L’investissement autonome, c’est un peu comme la cuisine italienne: ça semble simple, mais c’est un art subtil. La comparaison ne s’arrête pas là, car, la représentation visuelle des catégories d’une répartition d’actifs d’un portefeuille ressemble souvent à une bonne pizza garnie.
Cinq ingrédients de base sont essentiels ; du temps, de l’intérêt, de la discipline, des compétences et un brin d’humilité. Ensemble, ils peuvent donner un résultat savoureux… ou une catastrophe carbonisée si on ne respecte pas la recette. Alors, avant de vous autoproclamer grand chef de vos finances, voici les dix commandements qui vous éviteront de confondre indépendance et imprudence.
1. Tu te connaîtras toi-même (et ton appétit pour le risque)
Avant de cliquer sur « Acheter » ou « Vendre », fais d’abord ton introspection et de nombreuses pratiques. L’investissement autonome n’est pas une affaire d’intelligence, mais de tempérament. Es-tu de ceux qui dorment paisiblement pendant un krach boursier ? Ou de ceux qui rafraîchissent leur écran toutes les 20 secondes ?
La clé est de connaître ton profil d’investisseur : prudent, modéré, équilibré, dynamique ou audacieux ? La majorité des erreurs viennent d’une incohérence entre ta personnalité et ta stratégie. Souviens-toi : Warren Buffett n’est pas devenu riche en achetant les mêmes produits que la foule ni en fonçant sans réfléchir.
2. Tu pratiqueras l’humilité et la modestie
L’investissement, c’est le seul domaine où plus tu apprends, plus tu réalises que tu ne sais rien. Les marchés sont des créatures capricieuses, souvent irrationnelles. Si tu crois avoir trouvé la formule magique, tu es probablement en train de la perdre.L’humilité, c’est reconnaître que tu n’as pas toujours raison — et que le hasard, lui, adore se mêler de tes affaires. L’investisseur autonome qui survit longtemps est celui qui doute souvent… et s’ajuste.
3. Tu ne te laisseras pas séduire par les prophètes du web
Ah, les « experts » autoproclamés ! Ces influenceurs de la finance qui te jurent qu’ils ont trouvé LE FNB miracle, la plateforme « sans frais cachés » (mais avec beaucoup de pubs et de pop-ups), ou le portefeuille parfait à 12 % garanti… Méfiance : beaucoup de ces gourous sont grassement rémunérés pour vanter leurs «produits miracles».
Un bon réflexe : quand tout le monde recommande la même plateforme ou les mêmes FNB, ça sent la commandite à plein nez. Ce ne sont définitivement pas des conseils désintéressés. Un véritable investisseur autonome s’informe à des sources multiples : rapports officiels, sites gouvernementaux, publications financières sérieuses et, pourquoi pas, un conseiller indépendant pour valider ses choix. Et surtout, il ne demeure pas dans sa « chambre d’écho », où tous se félicitent de faire les mêmes choix et d’avoir la même opinion.
4. Tu respecteras la loi du temps
Le temps, c’est l’ami invisible de l’investisseur. Il transforme la patience en rendement composé. Mais c’est aussi l’ennemi de celui qui croit pouvoir battre les marchés entre deux cafés. Investir demande du temps : temps pour apprendre, analyser, corriger. L’investissement autonome ne s’improvise pas sur un coin de table le dimanche matin. Si tu n’as pas le temps de suivre tes placements, de lire les prospectus ou de rééquilibrer ton portefeuille, tu n’es pas autonome… tu es juste négligent.
5. Tu comprendras la fiscalité avant d’espérer la performance
L’un des plus grands pièges du bricoleur financier, c’est d’oublier le fisc dans l’équation. Un rendement de 8 % avant impôt n’a rien à voir avec un 8 % net après impôt.Connaître la fiscalité de ses placements (dividendes canadiens, gains en capital, revenus d’intérêt, REER, CELI, FERR, etc.) est essentiel. Ce n’est pas glamour, mais c’est ce qui distingue le spéculateur du stratège.
Et n’oublie jamais : un bon placement dans le mauvais compte fiscal devient un mauvais placement.
6. Tu feras de la planification financière ton GPS
Tu peux être un excellent pilote, mais sans carte, tu finiras dans un fossé. La planification financière, c’est ton GPS : elle te dit où tu es, où tu veux aller, et quel chemin prendre sans vider le réservoir. Un plan solide et complet (de 20 pages et plus) te permet de définir tes objectifs : retraite, maison, études, voyages, budget, impôt, protection, aspects légaux, etc.
