Alors que les opérations chez Air Canada sont toujours perturbées par une grève des agents de bord qui s’est terminée par une ordonnance de retour au travail et d’un arbitrage exécutoire par le gouvernement fédéral, plusieurs passagers ont eu du mal à retourner au pays alors qu’ils se trouvaient à l’étranger. Certains ont par ailleurs dû dépenser une grande somme pour retourner à la maison.
C’est le cas de Nir Guzinski, un acteur qui vit à Montréal. Il se trouvait à Rome lorsque la grève a été déclenchée et a vu son vol se faire annuler par Air Canada vendredi alors que la compagnie aérienne procédait à l’annulation de plusieurs de ses vols en prévision de la grève. Son vol était supposé décoller samedi.
Quelques heures après l’annulation, il a reçu un courriel lui affirmant qu’aucun vol de remplacement avait été trouvé et qu’il avait deux options : obtenir un remboursement ou replanifier le vol à une date ultérieure.
Dans une conversation avec Noovo Info, M. Guzinski a indiqué avoir tenté de contacter le service à la clientèle d’Air Canada mais qu’en raison d’un fort volume d’appels, il n’a pas pu parler à un agent.
«Je suis allé à l’aéroport vendredi, un jour avant mon vol aux alentours de 15h30 mais, j’ai manqué les employés d’Air Canada de 30 minutes et il n’y avait personne à qui je pouvais parler!»
Le Montréalais a aussi tenté de vérifier auprès d’autres compagnies aériennes membres tout comme Air Canada, de Star Alliance. On lui aurait répondu que seul la compagnie aérienne canadienne pouvait faire quelque chose. Il a également parlé à quelqu’un du comptoir d’information de l’aéroport qui lui-même, a appelé un superviseur d’Air Canada. Celui-ci aurait alors dit qu’il fallait que M. Guzinski contacte la compagnie aérienne. On lui a aussi donné l’option de revenir le lendemain au kiosque de la compagnie.
De retour au AirBnb qu’il avait loué, l’acteur a alors effectué des recherches pour retourner à Montréal avant lundi. Les prix des vols directs qu’il a trouvés s’élevaient de 4000$ à 8000$. Il a finalement choisi un vol d'un transporteur italien qui partait de Rome et qui allait vers l’aéroport JFK de New York avec une correspondance à Miami. Il prendra par la suite un vol de la compagnie Porter vers Montréal à partir de l’aéroport de Newyark. Il affirme que le tout lui a coûté 2000 $. Au moment d’écrire ces lignes, M. Guzinski se trouvait à Miami et venait de finaliser son premier vol d’une durée de onze heures à partir de Rome.
«Je n’ai toujours pas été capable de joindre quelqu’un chez Air Canada», a déploré l’homme. Il se demande s’il pourra réclamer les dépenses qu’il a dû faire. Il affirme avoir vu plusieurs informations et trouve cela «frustrant» de ne pas avoir de réponses claires.
«Comment pouvons-nous récupérer notre argent et qu'est-ce qu'on peut réclamer?», s'est-il demandé.
Plusieurs dans le même bateau
Le cas de Nir Guzinski n’est pas unique. Noovo Info a également reçu par courriel, deux témoignages qui racontent une situation similaire.
Alex, un cégépien montréalais, a écrit à Noovo Info disant qu'il était supposé prendre un vol pour Montréal le dimanche 17 août à partir de Londres. Toutefois, pour le jeune homme, la situation est frustrante car selon lui, il a appris l'annulation de son vol «trop tard». Selon ses dires, il attendait en file pour pouvoir réserver un billet sur un autre vol mais on lui aurait dit que son vol initial n'était pas annulé.
«L'avion que nous devions prendre n'était même pas parti de Montréal donc aucune chance qu'il arrive à Londres. Donc évidemment, il a été annulé mais ils nous l'annoncent beaucoup trop tard.»
Plusieurs options s'offraient à lui mais toutes à des coûts élevés, a-t-il affirmé dans un échange de courriels. Les possibilités sont également très longues en termes de temps. Certaines engendrent également des coûts supplémentaires qui n'étaient pas prévues pour le voyage. Pour le moment, celui qui effectuera sa rentrée bientôt ne «sait pas quoi faire».
Zény Jr Domond affirme également avoir appris l'annulation de son vol tardivement. L'homme était initialement supposé de prendre un vol pour Toronto à partir de Nassau, aux Bahamas. Selon des captures d'écran transmises à Noovo Info, son vol n'était pas annulé initialement et l'application de la compagnie aérienne disait qu'il y avait un retard. Il s'est donc rendu à l'aéroport. Après deux heures, il a reçu un courriel lui annonçant l'annulation de son vol.
«Nous avons essayé en vain de parler avec quelqu'un. Aucune aide de la part d'Air Canada. En plus on reçoit des alertes de tempêtes qui n'aide pas la situation. Les prix ont explosé sur les sites de ventes de billets.»
Il devrait être de retour au Québec mercredi alors qu'il a réussi à trouver un vol comportant plusieurs escales auprès d'une autre compagnie. Il devrait partir lundi.
