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Champagne est «triste» que les États-Unis ont «tourné le dos» au Canada

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5852aa3dc252bbe520b9d5b07b2e3d1f3584a1d5d6ee5fe38e005bdcba856bf0.jpg Le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, répond aux questions des journalistes à Ottawa, le 17 septembre 2025. Il a affirmé mercredi qu'une grande partie des coûts que le pays devra assumer dans le prochain budget fédéral sont «directement liés à la guerre commerciale imposée au Canada». LA PRESSE CANADIENNE/Sean Kilpatrick (Sean Kilpatrick | La Presse canadienne)

Le ministre fédéral des Finances, François-Philippe Champagne, est «triste» que les États-Unis ont «tourné le dos» au Canada en déclenchant une guerre commerciale qui oblige désormais Ottawa à «réinventer» l'économie nationale. 

M. Champagne a déclaré après une réunion du caucus libéral, mercredi, qu'une grande partie des coûts que le pays devra assumer dans le prochain budget fédéral sont «directement liés à la guerre commerciale imposée au Canada».

«Il est triste, je dirais, que notre principal partenaire commercial ait tourné le dos au Canada, ce qui nous oblige à réévaluer la manière dont nous allons bâtir l'économie de demain», a déclaré M. Champagne.

«Le Canada a toujours été au cœur du paysage industriel nord-américain, mais il est évident que, lorsqu'un pays tourne le dos, il faut trouver des moyens de renforcer l'économie canadienne et d'explorer de nouveaux marchés et de nouvelles industries», a-t-il ajouté.

Ses commentaires font suite à ceux de l'ambassadeur américain au Canada, Pete Hoekstra, qui a affirmé que l'administration Trump était «optimiste» quant aux perspectives d'un accord «beaucoup plus ambitieux» avec le Canada, qui irait au-delà de la renégociation de l’entente commerciale actuelle.

«Les Américains espéraient que nous pourrions négocier un accord plus ambitieux», a mentionné M. Hoekstra lors d'un événement organisé par le Conseil international du Canada à Ottawa mardi soir.

 

Le Canada, les États-Unis et le Mexique s'apprêtent à procéder à une révision majeure de l'accord trilatéral Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), prévue l'année prochaine. Les préparatifs des négociations se déroulent en coulisses.

Le premier ministre Mark Carney espère conclure des accords sectoriels plus modestes avec le président américain Donald Trump afin de désamorcer la guerre commerciale en cours et d'élaborer un nouveau partenariat économique et de sécurité.

M. Hoekstra a toutefois précisé que la Maison-Blanche espérait que le Canada «ne se contenterait pas de renégocier l'ACEUM» et souhaitait le voir se transformer en un accord «beaucoup plus ambitieux» en élargissant les relations dans des domaines tels que la défense, l'automobile et l'énergie.

«Il est évident, du moins à ce stade, que cela n'arrivera pas», a avancé M. Hoekstra.

L'ambassadeur n'a pas expliqué ce qu'il voulait dire ni identifié ce qui, selon lui, empêche un tel accord.

Il a toutefois contesté le slogan «Elbows up» des élections du printemps et la réaction populaire à travers le pays face à la guerre commerciale de Donald Trump contre le Canada.

«Une grande partie de ce message persiste : "Nous devons être fermes envers les Américains, nous n'achèterons pas de F-35, nous interdirons votre alcool, nous dirons à nos employés de ne pas voyager aux États-Unis, nous ne voulons pas de vos données, nous ne voulons pas de vos technologies de l'information"», a énuméré M. Hoekstra.

«Tout cela, je suis désolé, mais c'est ce que nous constatons. Cela ne me dit pas que le Canada est aussi passionné par cette relation que nous», a-t-il affirmé.

Des sénateurs montent au créneau

Un groupe de sénateurs américains a proposé mercredi de bloquer les droits de douane visant le Canada. 

Les démocrates Mark Warner, Tim Kaine, Amy Klobuchar et Chuck Schumer se sont joints au républicain Rand Paul pour déposer une résolution commune visant à forcer un vote sur l'utilisation par Donald Trump de la Loi sur les pouvoirs d'urgence économique internationale pour déclarer l'état d'urgence concernant le trafic de fentanyl et imposer au Canada des droits de douane dévastateurs.

Les données du gouvernement américain montrent que seule une infime quantité de fentanyl est saisie à la frontière canado-américaine comparativement à celle avec le Mexique.

«Il est temps de mettre fin à la guerre commerciale insensée du président Trump contre le Canada, l'un de nos plus proches alliés et principaux partenaires commerciaux», a soutenu M. Kaine dans un communiqué.

«Le peuple américain s'y oppose massivement et cette guerre a déjà causé des dommages durables aux relations bilatérales, comme en témoignent le déclin du tourisme canadien aux États-Unis et la baisse des ventes de produits américains au Canada», a-t-il ajouté.

Une loi visant à bloquer les droits de douane a été adoptée par le Sénat par 51 voix contre 48 en avril, mais n'a pas été reprise par la Chambre des représentants.

M. Paul, farouche opposant aux droits de douane, a indiqué qu'«aucun président ne devrait pouvoir abuser de ses pouvoirs d’urgence pour contourner le Congrès et imposer unilatéralement des droits de douane à l’importation – des taxes – au peuple américain.»

«Ces droits de douane frappent plus durement les familles, les agriculteurs et les petites entreprises, et dans le Kentucky, ils dévastent des secteurs clés, comme l’automobile, le bourbon, la construction résidentielle et le transport maritime, a-t-il mentionné. Le Congrès doit reconquérir son autorité constitutionnelle et mettre un terme à ces abus économiques avant que d’autres emplois et industries ne soient détruits.»

Le communiqué de presse indique que, depuis que Donald Trump a lancé sa guerre commerciale avec le Canada, les exportations de spiritueux américains vers le Canada ont diminué d’environ 62 %, et le tourisme du Canada vers les États-Unis a chuté de 33,9 %.

La dernière résolution a également été coparrainée par d’autres démocrates, ainsi que par les républicaines Susan Collins et Lisa Murkowski.

La Cour suprême des États-Unis doit entendre en novembre les arguments des États et des petites entreprises qui contestent l'utilisation de cette loi par le locataire de la Maison-Blanche pour imposer des droits de douane dévastateurs au Canada et à d'autres pays.

Le représentant américain au Commerce a publié cette semaine un avis de consultation publique afin de recueillir des commentaires sur la prochaine révision de l'ACEUM, prévue pour le 1er juillet 2026. Il a également prévu une audience publique le 17 novembre 2025.

Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, a prévenu que Donald Trump ne voudrait pas attendre et qu'il accentuerait probablement la pression commerciale cet automne.

— Avec des informations de Kelly Geraldine Malone à Washington et de Dylan Robertson