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«Accusation grave et infondée»: un entrepreneur québécois perd des milliers de dollars après la suspension inopinée de son compte Meta

«C’est ma principale vitrine pour acquérir des clients.»

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Stéphane Bouffard. Stéphane Bouffard. (Courtoisie)

Depuis juillet dernier, plusieurs utilisateurs de Meta, qui opère Instagram et Facebook, ont signalé que leurs comptes avaient été suspendus ou carrément fermés par erreur pour non-respect des normes communautaires. C’est le cas d’un entrepreneur québécois qui a perdu des milliers de dollars à la suite de cette décision du géant américain.

Stéphan Bouffard, coach et fondateur de Préparation Physique SB Performance basé sur la rive sud de Québec est présent sur Instagram depuis 2016. Il se spécialise dans la préparation physique d’athlètes récréatifs.

Stéphan Bouffard Capture d'écran de la page Instagram de Stéphan Bouffard avant sa fermeture forcée par Meta en septembre dernier. (Stéphan Bouffard)

Le 13 septembre dernier, il a reçu un courriel de Meta pour l’aviser que son compte professionnel, existant sous le nom de @stephan_bouffard, avait été suspendu définitivement.

Le motif de la fermeture a fait sursauter le principal intéressé.

Stéphan Bouffard Capture d'écran de l'avis de Meta reçu en septembre dernier par Stéphan Bouffard concernant le non-respect des Standards de la communauté sur Instagram. (Stéphan Bouffard)

«Votre compte, ou l’activité enregistrée dessus, ne respecte pas nos Standards de la communauté sur l’exploitation sexuelle des enfants, la maltraitance infantile et la nudité juvénile», lui a-t-on donné comme explication.

«C'est une accusation grave et infondée, sans preuve, sans avertissement et sans droit d’appel.»
- Stéphan Bouffard concernant les motifs de fermeture de son compte Instagram

M. Bouffard est formel, rien sur sa page ne s’apparente de près ou de loin aux accusations déposées par Meta. «Mon contenu porte exclusivement sur la préparation physique, la santé et la performance sportive», a-t-il insisté.

Des impacts importants

Bien que son entreprise n'est pas en danger, Stéphan Bouffard estime quand même avoir perdu gros à la suite de la décision de Meta de fermer son compte Instagram.

«C’était ma principale vitrine pour acquérir des clients […], le contact est rapide et immédiat. Même si je mettais des énergies ailleurs, j’ai perdu ma plus grosse vitrine», a-t-il déploré.

Au fil des ans, Stéphan Bouffard avait réussi à bâtir une communauté de presque 5500 abonnés, non seulement au Québec, mais aussi dans le reste du Canada et en Europe.

«La fermeture de Meta est arrivée tout juste après le lancement d’une cohorte. En termes de revenu immédiat, j’ai perdu au moins 20 000$, et ça, c’est sans compter les efforts pour rebâtir ce genre de visibilité, ce genre de communauté, et c’est sans compter l’argent investi dans la publicité», a-t-il expliqué.

Aucun soutien humain

L’entrepreneur québécois a bien tenté de faire prévaloir son point de vue auprès de Meta, mais sans succès.

À la demande du géant du web, M. Bouffard a rempli un document pour soutenir une demande d’appel de la décision de Meta de fermer son compte. Le tout semblait être piloté par l’intelligence artificielle (IA).

«Quelques heures plus tard, un avis me disait que mon compte était désactivé de façon définitive et sans possibilité d’appel», a-t-il confié.

Il a ensuite réussi à quelques reprises à clavarder avec un représentant de Meta, mais encore une fois, l’issue de ces échanges n’a pas été positive. «Par moments, j’avais bien l’impression de recevoir des réponses automatisées. Ils me disaient qu’ils ne pouvaient rien faire, que Instagram n’avait plus aucun support d’aide», a déploré M. Bouffard.

Stéphan Bouffard Capture d'écran montrant une séance de clavardage entre Meta et Stéphan Bouffard concernant la fermeture de son compte Instagram. (Stéphan Bouffard)

Une fois, il a pu parler avec quelqu’un par téléphone. Il s’est toutefois fait dire que les informations liées à son dossier et à la décision de fermer son compte étaient confidentielles.

Qu'est-ce qui se passe avec Meta?

