Le député de Rosemont, Vincent Marissal, a annoncé samedi qu'il quittait le caucus de Québec solidaire et siégerait désormais comme député indépendant jusqu'aux prochaines élections. De leur côté, les porte-paroles de QS se défendent face aux critiques de l'ex-membre de leur caucus et parlent d'un «grand sentiment de trahison».
L'élu désormais indépendant a confirmé sa décision samedi matin, lors d'un point de presse organisé à la dernière minute à son bureau de circonscription.
«J'avais décidé depuis quelques jours fermement de quitter le caucus de QS. Je comptais l'annoncer à mes collègues du caucus le mercredi», a expliqué M. Marissal.
«Je prends juste un chemin différent, je ne vais pas rester assis sur mes mains dans ce caucus-là à souffrir, parce que je souffre depuis quelque temps», a-t-il fait savoir.
La position du caucus solidaire lors des grèves de la Société de transport de Montréal a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Le député a notamment reproché au parti sa position ferme aux côtés des syndicats, au détriment de la population.
«Là, je pense qu'on était du mauvais côté de l'histoire. Le monde souffrait à Montréal. Les gens nous écrivaient ici des courriels enflammés parce qu'ils considéraient qu'on les avait abandonnés. Puis je considère qu'on les a abandonnés», a-t-il raconté.
Un flirt avec le PQ
De son côté, Québec solidaire soutient avoir montré la porte au député de Rosemont.
Une quinzaine de minutes avant l'annonce de M. Marissal, le parti avait publié un communiqué indiquant que le caucus avait voté à l'unanimité sa suspension.
QS lui reprochait d'avoir eu des discussions avec le chef du Parti québécois, Paul Saint-Pierre Plamondon, afin de quitter le caucus solidaire et de se porter candidat pour le PQ, aux élections de 2026.
«Vincent Marissal négocie secrètement avec le PQ depuis des semaines pour planifier la suite de sa carrière politique. Il ne nous a jamais rien dit, a déploré la co-porte-parole de Québec solidaire, Ruba Ghazal, par voie de communiqué. C’est son droit, mais les citoyens ont aussi le droit de pouvoir compter sur des députés qui respectent le mandat donné par les électeurs. La seule décision possible pour moi était de recommander son exclusion du caucus.»
M. Marissal n'a pas nié avoir approché le chef péquiste et avoir eu des discussions, mentionnant qu'il avait beaucoup de respect pour lui.
«Oui j'ai parlé à Paul St-Pierre Plamondon, que je connais depuis des années. Il n'y a rien d'attaché, je n'ai pas d'annonce à faire en ce sens pour le moment», a-t-il reconnu.
Il a cependant admis que le Parti québécois serait la seule famille politique dans laquelle il pourrait se retrouver à la suite de son départ de Québec solidaire, jugeant qu'il fallait barrer le passage au Parti libéral du Québec et à la Coalition avenir Québec.
«La seule place, la seule famille où je pourrais me retrouver, c'est au Parti québécois. Mais on n'en est pas là», a-t-il avancé.
Le député n'a d'ailleurs pas caché qu'il était ouvert à contribuer au projet d'indépendance des péquistes.
«Si on était capables pour vrai de préparer l'accession à la souveraineté du Québec, je n'ai pas, dans mon imaginaire, de plus grand projet que ça pour un peuple», a-t-il précisé.
Paul St-Pierre Plamondon a également pris la parole samedi au sujet de cette annonce.
«La question des transferts entre les partis est toujours très délicate et c’est pourquoi je pense qu’il prend la bonne décision en allant comme indépendant», a-t-il écrit sur X.
«Le Parti québécois n’a cependant rien à annoncer à ce sujet, à part que nos discussions venaient de débuter et que dans l’absolu tout le monde conviendra que Vincent Marissal est un député indépendantiste très compétent, à son affaire et efficace à l’Assemblée nationale», a-t-il ajouté.
Un malaise à QS
Le solidaire démissionnaire a eu des mots durs envers son ancien parti, lui reprochant notamment de ne pas être gouvernable.
«C'est un parti qui est paralysé par sa base, c'est un parti qui est complètement embourbé, puis qui n'est pas capable de s'émanciper. Il y a une distance phénoménale entre le caucus et la base militante», a-t-il souligné.
«Le problème, c'est qu'on n'est pas capable de ramener ce parti vers un peu plus de rationalité», a-t-il estimé.
Vincent Marissal avait été élu député lors des élections de 2018. Ironiquement, il avait alors défait le chef du Parti québécois de l'époque, Jean-François Lisée.
