La popularité des plateformes chinoises à bas prix Shein et Temu complique la revente de vêtements d’occasion, s’inquiète le PDG de Renaissance, Éric St-Arnaud.
«(Les vêtements) de Shein et Temu, la majorité, on ne peut pas les revendre parce que la qualité n’est pas là», tranche M. St-Arnaud en entrevue en marge du dévoilement de son nouveau «centre d’impact» dans l’est de l’île de Montréal.
Pour les rares articles qui sont suffisamment en bon état pour être passés au suivant, Renaissance peut difficilement les revendre sans pertes.
Renaissance est un organisme sans but lucratif. Elle réinvestit ses profits dans ses activités et ses initiatives de réinsertion sociale. Elle doit tout de même être rentable pour assurer sa pérennité, explique son patron.
«Les prix, on essaie d'être en bas du privé, ajoute-t-il. On est sans taxes, mais si on vendait (en voulant être moins cher que les) prix de Shein et Temu en usagé, on serait à perte là.»
En plus d’augmenter la quantité de vêtements qui se retrouvent dans les sites d’enfouissement, les deux plateformes font du «dumping» et mènent une concurrence déloyale aux commerces québécois, accuse M. St-Arnaud. «Ça pourrait faire disparaître beaucoup de commerces québécois», prévient-il.
Contactées la veille, Temu et Shein n’avaient pas réagi aux commentaires de M. St-Arnaud, en fin d’après-midi jeudi.
Il encourage les consommateurs à favoriser les détaillants québécois ou canadiens, qui paient des impôts et contribuent à créer un écosystème au pays. Il donne même l’exemple du Dollarama, dont le siège social est à Montréal, comme une solution de rechange pour ceux qui cherchent des articles à bas prix.
«Je sais bien que ce sont des produits chinois qu’ils vendent chez Dollarama, mais on pourrait au moins aller dans l’entreprise québécoise», souligne le dirigeant, qui encourage tout de même les consommateurs à favoriser les produits de seconde main lorsque possible.
M. St-Arnaud, qui vient d’une «famille ouvrière», se défend de juger l’attrait des consommateurs pour les deux plateformes chinoises. Il croit toutefois que certains choix, comme l’achat de biens d'occasion ou de biens plus durables, sont plus avantageux à long terme, tant pour le portefeuille que pour l’environnement.
Les deux plateformes compliquent également les efforts de recyclage des tissus des vêtements qui ne peuvent plus être portés.
Le nouveau centre d’impact dans l’est de l’île, inauguré jeudi, accueillera d’ailleurs un projet de recherche et développement en matière de recyclage du textile en collaboration avec Vestechpro, un OBNL affilié au Cégep Marie-Victorin.
Il s’agit d’un défi technique et économique, particulièrement pour les fibres synthétiques. Or, la composition des vêtements vendus sur Shein et Temu complique la recherche de nouvelles avancées, selon M. St-Arnaud.
«Il arrive avec une mixité dans le produit qui n'existait pas avant et qui change plus rapidement qu'avant, explique le dirigeant. Donc, il faut recommencer des recherches à zéro à cause de ces types de produits là.»
Un plan de croissance
Si Renaissance n’est pas une entreprise privée motivée par la quête de profit, son patron ne nourrit pas moins des ambitions de croissance pour l’organisme sans but lucratif.
Il y a deux ans, Renaissance a donné une seconde vie à près de 25 000 tonnes de biens, qui ont évité les sites d’enfouissement. «On est autour de 30 000 tonnes, et on se dirige sur 50 000 tonnes en 2030», répond M. St-Arnaud.
Le nouveau centre d’impact est un autre projet phare de l’organisme. Le projet de 47 millions $ a été financé en grande partie de manière autonome, notamment avec un prêt de la Caisse d’économie solidaire de Desjardins.
«On est dans les délais et dans les coûts, assure le PDG. On est exactement où l’on voulait être.»
L’établissement de 160 000 pieds carrés accueillera bien plus qu’un magasin. Les clients pourront visiter le magasin Renaissance Kilo, qui permet d’acheter au poids, soit moins cher, les biens qui n’ont pas pu être vendus dans les magasins de Renaissance.
Fidèle à sa mission de réinsertion sociale, l’organisme comptera également un centre d’accompagnement à l’emploi.
Renaissance veut aussi ouvrir de nouveaux magasins. D’ici 2030, M. St-Arnaud souhaite avoir un grand magasin dans les dix villes québécoises de plus de 100 000 habitants. «On est dans sept villes», répond-il.
Il donne Gatineau en exemple où l’organisme a de petites boutiques, mais pas de grands magasins. «Trois-Rivières, on n'est pas installés, Drummondville non plus, mais très prochainement, on voudrait être à Trois-Rivières.»
Il évoque aussi la construction d’un autre centre d’impact, «un petit peu plus petit» dans l’est du Québec.