La compagnie aérienne canadienne avait initialement trouvé un vol de remplacement pour mardi dans le cas de M. Domond. Toutefois selon lui, cela le laissait à l'aéroport pendant deux jours et ce, sans hôtel. Il a donc décidé de prendre le vol de lundi pour ne «pas être pris dans la tempête». Au moment d'écrire ces lignes, l'ouragan Erin menaçait de se renforcer à l'approche des Bahamas.
CTV News a également parlé à des passagers touchés par cette grève et ont reçu plusieurs témoignages similaires.
Le média s'est par exemple entretenu avec un voyageur revenant de République tchèque. Il a déclaré avoir été informé de l'annulation de son vol, mais Air Canada n'a pas été en mesure de lui proposer une nouvelle réservation dans les 48 heures.
«Ils m'ont exhorté à accepter le remboursement ou à les appeler si mon voyage était flexible. J'ai essayé d'appeler, mais il est impossible de les joindre, alors je suis maintenant dans l'incertitude totale», a indiqué celui-ci.
À Montréal, une passagère a quant à elle affirmé auprès de CTV News Montreal, avoir dépensé 10 000 $ pour des billets en classe économique afin de faire revenir sa famille de quatre personnes dans la métropole alors qu'ils étaient à Dublin. Le montant ne prend pas en compte la nourriture et l'hôtel.
«Je veux qu'Air Canada assume l'entière responsabilité de cette situation. Je ne serais pas surpris qu'un recours collectif soit intenté.»
Une mère a également affirmé avoir dépensé 1400$ pour un vol permettant de faire revenir sa fille à Montréal alors qu'elle se trouvait à Vancouver. De plus, une escale à Toronto était nécessaire.
La Presse canadienne a également recueilli des témoignages de passagers en colère.
«Ils nous envoient ici et là. Ils nous disent d'appeler un numéro où personne ne répond. On me raccroche au nez. Ils nous disent de consulter le site web. Il n'y a tout simplement pas de vols et aucun moyen de rentrer à la maison», a raconté Tanya Baron, qui tentait de revenir à Saskatoon avec sa famille.
Noel Nemeth, qui espérait rentrer chez lui à Edmonton, a expliqué qu'il n'avait pas non plus obtenu de réponse sur la façon dont il rentrerait chez lui.
«La patience est une vertu, je suppose, a-t-il dit. Je dois juste attendre qu'on trouve une solution.»
Finalement, Sandra Caputi, qui revenait chez elle à Thunder Bay après un séjour de quelques semaines en Grèce, a eu plus de chance. Elle a pu obtenir un vol de Porter Airlines décollant de l'aéroport Billy-Bishop de Toronto.
«J'ai probablement demandé à une dizaine de personnes différentes avant d'obtenir la réponse que je voulais», a-t-elle indiqué.
Air Canada «ment», selon un expert
En entrevue avec Noovo Info, le président fondateur d'un organisme pour la protection des droits des passagers, a affirmé qu'Air Canada ment aux passagers lorsqu'il est question de remboursement ou de vols de remplacement. «Ils se livrent à des activités frauduleuses. Et je ne dis pas cela à la légère», a déclaré Gabor Lukacs de Droits des passagers.
«Air Canada a fait croire qu'il n'y avait pas de sièges disponibles alors qu'en réalité, il y en avait. Air Canada a essayé de convaincre les gens de prendre un remboursement en leur donnant de fausses informations,»
M. Lukacs conseille de ne pas accepter le remboursement offert par la compagnie aérienne. Dans un cas où un passager se fait répondre qu'il n'y a pas de vol disponible, il recommande de réserver un billet sur un autre vol par ses propres moyens. Si le remboursement est accepté, cela pourrait être utilisé comme une excuse de ne pas couvrir des coûts supplémentaires, selon lui.
Dans le cas de M. Guzinski, Gabor Lukács fait remarquer que la situation est différente puisque son vol effectuait son décollage dans un pays membre de l'Union européenne. Le site de son organisme fait remarquer que l'Union européenne protège davantage les passagers aériens que la législation canadienne. «Ce n'est pas au passager de chercher un vol de remplacement», selon M. Lukács
D'après le site internet de l'UE, «Si votre vol est annulé, vous avez droit à un remboursement, un réacheminement ou un vol retour. Vous avez également droit à une assistance à l'aéroport».
Au moment de la publication de cet article, Air Canada n’avait pas répondu à la demande de commentaires de Noovo Info. Toutefois, Dans un communiqué publié samedi, l'entreprise a exhorté les passagers à ne pas se rendre à l'aéroport à moins d'avoir déjà un billet confirmé sur une autre compagnie aérienne.
«Air Canada informera les clients dont le départ est imminent des vols supplémentaires annulés et des options qui s'offrent à eux», a indiqué la compagnie aérienne. «Pour les clients qui doivent voyager prochainement et dont les vols n'ont pas encore été annulés, Air Canada a mis en place une politique de bonne volonté leur permettant de modifier leur réservation ou d'obtenir un crédit pour un voyage futur.»
La compagnie aérienne dit également regretter sincèrement les répercussions de la grève sur ses clients.
- Avec des informations de CTV News et de La Presse canadienne

