 et offerte uniquement lors d’un concours de dessin au Japon. Moins de 40 exemplaires certifiés existent. En 2022, l’influenceur Logan Paul en a acheté une pour la modique somme de 5,275 millions $ US, devenant ainsi la carte Pokémon la plus chère de l’histoire. En comparaison, la même carte s’était échangée autour de 50 000 $ quelques années auparavant.

Autre anecdote étonnante : en 2021, une carte Dracaufeu 1re édition, de grade PSA 10 (parfaite condition) s’est vendue à 390 000 $ US. Pour rappel, cette carte valait à peine une centaine de dollars au début des années 2000.

Quand la nostalgie rencontre la rareté

La clé de cette explosion réside dans un cocktail bien particulier :

  • Nostalgie des générations Y et Z, qui ont grandi avec les cartes et disposent maintenant d’un pouvoir d’achat plus élevé.
  • Rareté : certaines cartes ont été produites en quantités extrêmement limitées, parfois distribuées uniquement lors de tournois ou d’événements spéciaux.
  • Certification : les entreprises comme PSA et CGC classent et authentifient les cartes, ce qui rassure les acheteurs et établit des standards de valeur.

L’effet de rareté est si puissant que des boîtes scellées de cartes, qui se vendaient environ 100 $ à l’époque, se négocient aujourd’hui à plus de 20 000 $.

Comparaison avec les placements traditionnels

Mettons les choses en perspective :

  • Berkshire Hathaway a généré environ 14 % de rendement annualisé sur dix ans, soit un total de +277 %. Impressionnant, certes.
  • Le S&P 500 affiche une croissance de 10 à 12 % par an.
  • Mais certaines cartes Pokémon rares ont vu leur valeur grimper de plus de 1 000 % sur la même période, ce qui équivaut à un rendement annuel dépassant 30 %.

Cela ne veut pas dire que tout le marché Pokémon est plus rentable que la bourse : seules les pièces très sélectives, en parfait état, certifiées et rares ont connu ce genre d’envolée.

Histoires folles de collectionneurs

  • En 2020, un ancien employé de Nintendo of America a retrouvé dans son grenier une boîte scellée de cartes Pokémon de 1999. Estimée à 375 000 $, elle fut vendue aux enchères en un clin d’œil.
  • Le rappeur Logic a payé 226 000 $ pour un Dracaufeu holographique 1re édition, expliquant que « cet achat comblait l’enfant en lui qui n’avait jamais pu se le permettre ».
  • Certaines cartes promotionnelles distribuées gratuitement lors d’événements comme le Pokémon Snap Contest de 1999 au Japon valent aujourd’hui plus cher qu’une maison moyenne en Amérique du Nord.

Ces anecdotes rappellent que ce marché est alimenté par des passions, des récits personnels et des symboles générationnels, bien plus que par une logique d’investissement froide.

Les pours et les contres de l’investissement dans les objets de collection

Les avantages

  1. Diversification : Ces actifs ne sont pas corrélés aux marchés financiers traditionnels, ce qui peut jouer un rôle protecteur lors de crises boursières.
  2. Rareté croissante : Contrairement à une action qu’on peut émettre à nouveau, les cartes ou objets rares sont en quantité finie. Leur rareté s’accroît au fil du temps.
  3. Potentiel spéculatif élevé : Les gains réalisés par certains collectionneurs sont spectaculaires, parfois supérieurs à l’immobilier, aux actions ou même à l’art contemporain.
  4. Plaisir émotionnel : Investir dans des objets liés à sa jeunesse, à une passion ou à un univers culturel procure une satisfaction non quantifiable.

Les inconvénients

  1. Liquidité limitée : Revendre une carte Pokémon ou une bande dessinée rare demande souvent du temps, des frais d’enchères et un marché de niche.
  2. Évaluation subjective : Contrairement aux actions cotées, la valeur repose sur la perception, la mode et la demande.
  3. Risque de contrefaçon : Le marché regorge de faux, rendant la certification indispensable.
  4. Volatilité extrême : L’hype médiatique peut gonfler les prix artificiellement, suivie de corrections brutales.

Autres objets de collection devenus des mines d’or

Les cartes Pokémon ne sont pas les seules à avoir transformé des passionnés en millionnaires. Voici quelques exemples :

  • Cartes sportives : Une carte rookie de Mickey Mantle (1952) s’est vendue 12,6 millions $ US en 2022.
  • Bande dessinée Action Comics #1 (1938, première apparition de Superman) : achetée quelques centaines de dollars à l’époque, elle s’est échangée à plus de 3 millions $ US.
  • Montres de luxe Rolex et Patek Philippe : certains modèles rares, achetés quelques milliers de dollars dans les années 1970, se négocient aujourd’hui à plusieurs centaines de milliers.
  • Sneakers en édition limitée : des Air Jordan 1 ou Yeezy peuvent voir leur valeur multipliée par 10 à 20 en quelques années.
  • Jeux vidéo rétro sous scellé : une copie neuve de Super Mario 64 s’est vendue 1,56 million $ US en 2021.

Un bonus, pas une stratégie

Oui, les cartes Pokémon ont, dans bien des cas, surpassé la performance des indices boursiers et même des gestionnaires légendaires comme Warren Buffett. Mais il ne faut pas confondre succès anecdotiques et stratégie d’investissement durable.

Investir dans les objets de collection, c’est marcher sur une ligne fine entre passion et spéculation. Le potentiel de rendement est indéniable, mais il s’accompagne de risques élevés, d’une liquidité faible et d’une dépendance aux tendances culturelles.

En d’autres mots, si vous rêvez d’acheter un Dracaufeu 1re édition ou une boîte scellée des années 1990, faites-le d’abord parce que vous aimez l’objet. Et si un jour sa valeur explose, considérez-le comme un bonus… plutôt qu’une certitude.

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Fabien Major

Fabien Major

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Planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine