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Miller se dit blessé par la sortie de Legault, jugeant avoir fait ses preuves

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Le ministre de l'Identité canadienne et de la Culture, aussi responsable des Langues officielles, Marc Miller, parlant à des journalistes avant une réunion du cabinet sur la colline parlementaire, mardi. LA PRESSE CANADIENNE/Spencer Colby Le ministre de l'Identité canadienne et de la Culture, aussi responsable des Langues officielles, Marc Miller, parlant à des journalistes avant une réunion du cabinet sur la colline parlementaire, mardi. LA PRESSE CANADIENNE (Spencer Colby)

OTTAWA — Le nouveau ministre responsable des Langues officielles dans le gouvernement de Mark Carney, Marc Miller, se dit blessé par les commentaires du premier ministre du Québec, François Legault, qui l'a accusé d'être «une honte» et de répandre «des conneries».

«Ça me blesse», a dit mercredi celui qui vient d'effectuer un retour au conseil des ministres en remplacement de Steven Guilbeault, qui a claqué la porte du cabinet.

M. Miller juge surprenant la sortie de M. Legault après qu'il eut exprimé des bémols concernant la discussion au sujet du déclin du français au Québec.

«C’est bizarre en plus parce que j’ai fait partie d’un gouvernement qui a reconnu le déclin du français partout au Canada, incluant au Québec, et a modifié la Loi sur les langues officielles en conséquence», a-t-il dit en se rendant à la réunion hebdomadaire du caucus libéral, à Ottawa.

Celui qui a aussi succédé à M. Guilbeault en tant que ministre de la Culture et de l'Identité canadienne a par ailleurs vanté des investissements «de 4,1 millions $» prévus dans le budget 2025. Il voulait plutôt dire 4,1 milliards $, tel qu'indiqué dans le document, ont plus tard précisé les libéraux, mentionnant que M. Miller n'avait pas fait cette erreur en s'exprimant sur le sujet la veille.

«Je pense que c’est beau de parler, mais, tsé, j’ai fait mes preuves, puis ce sont des preuves qui parlent d’elles-mêmes», a ajouté le ministre avant de soutenir qu'il ne souhaitait pas «personnaliser le débat».

«Dans mon rôle précédent comme ministre de l’Immigration, j’ai doublé l’immigration francophone au Canada et j’ai envoyé 800 millions $ au Québec justement pour la francisation», a dit M. Miller.

La veille, le ministre avait maintenu des nuances qu'il avait tenu à exprimer dès 2023 quant au déclin du français au Québec. «Ce que je refuse, c'est ce catéchisme que veulent certains partis politiques pour dire que le français est en recul total», avait-il déclaré.

Il a fait valoir que «la réalité, dans tout ça, c'est qu'il y a de bonnes nouvelles, notamment les nouvelles depuis plusieurs décennies grâce à la loi 101» et «grâce à l'entente Canada-Québec» qui a conféré plusieurs pouvoirs à la province en matière d'immigration, entre autres pour prioriser les nouveaux arrivants francophones.

«Le français, je vais le répéter, est immensément fragile en Amérique du Nord, et il faut le protéger», a ajouté M. Miller.

Appelé à préciser à quel niveau il reconnaît le déclin du français, le ministre a répondu que cela est le cas pour la «langue parlée à la maison» et, «de façon statistique, au travail».

«Il faut faire un effort supplémentaire», a-t-il tranché.

M. Miller a montré des signes d'exaspération quant à «la politisation de l'enjeu». «Je pense que c'est utilisé pour des raisons identitaires, et je pense que, comme Québécois, je suis assez tanné de ce débat qui est généralement assez identitaire», a dit l'élu de Ville-Marie—Le Sud-Ouest—Île-des-Soeurs.

Ce sont ces commentaires de M. Miller qui ont fait sortir M. Legault de ses gonds.

«Marc Miller, c'est une honte pour tous les Québécois, a-t-il tonné mardi en se rendant à la période des questions. Je ne sais pas comment il va faire pour se présenter dans une activité culturelle au Québec après avoir dit des conneries comme ça.»

Mercredi, pratiquement en même temps que M. Miller revenait sur l'épisode à Ottawa, M. Legault a persisté et signé depuis Québec. «Je répète ce que j’ai dit hier. Ça n’a pas de bon sens qu’un ministre fédéral vienne se moquer du déclin du français à Montréal en disant qu’il est tanné d’entendre parler de ça.»

Quant à M. Guilbeault, il a déclaré être «un fan de Marc Miller».

«C’est un ami. Je trouve que c’est un excellent ministre. On a qu’à regarder les ministères où il est passé, notamment Services aux Autochtones. C’est assez rare dans l’histoire qu’on a vu les groupes autochtones s’attrister du départ d’un ministre et de saluer son travail. Alors moi j’ai entièrement confiance en M. Miller», a-t-il dit en se rendant à la réunion hebdomadaire du caucus libéral pour la première fois depuis sa démission comme ministre.

Le secrétaire parlementaire Carlos Leitão, ancien ministre provincial, a qualifié les propos de M. Legault de «complètement déplacés».

Le leader parlementaire des libéraux, Steven MacKinnon, a été moins loin, soutenant que le premier ministre du Québec «a parfois des opinions intéressantes».

Son point de vue semble rejoindre celui du leader parlementaire du Parti libéral du Québec, André Fortin. «Je connais aussi un premier ministre, ici là, qui a parlé de la louisianisation potentielle du Québec et qui refuse d’offrir une quelconque aide (suffisante) aux nouveaux arrivants pour apprendre la langue française. Ça, ça c’est une honte», a-t-il lancé en point de presse.

M. Fortin reproche aussi à M. Legault de citer une «donnée absolument aberrante», entre autres quand il critique M. Miller.

Le premier ministre a soutenu mardi que «de 2022 à 2024, le pourcentage de francophones à Montréal est passé de 48 % à 43 %».

«Il nous dit qu'il y a 43 % des gens à Montréal qui ne parlent que français à la maison, a déploré mercredi M. Fortin. Là, quand il fait ça, il dit aux gens qui parlent français et anglais à la maison, à ceux qui parlent français, portugais et espagnol, à ceux qui veulent apprendre leur langue maternelle à leurs enfants qu’ils sont un problème au Québec. Dans quel monde ces gens-là sont un problème?»

En 2023, M. Miller avait aussi déploré le recours à certains indicateurs statistiques aux dépens d'autres. Il s'était montré agacé de l'utilisation «à outrance», par le Bloc québécois, des données relatives à la langue maternelle. Selon lui, cela laisse entendre que ceux qui ont appris le français plus tard dans leur vie seraient moins Québécois que les autres.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, s'est, de son côté, dit «vraiment heurté par le comportement de certaines personnes», après avoir vertement critiqué, la veille, des représentants de plusieurs associations culturelles parce qu'ils ont salué la nomination de M. Miller.

- Avec des informations de Caroline Plante et de Thomas Laberge, à Québec

Émilie Bergeron, La Presse Canadienne

Émilie Bergeron

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Journaliste