Le ministre caquiste François Bonnardel a martelé avoir eu des informations incomplètes et erronées à propos des coûts du projet informatique de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ).
M. Bonnardel, qui a été ministre des Transports de 2018 à 2022, a livré sa version attendue des faits entourant le fiasco SAAQclic, jeudi après-midi à la commission Gallant, qui enquête sur le virage numérique raté de la SAAQ.
«Mon indice de bullshit est assez fort. Et je me rends compte aujourd'hui que quelques personnes ont réussi, de façon honteuse, à donner des informations inadéquates pour qu'on ne soit pas capable de voir le portrait réel de la situation», a-t-il déclaré en fin de témoignage.
Il a reproché à la société d'État de ne pas lui avoir fourni le vrai portrait financier du virage numérique au moment de son entrée en poste comme ministre en novembre 2018.
Il a dit être parti avec «un document erroné dès décembre 2020» sur l'état du projet, et ce, jusqu'à la fin de son mandat. Les chiffres qui lui sont remis excluent les coûts d'exploitation, a soutenu celui qui est désormais ministre de la Sécurité publique.
En février 2021, il apprend que la facture totale du projet s'élèvera à 682 millions $, plutôt que 458 millions $. Le ministre affirme exiger alors de la PDG de la SAAQ de l'époque, Nathalie Tremblay, d'avoir des suivis plus réguliers sur l'évolution de la modernisation technologique.
À un peu plus d'un an du déploiement de la plateforme SAAQclic, en septembre 2021, une réunion est organisée entre la SAAQ, M. Bonnardel ainsi que des membres de son cabinet, du Conseil du trésor et du cabinet de l'ex-ministre à la transformation numérique, Éric Caire.
En préparation de la rencontre, un conseiller politique de M. Bonnardel élabore un document dans lequel il est indiqué que le cabinet du ministre a «des doutes sur l'explosion des coûts pour le projet» informatique de la SAAQ, nommé CASA (Carrefour des services d'affaires).
M. Bonnardel a dit sortir de cette rencontre somme toute «rassuré», mais «reste sur ses gardes» alors que la marge de manœuvre financière «n'est pas grosse».
«Je n'ai pas la tête tranquille, mais je pars avec le fait que ça va à ce moment précis», a relaté le ministre.
M. Bonnardel a également soutenu n'avoir jamais été avisé en 2022 d'un extra à venir de 222 millions $. Il a reproché à la SAAQ d'avoir fourni à son conseiller politique Alain Généreux, un document sur l'état du projet ne faisant aucune mention d'un dépassement de coût dont la société d'État était au courant en juin 2022.
Le témoignage de M. Bonnardel a fait suite au passage cette semaine d'employés politiques qui ont formé son cabinet à l'époque où il tenait les rênes du ministère des Transports.
Ces derniers jours, d'ex-conseillers politiques et directeurs de cabinet ont été interrogés sur ce qu'ils savaient et sur leurs actions dans le dossier de la modernisation technologique de la SAAQ.
La ministre actuelle des Transports, Geneviève Guilbault, devrait à son tour témoigner vendredi.
Sentiment «d'avoir été trompé»
Jeudi matin, un ancien directeur de cabinet du ministre Bonnardel, Sébastien Lépine, a témoigné de sa surprise quand il a pris connaissance du rapport du Vérificateur général du Québec (VGQ) en février dernier.
Ce dernier fait état que CASA devrait coûter au moins 1,1 milliard $, soit 500 millions $ de plus que prévu.
Le VGQ expose que le coût du projet avait bondi en septembre 2020 à la suite d'une replanification. La facture avait augmenté de plus de 300 millions $, passant de 638 millions à 945 millions $.
«Les deux bras me sont tombés», a dit à la commission M. Lépine, qui était directeur de cabinet de Mme Guilbault l'hiver dernier.
Il venait d'être interrogé sur un échange de messages textes avec deux responsables au cabinet du premier ministre François Legault, suivant la publication du rapport.
M. Lépine écrit dans l'un des textos: «Je relis le rapport de la VGQ sur la replanification de 2020. Si on se terre derrière l'explication de la VG, on a besoin d'être solide sur le fait qu'on n'a jamais eu écho au cabinet du fling flang que la SAAQ a fait pour cacher le 300 M$».
«Est-ce que ça veut dire qu'on avait des doutes? Qu'on avait des soupçons? Qu'on aurait dû plus gratter? Ou totalement, on nous a laissés dans l'ignorance et ça n'a jamais monté?», a demandé le commissaire Denis Gallant.
«C'est vraiment ça. (...) Ce n'est jamais des hauteurs de chiffres qu'on a vues, a répondu M. Lépine. C'est en complète contradiction avec ce que Mme Tremblay (l'ancienne PDG de la SAAQ) nous a toujours dit. On n'a jamais vu quelque chose comme ça. Ce n'est jamais monté à notre niveau.»
Il a expliqué le contexte derrière son texto. Le gouvernement est alors en gestion de crise.
«On le sait qu'on n'a jamais vu un dépassement de 300 millions $ dans ce dossier-là pendant qu'on est là, mais on n'a rien. On n'a pas de document. C'est pour ça que je dis qu'il va falloir être solide dans notre mémoire», a défendu M. Lépine.
En conclusion de son témoignage, M. Lépine a dit avoir eu le sentiment «d'avoir été trompé, de ne pas avoir eu l'Information complète», lorsqu'il a lu les constats du VGQ.

