La Banque du Canada réduit mercredi son taux directeur d'un quart de point, la banque centrale s’inquiétant moins des risques d’inflation que du ralentissement économique.
Le taux directeur de la Banque du Canada s’établit désormais à 2,5 %, après avoir été maintenu inchangé lors de trois annonces consécutives depuis mars.
Le gouverneur Tiff Macklem affirme que les risques ont changé depuis la dernière décision de la banque centrale en juillet.
Les fissures sur le marché du travail et la forte baisse des exportations menacent la croissance, précise-t-il, tandis que les premiers signes de pression inflationniste sous-jacente s’estompent.
«Étant donné que l’économie s’est affaiblie et que les risques à la hausse entourant l’inflation ont diminué, le conseil de direction a jugé qu’une réduction du taux directeur était appropriée pour mieux équilibrer les risques», dit-il dans sa déclaration préliminaire.
La Banque du Canada indique qu’elle continuera à se concentrer sur un horizon plus court que d’habitude, alors qu’elle tente de définir sa politique monétaire dans un environnement en constante évolution.
M. Macklem ajoute que la banque est prête à ajuster à nouveau son taux directeur si cela s’avérait nécessaire.
«Nous avons démontré aujourd’hui que, si les risques évoluent, si les risques changent, nous sommes prêts à prendre des mesures, indique-t-il. Et si les risques continuent d’évoluer, nous sommes prêts à prendre d’autres mesures. Mais nous allons procéder réunion par réunion.»
L’inflation annuelle s’est établie à 1,9 % en août, a annoncé mardi Statistique Canada, les chiffres de l’inflation de base se maintenant autour de 3 % en glissement annuel.
Mais la Banque du Canada, qui examine un éventail plus large d’indicateurs, estime toujours que l’inflation sous-jacente se maintient autour de 2,5 %.
M. Macklem ajoute que la décision du gouvernement fédéral d’abandonner la plupart des droits de douane de rétorsion contre les États-Unis au début du mois va quelque peu freiner l’inflation.
Il indique que les effets des mesures de rétorsion ont été particulièrement visibles dans le secteur alimentaire ces derniers mois, mais que la suppression de ces mesures devrait entraîner une baisse des prix dans les régions touchées à l’avenir.
Le taux de chômage national a atteint 7,1 % après que l’économie canadienne a perdu plus de 100 000 emplois en juillet et août. Le produit intérieur brut réel a reculé de 1,6 % en rythme annualisé au deuxième trimestre.
Les économistes suggèrent que les employeurs se sont empressés de devancer les droits de douane américains au premier trimestre, ce qui a stimulé l’activité, puis entraîné la contraction du deuxième trimestre.
Une croissance modeste
M. Macklem réaffirme que la banque centrale ne prévoie pas actuellement de récession dans ses perspectives, tablant plutôt sur une croissance modeste d’environ 1 % au second semestre.
«Ce ne sera pas très réjouissant. Il s’agit bien d’une croissance, mais elle sera lente», observe-t-il.
M. Macklem soutient que, même si de nombreuses inconnues subsistent concernant les droits de douane américains et les perturbations du commerce mondial, «l’incertitude à court terme pourrait avoir légèrement diminué».
Si la situation tarifaire avec les États-Unis reste stable, il prévient que la banque centrale reviendra probablement à la publication d’une prévision unique et centrale pour l’économie lors de sa prochaine décision de politique monétaire, le 29 octobre.
Katherine Judge, économiste principale à la CIBC, écrit mercredi dans une note adressée à ses clients que l’économie «perdait de sa résilience» et que l’inflation devrait rester bien maîtrisée à l’avenir.
Elle fait valoir que cela incitera la banque centrale à procéder à une nouvelle baisse lors de sa prochaine décision.
Selon LSEG Data & Analytics, mercredi midi, les marchés financiers estimaient à un peu plus de 40 % la probabilité d’une nouvelle baisse d’un quart de point le mois prochain.
Les responsables de la politique monétaire examineront l’évolution des exportations et détermineront si les coûts liés aux perturbations commerciales sont répercutés sur les consommateurs afin d’évaluer la prochaine orientation du taux directeur.
Stephen Brown, économiste en chef adjoint pour l’Amérique du Nord chez Capital Economics, souligne dans une note que l’accent mis par la Banque du Canada sur les anticipations inflationnistes et les répercussions possibles du conflit commercial sur l’activité des ménages est révélateur.
«Cela laisse la porte ouverte à une nouvelle baisse des taux d’intérêt cette année si, comme nous le prévoyons, la croissance économique reste faible et les pressions inflationnistes sous-jacentes sous contrôle», affirme-t-il.
Budget à venir
La prochaine décision de la Banque du Canada en matière de taux d'intérêt sera prise avant la présentation du budget d'automne tant attendu du gouvernement fédéral, que le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, a annoncé mardi pour le 4 novembre.
Depuis les élections du printemps, le gouvernement libéral a dévoilé une série de dépenses, notamment des plans visant à augmenter rapidement les dépenses en matière de défense et d'infrastructure tout en réduisant les coûts opérationnels.
M. Macklem affirme que la banque attend la publication du budget complet pour voir comment ces différents plans s'articulent entre eux, plutôt que d'ajuster la politique monétaire dès maintenant.
«Une fois que nous aurons le budget, nous évaluerons les implications des plans du gouvernement sur les perspectives économiques, ce que cela signifie pour la croissance, pour l'inflation et, en fin de compte, pour ce que nous devons faire avec les taux d'intérêt», indique-t-il.
M. Macklem réitère sa conviction que la politique budgétaire est mieux adaptée pour gérer les répercussions sectorielles des droits de douane américains, tandis que le taux d'intérêt de la Banque du Canada peut atténuer l'impact plus général des changements qui en découlent pour l'économie.
«La politique monétaire ne peut pas annuler les effets des droits de douane. Tout au plus peut-elle aider l'économie à s'adapter au niveau macroéconomique tout en maintenant l'inflation sous contrôle», ajoute-t-il.
La sous-gouverneure principale Carolyn Rogers laisse entendre que la banque centrale évaluera le budget de novembre lors de sa dernière décision sur les taux de l'année, en décembre.
