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Qu'est-ce qui explique la «résilience» de l'économie canadienne?

«Nous évitons le pire scénario.»

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7424b63a57859aa0c6e32a4e462e54426c8d7e0ae66c2d528f2d8c634eb4629b.jpg Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a déclaré la semaine dernière que l'économie faisait preuve d'une certaine résilience face aux droits de douane américains. Sur cette photo, des drapeaux canadien et américain flottent près du pont Ambassador, au poste frontalier canado-américain de Windsor, en Ontario, le samedi 21 mars 2020. (LA PRESSE CANADIENNE/Rob Gurdebeke)

«Une certaine résilience»: voilà les mots employés la semaine dernière par le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, pour décrire la résistance de l'économie canadienne face aux droits de douane américains.

Quelques jours plus tard, le président américain Donald Trump a ajouté des droits de douane de 35 % sur les produits canadiens à une liste qui comprend des droits élevés sur l'acier, l'aluminium, les automobiles et, plus récemment, le cuivre semi-fini.

Avec l'accumulation des droits de douane au cours des derniers mois, les économistes affirment que l'économie canadienne commence à montrer des signes de faiblesse, mais peu de signes d'effondrement.

Marc Ercolao, économiste à la Banque TD, a concédé qu'il était «un peu surprenant» de voir l'économie résister à une perturbation massive causée par le principal partenaire commercial du Canada.

«Il y a plusieurs mois, nous-mêmes, ainsi que d'autres prévisionnistes économiques, anticipions un affaiblissement considérable de l'économie canadienne. De toute évidence, ce n'est plus le cas aujourd'hui», a-t-il déclaré en entrevue.

«Nous évitons le pire scénario.»

Voici quelques pistes de réflexion sur les raisons de cette «résilience»:

Que font les droits de douane à l'économie canadienne?

Jeudi dernier, Statistique Canada a donné un aperçu de l'impact des droits de douane sur l'économie au deuxième trimestre de l'année, lorsque bon nombre d'entre eux sont entrés en vigueur.

Bien que l'organisme fédéral observe quelques légères contractions du produit intérieur brut réel par industrie en avril et mai, ses estimations préliminaires indiquent un léger rebond de l'économie en juin.

Si ces premières données se confirment, Statistique Canada a déclaré que cela suffirait à assurer une croissance globale stable pour le trimestre.

Certains de ces résultats sont faussés par la volatilité: les entreprises qui se sont empressées de devancer les droits de douane ont stimulé l'activité au premier trimestre, ce qui a entraîné une faiblesse au deuxième trimestre, par exemple.

Il est encore difficile de déterminer avec précision les impacts liés à ces droits, a indiqué Marc Ercolao, mais une tendance générale se dessine.

«Ce que nous pouvons dire au cours des six derniers mois environ, c'est que l'activité économique stagne quelque peu», a-t-il analysé.

Analyse à voir  | Tarifs douaniers de 35%: qu'est-ce que ça veut dire pour le Canada?

Les secteurs des services résistent relativement bien, mais M. Ercolao a indiqué que les secteurs fortement exportateurs, comme l'industrie manufacturière et les transports, subissent le plus gros de l'impact.

Pour tenter de compenser cette faiblesse, le gouvernement fédéral a annoncé divers programmes de soutien aux travailleurs touchés par les droits de douane et des plans plus vastes pour accélérer les dépenses de défense et d'infrastructure.

Tiff Macklem a souligné lors de sa conférence de presse mercredi que la confiance des entreprises et des consommateurs était encore faible, mais qu'elle s'était améliorée selon les récentes enquêtes de la banque centrale.

Et si certains secteurs exposés au commerce ont subi des pertes d'emplois et que le chômage a généralement progressé pour atteindre près de 7 %, les employeurs du reste de l'économie continuent d'augmenter leurs effectifs.

«La consommation continue de croître, a affirmé M. Macklem. Elle progresse modestement. Elle est certainement freinée par l'incertitude liée aux droits de douane. Mais elle progresse et nous prévoyons que cela se poursuivra au cours des troisième et quatrième trimestres.»