Sans lui, tu risques de naviguer à vue, au gré des émotions et des manchettes boursières. Un portefeuille, sans planification, c’est comme un bateau sans gouvernail : il flotte, mais ne va nulle part et partout.
7. Tu sauras quand décrocher (et quand déléguer)
L’autonomie financière, ce n’est pas une religion. Ce n’est pas honteux de confier une partie de ton patrimoine à un expert. Même les meilleurs chirurgiens ne s’opèrent pas eux-mêmes. Si tu manques de temps, d’intérêt ou simplement d’énergie, déléguer à un planificateur ou un gestionnaire compétent peut être le meilleur investissement de ta vie. Tu peux toujours garder un « portefeuille de jeu » pour tes expérimentations, mais ton patrimoine principal mérite un professionnel. L’autonomie, c’est aussi savoir quand dire : « Je m’arrête ici. »
8. Tu ajusteras tes attentes à la réalité
Non, tu ne deviendras pas millionnaire en 15 minutes avec 10 000 $. Non, tous les FNB sans frais ou presque, ne battent pas tous les experts et le marché. Les rendements des 15 dernières années ont été exceptionnels, surtout pour les actions américaines. Les prochaines pourraient l’être beaucoup moins.
Attends-toi à des rendements réalistes : 4 à 6 % net par an pour un portefeuille équilibré. Et surtout, évite le piège du court terme. L’investissement autonome, c’est un Ironman, pas une promenade en trottinette sur le « p’tit train du Nord ».
9. Tu ne tricheras pas avec la discipline
Le plus grand ennemi de l’investisseur autonome, c’est… lui-même. La peur, la cupidité, la précipitation : trois démons à apprivoiser. Fixe-toi une stratégie et respecte-la : rééquilibre périodiquement, diversifie, investis automatiquement. La discipline est ta meilleure alliée contre les émotions du moment.
Si tu ressens l’envie irrésistible de tout vendre après une baisse de 10 %, rappelle-toi : l’histoire montre que les investisseurs qui restent investis gagnent toujours plus que ceux qui jouent aux devins.
10. Tu n’oublieras jamais que l’argent est un moyen, pas une fin
Le but de l’investissement, ce n’est pas d’avoir raison sur tout le monde. C’est de vivre mieux, plus libre, plus serein. Un bon portefeuille, ce n’est pas celui qui te rend riche rapidement, mais celui qui t’empêche de t’inquiéter chaque soir.
Et surtout, souviens-toi que décrocher fait partie de la stratégie. Va marcher, lis un bon livre, profite de la vie… et dépense intelligemment. Ton plan financier, te dira combien tu peux te permettre, que tu peux consacrer à tes loisirs et sorties. La gratification bien dosée est essentielle à ton bien-être immédiat et futur.
Pour qui est fait l’investissement autonome?
- Pour ceux qui ont acquis suffisamment de connaissances et de compétences
- Pour ceux qui aiment apprendre, analyser, et remettre en question leurs convictions.
- Pour ceux qui ont du temps à consacrer à leurs finances et une tolérance à l’incertitude.
- Pour ceux qui voient l’argent comme un outil, pas une compétition ou une fin en soi.
Et pour qui ce n’est PAS?
- Pour les suiveux qui veulent imiter le voisin ou le beau-frère.
- Pour les impulsifs qui détestent lire, planifier ou attendre.
- Pour ceux qui croient qu’investir, c’est « jouer à la bourse ».
- Pour ceux qui paniquent à la première chute du marché.
L’autonomie ne veut pas dire solitude. Savoir demander conseil, c’est aussi une forme d’intelligence.
En bref
Être investisseur autonome, c’est un peu comme conduire une moto : grisant, mais risqué si on ignore les panneaux. Tu peux faire le trajet toi-même, à condition de connaître la route, ta boîte de vitesse, et tes limites. L’humilité, la discipline et la planification sont tes équipements principaux de sécurité. La curiosité, ton carburant. Et la patience, ton moteur.
Alors, si tu veux vraiment être autonome, grave ces dix commandements dans ta mémoire et dans les favoris de ton navigateur web… Et, n’oublie jamais le onzième commandement qui provient de l’investisseur légendaire Peter Lynch : « Investis uniquement dans ce que tu comprends. » Si tu ne peux pas expliquer en une phrase ou deux, de manière claire et limpide ce que fait concrètement une société, un fonds ou un FNB, alors n’y met pas ton argent.
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