Quatre ans plus tard, il a été réélu, obtenant une majorité de plus de 5000 votes devant la caquiste Sandra O'Connor.
M. Marissal aurait également déjà pensé à rejoindre les libéraux au fédéral, ce qu'il a toutefois réfuté en indiquant qu'il avait simplement pris un café avec un adjoint de l'ancien premier ministre Justin Trudeau.
Il avait aussi été approché pour la mairie de Montréal par la communauté d'affaires avant les dernières élections municipales.
S'il n'a encore aucun plan concret pour 2026, il ne remet toutefois pas en question son avenir dans le monde politique.
«J'ai besoin de retrouver une façon de faire la politique de façon constructive, a confié le député de Rosemont. Le seul regret que j'ai, c'est de ne pas l'avoir dit avant. Mais j'ai voulu y croire.»
«Nous n’avons rien convenu de précis», dit PSPP
De son côté, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a affirmé sur les réseaux sociaux samedi qu'il avait été «informé» par M. Marissal, de l'inconfort «de plus en plus intolérable» de celui-ci au sein de la formation politique. Toutefois, le chef du PQ, a indiqué que les deux hommes n'ont «rien convenu de précis».
«J’ai une très bonne opinion de son travail dans ses dossiers comme à l’Assemblée nationale et je me doutais bien que la politique négative et de plus en plus acide de QS ne lui convenait pas. C’est d’ailleurs le seul député à m’avoir écrit pour s’excuser des attaques personnelles de QS à mon endroit.»
M. St-Pierre Plamondon a indiqué qu'il connaissait M. Marissal depuis près de 20 ans, notamment via leurs participations à Bazzo.tv, une émission animée de 2006 à 2016 par Marie-France Bazzo et qui était diffusée à l'antenne de Télé-Québec. Le député de Rosemont est également le voisin de bureau du chef du PQ. Les deux hommes ont également collaboré ensemble sur divers dossiers dont celui de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.
«Je prends bonne note qu’il désire continuer à servir en politique. Le Parti Québécois n’a cependant rien à annoncer à ce sujet, à part que nos discussions venaient de débuter et que dans l’absolu tout le monde conviendra que Vincent Marissal est un député indépendantiste très compétent, à son affaire et efficace à l’Assemblée nationale», a conclu le chef péquiste.
Un «grand sentiment de trahison» pour Ruba Ghazal
Devant les médias dimanche en fin d'après-midi, les deux porte-paroles du parti, Ruba Ghazal et Sol Zanetti, ont parlé d'une «ligne rouge qui a été franchie» et d'un «grand sentiment de trahison» en faisant référence aux discussions de Vincent Marissal avec le chef du PQ. Mme Ghazal a également parlé d'un «bris de confiance total».
Les représentants de la formation politique ont également réfuté les critiques faites à l'encontre de QS par M. Marissal en avant-midi.
«C'est son opinion, évidemment on ne la partage pas», a répondu Mme Ghazal à une journaliste.
«Les faits contredisent l'opinion de M. Marissal.»
Son collègue, Sol Zanetti, a également tenu à ajouter que c'est «correct dans la vie de changer d'idée politiquement». Toutefois selon lui, «il y a une manière de le faire» et cette manière n'est pas celle du député de Rosemont selon lui.
Également questionnés à savoir s'il va y avoir un examen de conscience au sein de QS, Mme Ghazal a répondu que ces critiques provenaient d'un seul député et que les onze députés se sont «unis» pour suspendre M. Marissal. Elle a également souligné que son parti «est le seul» à parler de divers enjeux comme celui de l'itinérance ou celui de la crise du logement à l'Assemblée nationale.
Finalement, elle a soutenu que les membres du parti «sont plus unis que jamais».
Hormis les deux porte-paroles du parti, Christine Labrie est la seule députée du caucus à s'être exprimée publiquement concernant le départ de son ex-collègue solidaire au moment de publier ces lignes.
Dans une courte déclaration transmise par son bureau en fin de journée samedi, la députée de Sherbrooke a indiqué que le départ de son collègue est «assurément un coup dur pour l’équipe».
Mme Labrie affirme également qu'elle était au courant que M. Marissal «souffrait». Toutefois, elle se dit surprise des démarches faites auprès du PQ.
«Pour avoir moi-même exprimé à maintes reprises mon malaise et mes inquiétudes par rapport à la polarisation qui s’intensifie et à certaines dynamiques au sein de la gauche, je comprends que la situation était devenue trop inconfortable pour lui.»
«Dans la vie, c’est important de rester fidèle à ses valeurs. J’espère qu’il y arrivera», a-t-elle conclu.