Le Canada entrera-t-il en récession?

La semaine dernière, la Banque du Canada a maintenu son taux directeur inchangé à 2,75 %, pour la troisième fois consécutive. Si la banque centrale était inquiète quant à la capacité de l'économie canadienne à résister aux droits de douane, elle aurait probablement abaissé ce taux, selon M. Ercolao.

Les chiffres du PIB de la semaine dernière ont été suffisamment bons pour que la BMO relève ses perspectives pour le troisième trimestre en terrain positif. Les prévisionnistes de la banque s'attendent maintenant à ce que le Canada évite une récession technique cette année.

L'économiste en chef de la BMO, Doug Porter, a écrit vendredi dans une note à ses clients que la baisse d'impôt des particuliers décrétée par Ottawa au début du mois et la forte demande de voyages intérieurs dans le contexte de la guerre commerciale stimuleront l'économie ce trimestre, tout comme le «sentiment moins pessimiste» entourant les prévisions économiques.

D'autres prévisionnistes continuent d'intégrer une récession induite par les droits de douane dans leurs perspectives.

Dans le rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada publié parallèlement à la décision sur les taux, celle-ci a présenté un scénario économique supposant que la situation tarifaire demeure largement inchangée.

Le Canada éviterait une récession dans ce cas. La croissance en 2025 et 2026 demeure globalement positive, mais inférieure d'un demi-point de pourcentage à ce qu'elle aurait été sans l'impact des droits de douane.

M. Macklem a déclaré aux journalistes que la Banque du Canada s'attend à ce que l'économie continue de croître malgré les droits actuels, «mais sur une trajectoire durablement plus basse».

«Malheureusement, la triste réalité est que les droits de douane signifient que l'économie fonctionnera moins efficacement», a-t-il expliqué.

Qu'en est-il des nouveaux droits de douane?

Doug Porter a indiqué dans sa note que l'impact réel des nouveaux droits de douane de 35 % de M. Trump sur l'économie canadienne pourrait être inférieur à ce que suggèrent les chiffres.

En raison d'une exception pour les exportations canadiennes conformes à l'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), la BMO estime que le taux tarifaire effectif américain s'établira à environ 7 % avec les nouveaux droits, soit moins d'un point de pourcentage de plus qu'avant vendredi. 

Mais avec l'ACEUM devant être renégocié en 2026, M. Porter a signalé qu'un taux de droits de douane de 35 % pourrait peser sur les négociations, prenant pleinement effet si l'accord commercial expire sans qu'un nouvel accord ne soit conclu.

La Banque du Canada a publié cette semaine un scénario distinct d'«escalade» qui verrait les États-Unis supprimer l'exemption du Canada à l'ACEUM, tout en augmentant les tarifs douaniers mondiaux.

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Dans ce cas plus grave, le PIB réel chuterait de 1,25 % supplémentaire d'ici 2027. M. Porter a déclaré que ce résultat serait «grave, certes, mais loin d'être désastreux».

Marc Ercolao a souligné qu'une grande partie du pessimisme tarifaire du début d'année était liée à la rapidité avec laquelle ces droits d'importation seraient imposés.

Mais le caractère intermittent des restrictions commerciales américaines jusqu'à présent a donné aux entreprises le temps de s'adapter à la nouvelle façon de faire et aux retards constants dans leur mise en œuvre, a-t-il ajouté. 

«Si l'on remonte à l'époque où Trump a débuté sa présidence, s'il avait immédiatement appliqué à 100 % son plan tarifaire, nous aurions probablement assisté à une forte contraction économique, simplement parce qu'elle aurait été si soudaine», a expliqué M. Ercolao.

«Nous avons maintenant le temps d'essayer d'atténuer certaines des répercussions négatives attendues de ces droits de douane sur l'économie canadienne.»

Craig Lord

Craig Lord

Journaliste