J’entends déjà vos enfants me lancer des BOOOUUUUU retentissants! J’adore commencer mes interventions par «opinion impopulaire». Mais posons-nous la question: est-ce que notre calendrier scolaire est réellement optimal pour les enfants, les parents, l’économie et le personnel scolaire? Les réponses que je reçois sont généralement émotives.
Je lisais le journal hier, et une nouvelle a attiré mon attention. Certains centres de services scolaires ont décidé d’ouvrir l’école le lundi 23 juin afin d’atteindre le nombre de jours obligatoire prévu à la loi. Au Québec, la Loi sur l’instruction publique prévoit que les élèves doivent recevoir 180 jours d’école (et d’instruction) par année.
Cette décision est critiquée, plusieurs se demandent pourquoi ne pas avoir mis une journée pédagogique le 23 juin, alors que les la vaste majorité des élèves québécois n’apprennent plus grand-chose depuis quelques jours déjà. Tout le monde est déjà en mode estival. Mon enfant ne fait pas exception, journée pyjama, spectacles, piquenique, kermesse… je vous avoue qu’on a relâché déjà pas mal sur les lectures et les leçons.
Résultat? En plus de la dizaine de semaines de vacances estivales, si on enlève les jours avant les Fêtes durant lesquelles on enchaîne les brunchs de Noël, les films de Noël et les autres activités spéciales… mêmes les 180 jours d’école ne correspondent pas toujours à 180 jours d’instruction, soyons honnêtes.
Tout ça pour dire que je réfléchis souvent au calendrier scolaire.
Ailleurs dans le monde
Regardons quelques pays et le nombre de jours d’école par an. Israël et le Japon se dressent en tête de liste avec environ 220 jours d’instruction. La Lituanie, la France et la Russie ferment la marche avec environ 160 jours d’école.
Le nombre de jours est une donnée intéressante, mais ces journées peuvent être plus ou moins chargées. Au Canada, le temps moyen d’instruction est de 919 heures par an. La moyenne de l’OCDE est de 799 heures. Le Danemark ne lésine pas avec 1050 heures par an.
Mais le nombre de jours et d’heures ne font pas non plus foi de tout. La distribution dans l’année (tout comme la qualité de l’enseignement) a évidemment un impact. Les particularités culturelles aussi peuvent changer le portrait.
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Israël prévoit beaucoup de journées d’école et pas mal d’heures aussi (961), alors que le Japon prévoit moins de journées, mais également moins d’heures (763). Il est toutefois à noter que plusieurs familles japonaises envoient leurs enfants dans des écoles privées en dehors des heures normales d’école pour parfaire leur éducation.
Ici, depuis longtemps, plusieurs experts en éducation déplorent le manque de stimulation intellectuelle l’été. Certes, le sport et le jeu peuvent être une forme d’apprentissage. Le problème, c’est de tomber à zéro activité pédagogique organisée pendant deux mois. Est-ce vraiment optimal?
En Australie, on prévoit 1000 heures par an réparties en quatre courtes sessions entrecoupées de deux ou trois semaines de vacances chaque fois. Ces pauses plus courtes permettent de maintenir le rythme des nouveaux apprentissages.
Pour plusieurs élèves, notamment ceux rencontrant des difficultés, on risque une perte des acquis et cela peut même réduire l’égalité des chances.
L’été, l’été, l’été c’est fait pour être productif
(à dire haut et fort avec la voix de Lucien Bouchard)
Notre calendrier scolaire a été pensé dans un Québec agricole, dans lequel les enfants aidaient leurs parents à faire les foins.
N’est-il pas temps de repenser quel calendrier offrirait le plus d’avantages du point de vue pédagogique, économique et social?
Prenez seulement les réalités de notre territoire et de notre climat. Dans son livre, Abolissons l’hiver! L’anthropologue Bernard Arcand suggérait que nous hibernions davantage en hiver, de manière à profiter de la saison estivale pour être plus productifs.
Cette idée nous bouscule, puisque nous associons notre conception des vacances avec des activités estivales. Nos souvenirs d’enfance sont liés au bord du lac en maillot de bain. Ça sent le feu de camp, le Muskol et la crème solaire.
Pourtant, l’été est une super saison pour travailler et aller à l’école. Plus de clarté, moins de virus et le lever du corps est moins difficile le matin. Même après une grosse journée, on a encore l’énergie nécessaire pour aller flâner sur une terrasse.
L’hiver, on est brûlés, malades. Les déplacements sont plus pénibles, les matins sont sombres, le lever du corps est souvent douloureux. Les bâtisses sont plus chères à garder chaudes. Pourquoi ne pas ajouter des vacances l’hiver et en enlever l’été?
Une réflexion globale
J’ai toujours trouvé étrange que les vacances de la construction soient en plein mois de juillet, alors que les mois durant lesquels nous pouvons effectuer certains travaux sont limités dans notre climat nordique. Mais il faut bien que les familles passent leurs vacances ensemble.
De plus, un meilleur étalement des vacances dans l’année pourrait peut-être amoindrir les hausses de prix des voyages et des activités durant la haute saison?
Autre point à évaluer, l’harmonisation du calendrier scolaire de l’école primaire, secondaire du cégep, qui reprend plus tôt en août. Ne serait-ce que pour éviter que les deux dernières semaines de camp de jours, dont les animateurs sont très souvent des jeunes du cégep ou du secondaire, soient un casse-tête pour les parents.
Les rythmes naturels, le climat et les saisons, les aspects pédagogiques et économiques devraient être pris en considération dans une réflexion sur le calendrier scolaire.
Mais je ne retiens pas mon souffle. Je me doute bien que ce n’est pas demain la veille que l’on s’attaquera à ces bonnes vieilles habitudes.
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