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Pourquoi ces stratégies séduisent-elles autant de gens?
Dans le monde de la finance personnelle, il existe une constante : dès qu’un concept paraît trop beau pour être vrai, c’est généralement… trop beau pour être vrai.
Depuis quelques années, une expression attire l’attention des investisseurs québécois : le «Infinite Banking», ou «banque infinie». On la retrouve dans des webinaires, sur TikTok, YouTube ou même dans certaines formations coûteuses promettant la liberté financière en 10 ans.Mais qu’y a-t-il derrière ces mots pompeux? Et surtout, pourquoi ces stratégies séduisent-elles autant de gens?
L’«Infinite Banking» est une stratégie née aux États-Unis, popularisée par un ancien représentant en assurance, Nelson Nash, dans les années 1990. Son idée: utiliser une assurance vie entière à participation comme véhicule d’épargne, d’investissement et de financement.
En payant des primes plus élevées que nécessaire, on crée une valeur de rachat dans la police. Cette valeur peut ensuite être empruntée, un peu comme une marge de crédit personnelle. Les promoteurs du concept affirment que cela permet de «devenir son propre banquier» : au lieu d’emprunter à la banque, vous empruntez à vous-même et payez les intérêts à votre propre police, tout en continuant à faire croître votre patrimoine.
Sur papier, c’est brillant. Dans les vidéos marketing, c’est presque magique. Mais dans la vraie vie financière, c’est une mécanique coûteuse, rigide et longue à rentabiliser.
Le problème n’est pas tant le principe — utiliser une police d’assurance permanente pour structurer de la liquidité est une pratique reconnue — mais l’emballage commercial qu’on en fait. Certains influenceurs ou vendeurs de formation coûteuse présentent le concept comme un moyen de créer de la richesse sans risque, sans impôt et sans effort.
Or, les faits sont moins séduisants:
Beaucoup associent aujourd’hui le «infinite banking» à l’immobilier. On leur promet de financer des immeubles à revenus en utilisant la valeur de rachat d’une police: «Tu verses dans ton assurance, tu empruntes, tu achètes, tu fais travailler ton argent deux fois !»
Mais il faut bien comprendre : l’immobilier n’a rien à voir avec le concept original. Le produit de base, c’est une assurance vie entière. L’immobilier n’est qu’une destination possible du capital emprunté.
Certains «coachs» réinventent le concept en parlant de Real Estate Infinite Banking, Family Banking, Cashflow Banking ou Private Wealth System.
Derrière les appellations sophistiquées, on retrouve le même principe de levier : emprunter à un taux X pour tenter de générer un rendement supérieur à Y ailleurs.
Rien de nouveau sous le soleil : c’est de la mécanique financière traditionnelle, mais habillée d’un jargon vendeur et d’un vernis pseudo-savoureux.
Beaucoup de ces stratagèmes flirtent avec le discours dangereux du «rendement garanti, sans impôt et sans risque». Or, l’Agence du revenu du Canada surveille de très près les régimes d’assurance à valeur de rachat. Si une police n’est plus considérée comme «exonérée», les valeurs accumulées deviennent imposables chaque année. Oups! Certains promoteurs ne comprennent même pas ces règles — ou préfèrent ne pas en parler.
Il existe aussi une notion fondamentale souvent oubliée : l’intérêt assurable.
On ne peut pas souscrire une assurance vie simplement pour «faire fructifier son argent». Il faut démontrer un lien économique légitime : une protection de revenus, un transfert de patrimoine à ses descendants (s’il y en a !), une planification successorale.
Quand le but premier devient spéculatif ou fiscal, on s’éloigne du cœur même du produit.
L’infinite banking et les autres montages de ce type ne sont pas universels. Ils conviennent parfois à des gens déjà très fortunés, ayant déjà maximisé en REER et CELI, qui cherchent une structure patrimoniale complémentaire dans une société de gestion. Mais pour la majorité :
… ce genre de structure complexifie inutilement leur situation et immobilise des liquidités précieuses.
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Ces stratagèmes ont un point commun : le vocabulaire marketing.
Les mots employés flattent l’ego : «banque personnelle», «patrimoine caché», «effet multiplicateur», «levier infini», «revenu garanti à vie». On joue sur la peur de l’impôt et la frustration envers les institutions financières. Le discours typique : «Les riches font ça depuis toujours, on ne veut pas que tu saches comment!»
Ce ton à l’allure de conspiration séduit, mais c’est souvent une diversion. Les véritables investisseurs fortunés s’appuient sur des stratégies simples : discipline, diversification, horizon long terme, et surtout… compréhension claire de ce qu’ils détiennent.
La finance n’est pas un tour de magie, c’est un bâtiment solide qu’on érige lentement avec des briques de bon sens. Avant de vous aventurer dans des échafaudages financiers complexes et chambranlants, qui souvent, mêlent assurance vie, immobilier et fiscalité, posez-vous les bonnes questions :
Parce qu’en matière d’argent, les raccourcis sont presque toujours des détours coûteux.
Il n’y a pas de miracle en finance. Si quelqu’un vous promet des rendements élevés, sans risque ni impôt, c’est que le miracle profitera surtout… à celui qui vous le vend.
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