L'animateur Jimmy Kimmel doit faire son retour à la télévision, mardi soir, après une suspension de près d'une semaine qui a déclenché un débat national sur la liberté d'expression et la capacité du président Donald Trump à contrôler les propos des journalistes, des commentateurs et même des humoristes.
Le réseau ABC, qui avait suspendu l'émission de Kimmel mercredi dernier après qu'il eut formulé des propos critiqués sur l'assassinat du militant conservateur Charlie Kirk, a annoncé lundi que Jimmy Kimmel Live! reviendrait après des «conversations approfondies» avec l'animateur.
On ignore encore combien de chaînes affiliées à ABC la diffuseront. Nexstar et Sinclair, deux sociétés qui contrôlent collectivement environ le quart des chaînes affiliées à ABC, ont dénoncé Kimmel la semaine dernière. Sinclair a déclaré que ses stations ne diffuseraient pas Kimmel, mardi, tandis que Nexstar ne s'est pas encore prononcée.
Il devrait être possible de visionner l'émission qui sera diffusée à 23h35 sur ABC ou via la plateforme de diffusion Hulu, notamment.
«Notre long cauchemar national de fin de soirée est terminé», a plaisanté Stephen Colbert lundi soir dans son émission sur CBS, en réponse au rétablissement de Kimmel.
ABC avait suspendu Kimmel indéfiniment en lien avec des propos tenus dans un monologue la semaine dernière. Kimmel a suggéré que de nombreux partisans de M. Trump cherchaient à exploiter la mort de Charlie Kirk et «tentaient désespérément de présenter le jeune qui a assassiné Charlie Kirk comme autre chose que l'un des leurs».
Jimmy Kimmel n'a pas réagi publiquement depuis sa suspension. Quelques heures avant son émission mardi, il a publié sur Instagram une photo de lui avec le producteur Norman Lear, mort en 2023, qui était connu pour sa défense de la liberté d'expression.
«Ce gars me manque aujourd'hui», a-t-il écrit.
Une décision controversée
La semaine dernière, Brendan Carr, le président de la Commission fédérale des communications (FCC) nommé par le président Trump, a déclaré que Kimmel semblait vouloir «tromper directement le public américain» par ses propos sur Tyler Robinson, l'homme de 22 ans originaire de l'Utah accusé du meurtre de Charlie Kirk, et ses motivations qui restent floues. Les autorités affirment que Robinson a grandi dans une famille conservatrice, mais sa mère a déclaré aux enquêteurs que son fils avait pris un virage à gauche politique l'année dernière.
«On peut faire les choses facilement ou à la dure, a lancé M. Carr avant la suspension de l'émission. Ces entreprises peuvent trouver des moyens de changer de comportement, de prendre des mesures, franchement, contre Kimmel, sinon la FCC aura du travail supplémentaire à faire.»
Ces propos ont déclenché une vive réaction, le sénateur républicain Ted Cruz reprochant à M. Carr d'agir comme un «membre de la mafia». Des centaines de personnalités du milieu artistique, dont Tom Hanks, Barbra Streisand et Jennifer Aniston, ont signé une lettre diffusée par l'Union américaine pour les libertés civiles (American Civil Liberties Union) qualifiant la décision d'ABC de «sombre moment pour la liberté d'expression dans notre pays».
Certains consommateurs ont sanctionné Disney, la maison mère d'ABC, en annulant leurs abonnements à ses services de diffusion en continu.
Donald Trump avait salué la suspension de Jimmy Kimmel, affirmant même à tort que l'émission avait été annulée. Kimmel a critiqué M. Trump sans relâche dans ses monologues.
L'administration Trump a eu recours aux menaces, aux poursuites judiciaires et à la pression du gouvernement fédéral pour tenter d'exercer un contrôle accru sur l'industrie des médias. M. Trump a poursuivi ABC et CBS pour leur couverture médiatique, et les deux entreprises ont conclu un accord. Le président a également intenté des poursuites en diffamation contre le Wall Street Journal et le New York Times, et a exhorté avec succès le Congrès à supprimer le financement fédéral de NPR et de PBS.
La manière dont Kimmel abordera la controverse lors de sa première émission, voire sa capacité à le faire, reste un mystère. Des millions de téléspectateurs pourraient être à l'écoute.
Une «erreur» selon Turning Point USA
Les dirigeants de Disney et d'ABC auraient négocié le retour pendant plusieurs jours avant d'annoncer la résolution. Le communiqué d'ABC indiquait que la suspension était due au fait que certains commentaires de Kimmel étaient «inopportuns et donc insensibles», mais ne les qualifiait pas de trompeurs.
Andrew Kolvet, porte-parole de Turning Point USA, l'organisation fondée par Kirk et aujourd'hui dirigée par sa veuve, a déclaré sur X: «Le fait que Disney et ABC cèdent et autorisent Kimmel à revenir à l'antenne n'est pas surprenant, mais c'est leur erreur.»
Cette suspension intervient à un moment où le paysage des talk-shows de fin de soirée est en pleine mutation. Les émissions perdent des téléspectateurs, notamment parce que beaucoup regardent les extraits le lendemain en ligne. CBS a annoncé l'annulation de l'émission de Colbert au cours de l'été. Le contrat de Kimmel avec ABC serait en vigueur jusqu'en mai.