La lumière «suspicion» s'est allumée chez un conseiller politique de l'ex-ministre des Transports François Bonnardel quand il a appris que la facture totale pour la modernisation informatique de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) serait de 682 millions $.
C'est ce qu'a déclaré Alain Généreux mardi matin à la commission Gallant chargée d'enquêter sur le fiasco SAAQclic. Il a été le conseiller politique responsable des dossiers de la SAAQ au sein du cabinet du ministre Bonnardel de 2019 à 2022.
À l'été 2020, M. Généreux est informé que la livraison de la plateforme SAAQclic sera reportée en raison de la pandémie. La direction de la SAAQ maintenait alors que le contrat avec le consortium se chiffrerait toujours à 458 millions $.
Toutefois, des «incidences financières» étaient à prévoir pour la société d'État, indique M. Généreux, qui ignorait à ce moment-là l'ampleur de cet impact sur le budget.
Au début de 2021, le conseiller politique apprend pour la première fois, d'un membre de la direction de la SAAQ, que la portée totale du projet tournera autour de 620 ou 630 millions $. Cela inclut le contrat et les coûts des ressources internes de la SAAQ.
En février de la même année, lors d'une rencontre entre le ministre Bonnardel et la PDG de la SAAQ de l'époque, Nathalie Tremblay, il en ressort que le montant est plutôt de 682 millions $. Il est également révélé que la marge bénéficiaire du projet serait de 10 millions $.
«Tout de suite, le ministre a dit à la rencontre: ‘‘là, Nathalie, c'est important que j'aie un tableau. Je veux suivre ça sur la coche’’», a relaté M. Généreux au commissaire Denis Gallant.
«Et tantôt, quand on parlait de suspicion et de doute, moi, ma lumière, elle a fait ‘‘ON’’», a poursuivi le conseiller politique, qui travaille toujours auprès de M. Bonnardel, désormais ministre de la Sécurité publique.
Rappelons que le fiasco SAAQclic devrait coûter au moins 1,1 milliard $, soit 500 millions $ de plus que prévu, selon le Vérificateur général.
M. Généreux a dit commencer à poser plus souvent des questions sur l'évolution du projet nommé CASA (Carrefour des services d'affaires). Il a par ailleurs constaté que le Conseil du trésor semblait avoir la mauvaise information sur le coût réel du virage numérique.
En septembre 2021, il prend l'initiative d'organiser une rencontre entre le ministre Bonnardel, les dirigeants de la SAAQ et des responsables de la transformation du numérique au gouvernement afin de s'assurer que tout le monde soit sur la même longueur d'onde.
Un tableau sur l'évolution du projet et détaillant les coûts qui s'élèvent à 682 millions $ est présenté.
À l'époque, ces chiffres n'ont toutefois pas été communiqués aux élus siégeant à la Commission de l'administration publique de l'Assemblée nationale.
Questionné à ce sujet par le commissaire Denis Gallant, M. Généreux a expliqué que l'entente entre la SAAQ et le Conseil du trésor prévoyait seulement une reddition de comptes sur le contrat de 458 millions $ et non sur les coûts engagés à l'interne par la société.
Un «picosseux»
Tout au long de son témoignage, M. Généreux s'est présenté comme un «picosseux» et un «perspicace» qui pose des questions.
Interrogé par le procureur en chef de la commission, Simon Tremblay, il a toutefois dû se défendre de ne pas avoir suffisamment talonné la direction de la SAAQ sur sa capacité à livrer la dernière phase du projet CASA.
«On a l'information qui nous est transmise qu'on est encore ‘‘up and running’’ par la présidente et chef de la direction devant le Trésor. Il faut se fier aussi à nos organismes. On ne peut pas s'ingérer. Est-ce qu'on pourrait poser plus de questions? C'est sûr», a-t-il soutenu.
M. Généreux a également été questionné sur des propos tenus par l'ancien PDG de la SAAQ, Denis Marsolais, lors de son témoignage en juin dernier. M. Marsolais a dit avoir pris à part M. Généreux à la fin d'une réunion, en juin 2022, pour l'informer qu'il y aura un dépassement de coûts de 222 millions $ au projet.
Le conseiller politique a affirmé en commission, mardi, ne pas avoir de souvenir de ce moment, assurant qu'il aurait posé des questions s'il avait été mis au courant d'un tel extra.
Il s'est cependant rappelé du «napperon» présenté au cours de la réunion qui montre un indicateur au jaune concernant une stratégie contractuelle «en cours de validation afin de compléter les travaux, et ce, sans impact sur le budget du projet de 682 M$».
M. Généreux doit être contre-interrogé mercredi matin.