Dans l’industrie du Web et des réseaux sociaux, la plupart des gens interrogés par Noovo Info ignorent pourquoi des comptes sont fermés par Meta alors que rien ne semble justifier cette décision.

«C’est une boîte noire. On l’a vu avec des comptes TikTok notamment, dont un compte client qui a été complètement fermé, banni. Nous avons fait des analyses et il n’y a aucune raison, aucune réponse», a notamment partagé à Noovo Info Julie Thériault, cheffe stratégie et services-conseils à l’agence Reptile, basée à Brossard.

M. Bouffard n’est pas la seule «victime» des stratégies de Meta alors que plusieurs entrepreneurs du Québec ont vécu la même situation ou similaire. Ce fut le cas notamment de la Lavalloise Felicia Chalikias en août dernier ainsi que de Chase Flahr et Paige Bel en juin dernier.

L'analyste technologique Ritesh Kotak affirmait alors en entrevue avec CTV News qu'il s'agissait d'un «problème mondial» pour les comptes personnels et professionnels, «qui ne fait qu'empirer à mesure que de nouveaux contenus sont publiés».

Selon M. Kotak, Meta utilise un système de surveillance de contenu basé sur l'intelligence artificielle (IA) qui analyse le texte, l'audio et la vidéo afin de déterminer si une publication ou un compte enfreint les normes communautaires de l'entreprise. Si l'IA détecte une violation potentielle, le système signale le contenu afin qu'il soit supprimé ou examiné par un humain, expliquait M. Kotak.

«La modération de contenu par l'IA n'est pas parfaite», avait-il soutenu.

Le géant américain n’a jamais répondu aux demandes de Noovo Info.

Misez sur la diversification

La mésaventure de M. Bouffard lui faire dire que les entrepreneurs du Québec doivent être sensibilisés au fait que les géants du web ont beaucoup de pouvoir entre leurs mains.

Un concept partagé par Julie Thériault.

«Comme on le sait, Meta on n’en est pas propriétaire, quand on fait le choix de s’ouvrir une page Facebook ou Instagram – je vais même nommer les autres plateformes, LinkedIn et TikTok dans l’ensemble –, ce sont des pages qui ne nous appartiennent pas : à la fin on signe pour dire que ce contenu n’est pas à nous», a-t-elle expliqué à Noovo Info.

La première étape, selon Mme Thériault, est donc ne pas travailler qu’avec ce type de plateforme.

«C’est super important de ne pas être 100% dépendant d’une plateforme, quelle qu’elle soit.»
- Julie Thériault, cheffe stratégie et services-conseils à l’agence Reptile

«Avec nos clients, on essaie toujours de leur assurer un écosystème et ce n’est pas obligé d’être un écosystème qui coûte des millions de dollars, on peut avoir des actions concrètes sur différentes plateformes», a-t-elle souligné.

Et contrairement à ce que plusieurs peuvent penser, la création d’un site web n’est pas chose du passé en 2025. Si les gens souhaitent des stratégies de réseaux sociaux, Julie Thériault estime qu’il ne faut pas négliger «sa propre maison».

«C’est important d’avoir sa maison, c’est-à-dire d’avoir peut-être une page qui met de l’avant tes services, qui met de l’avant qui tu es en tant qu’entrepreneur, d’avoir une présence en ligne», a-t-elle partagé.

Gracieuseté Julie Thériault, cheffe stratégie et services-conseils à l’agence Reptile. (Gracieuseté)

Mme Thériault conseille également aux entrepreneurs d’avoir une base de données à eux pour contacter leurs clients, comme une infolettre. «C’est à toi. C’est toi qui as travaillé fort pour créer des bases de clientèle», a-t-elle insisté.

Mme Thériault estime aussi qu’il est important pour les entrepreneurs de se former, s’outiller et bien s’organiser face aux réseaux sociaux. «Il ne suffit pas d’ouvrir une page […]. On se retrouve souvent avec des plateformes qui ont des supports extrêmement difficiles d’accès. Les informations retrouvées sont souvent fragmentées, même floues», a-t-elle expliqué.

Des utilisateurs des plateformes de Meta ont lancé des pétitions en ligne (notamment sur change.org) pour dénoncer la fermeture de comptes «à tort» et pour réclamer la restauration des comptes fermés, l’amélioration des pratiques de Meta en matière d’intelligence artificielle ainsi que l’implantation d’une «véritable assistance».