Après le témoignage de Geneviève Guilbault et de François Bonnardel, plusieurs questions restent en suspens sur le dossier SAAQClic. Le juge Gallant aura fort à faire pour déterminer à quels endroits on a échappé le ballon au point de dépenser 1,1 milliard de dollars sans remise en question du projet ni plan de contingence.
De plus, les témoignages de la dernière semaine nous amènent une série de questions auxquelles le juge Gallant n’a pas le pouvoir de répondre, et c’est celui de la transparence de l’information des gouvernements, tous partis confondus. Ou, formulé autrement, pourquoi a-t-on pris l’habitude, dans les sphères gouvernementales, de dépenser des centaines de millions de dollars d’argent public sans que les élus, les ministres et le public soient informés?
En 2018, la CAQ a été élue en promettant d’être un parti de bons gestionnaires qui allaient améliorer les services publics. C’est donc un des principaux piliers de la marque caquiste qui est ébranlé par les témoignages entendus la semaine dernière. Regardons pourquoi.
Ne pas savoir
Il est tout à fait plausible que les ministres ne soient pas au courant de tout ce qui se passe dans leur ministère et dans les sociétés d’État dont ils ont la charge. Il est important de respecter l’autonomie des professionnels et d’éviter les gestes d’ingérence. Cependant, il est tout aussi normal de penser que, lorsque des centaines de millions de dollars publics sont en jeu, le ministre et son cabinet soient informés. Aucun bon gestionnaire n’aurait accepté d’être laissé dans l’ignorance par leurs équipes du cabinet ou par la SAAQ, surtout quand autant d’argent est en jeu. Tristement, plusieurs sont ceux qui se sont rappelé les déclarations de Gérald Tremblay à l’époque de la commission Charbonneau, qui ignorait l’existence de corruption et de collusion dans l’octroi des contrats à Montréal.
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La patate chaude
Quand on ne sait pas, on ne peut pas se responsabiliser d’une situation. Dans le dossier SAAQClic, ceux qui savaient n’ont rien dit et, si on se fie aux témoignages, ceux qui devaient savoir n’ont pas assez posé de questions. Finalement, on pourrait croire que les enjeux dans la fonction publique et dans l’appareil gouvernemental sont comme une patate chaude dont il est plus facile de se débarrasser que de s’occuper. Quels que soient le parti politique et les allégeances, le fiasco actuel a des effets destructeurs sur la réputation de tous les gestionnaires de l’État et de toute la classe politique.
En ce moment, on parle de SAAQClic, mais c’est la même chose que l’on a perçue dans la commission Charbonneau, dans le scandale des commandites, ou dans tous les secteurs où l’on a l’impression que, lorsqu’il y a un problème, tout le monde cherche des coupables, mais personne ne prend la responsabilité des solutions.
Et maintenant?
Dans le cas du fiasco SAAQClic, les réponses viendront majoritairement de la commission Gallant. Il reste encore beaucoup de pierres à soulever, notamment sur la responsabilité du conseil d’administration, sur le rôle de chacune des directions et sur la tendance grave de la SAAQ à ne pas donner l’information nécessaire à ses ministres. C’est vrai que plus de questions auraient pu être posées, mais nous ne sommes pas censés devoir tirer les vers du nez d’une société d’État lorsqu’on est au gouvernement.
Cependant, pour ce qui est de l’image des ministres impliqués et de celle du gouvernement, le premier ministre devra certainement offrir une partie des réponses lors de son prochain remaniement. Comment va-t-il gérer le fait que deux de ses plus importants ministres aient pu être tenus dans l’ignorance de cette façon? Va-t-il les protéger? Va-t-il les sacrifier? Il m’apparaît difficile pour le gouvernement de reconstruire une image de bon gestionnaire sans effectuer de changement impliquant les ministres qui ont choisi de plaider l’ignorance.
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