Les libéraux fédéraux placent leurs espoirs d'accroître le parc de logements abordables du Canada sur Ana Bailão, ancienne conseillère municipale de Toronto.
Ana Bailão a passé 12 ans à l'hôtel de ville de Toronto à partir de 2010 et y a dirigé plusieurs initiatives de logement abordable.
En tant que présidente du comité de planification et de logement de la ville, elle a milité pour l'exclusion des frais d'aménagement plus élevés pour les projets intercalaires de quatre logements ou moins. Elle a également défendu un règlement autorisant les pavillons-jardins comme forme de densité douce sur les terrains existants de Toronto.
Elle a été adjointe de l'ancien maire John Tory pendant cinq ans, jusqu'en 2022, et s'est présentée à sa succession après sa démission l'année suivante, terminant avec 34 000 voix de moins que la mairesse actuelle, Olivia Chow.
Lorsque Mme Bailão a annoncé son intention de quitter la politique municipale, elle a été honorée par la Building Industry and Land Development Association pour ses «efforts inlassables pour relever les défis de l'offre de logements et de l'abordabilité» à Toronto.
«Elle était dans l'œil du cyclone à Toronto, et maintenant elle l'est à l'échelle nationale», a remarqué Jennifer Keesmaat, urbaniste en chef de Toronto de 2012 à 2017.
Mme Bailão a travaillé pour le promoteur Dream Unlimited en tant que responsable du logement abordable et des affaires publiques après avoir quitté le conseil municipal.
Selon Mme Keesmaat, l'expérience du logement dans les secteurs public et privé est un atout précieux pour la nouvelle PDG de Maisons Canada.
«C'est assez rare (…) et je ne serais pas surprise que ce soit l'une des raisons pour lesquelles elle a été choisie», a-t-elle mentionné.
Les libéraux ont annoncé la nomination de Mme Bailão dimanche à Ottawa et lancé la nouvelle agence, dotée d'un financement de 13 milliards $ et prévoyant de superviser la construction de 4000 logements sur six sites fédéraux.
Maisons Canada a également pour mission de contribuer au financement de projets de logements abordables et de promouvoir l'adoption de nouvelles technologies, comme les maisons préfabriquées et modulaires, afin d'accroître la productivité des constructeurs.
Mme Keesmaat est également PDG du promoteur immobilier Collecdev-Markee et membre du Conseil national du logement, qui conseille le gouvernement fédéral.
Elle a expliqué que l'utilisation de terrains publics pour construire de grands projets de logements hors marché, plutôt que quelques unités seulement, démontre que Maisons Canada travaille à l'échelle nécessaire pour répondre à la crise de l'accessibilité.
La première tâche de Maisons Canada est de mettre en place les conditions permettant aux constructeurs de lancer les travaux d'une série de projets déjà approuvés dans des villes à travers le pays, selon Mme Keesmaat.
Parmi les principaux obstacles au développement figurent les droits d'aménagement élevés et les garanties financières importantes que les constructeurs doivent exiger avant d'obtenir un prêt pour la construction, a-t-elle ajouté.
Il reste à voir si Mme Bailão aura l'appétit pour l'action et la négociation nécessaires pour démêler les nœuds du pipeline de construction résidentielle au Canada.
«Je pense que le tout premier défi auquel Ana est confrontée dans son rôle est de déterminer comment débloquer la situation actuelle du secteur du bâtiment et de la construction», a estimé Mme Keesmaat.
La construction au ralenti
La création de la nouvelle agence et les promesses libérales de doubler la construction résidentielle surviennent après une stagnation des mises en chantier au Canada au premier semestre.
La Société canadienne d'hypothèques et de logement a déclaré la semaine dernière que la lenteur de la construction à Toronto et à Vancouver, les deux marchés immobiliers les plus chers du Canada, faisait baisser la moyenne nationale des mises en chantier.
Scott Aitchison, porte-parole du Parti conservateur en matière de logement, a qualifié le programme Maisons Canada de simple bureaucratie fédérale supplémentaire lors de la période des questions à la Chambre des communes, lundi.
«C'est un autre gâchis libéral qui coûtera une fortune aux Canadiens et ne résoudra rien», a-t-il soutenu.
M. Aitchison a imputé le ralentissement des mises en chantier aux impôts fédéraux et à la bureaucratie, qui font grimper les coûts de construction.
Le ministre fédéral du Logement, Gregor Robertson, a répondu que les libéraux s'associaient au secteur privé et aux différents ordres de gouvernement pour offrir des logements abordables.
M. Robertson estime ne pas avoir disposé des outils nécessaires lorsqu'il était maire de Vancouver pour remédier à la pénurie de logements abordables dans la ville.
Mme Keesmaat a soutenu qu'il était trop tôt pour savoir si le fait que M. Robertson et Mme Bailão partagent leur expérience en politique locale leur sera utile à l'échelle nationale.
Elle a toutefois ajouté que le dossier du logement au Canada est arrivé à un tournant, avec d'anciens dirigeants municipaux connaissant les points de friction sur le terrain désormais aux commandes au niveau fédéral.
«Il n'y a donc plus d'excuses, n'est-ce pas ? Vous venez d'obtenir les clés du royaume. Construisez autant de logements que possible», a-t-elle déclaré.

