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Pourquoi certains Canadiens achètent un deuxième passeport dans les Caraïbes?

Cinq pays des Caraïbes orientales ne misent plus uniquement sur leurs plages infinies pour attirer les touristes.

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(Banque d'images Envato)

Selon les experts, les Canadiens s'intéressent de plus en plus à l'acquisition de la citoyenneté par le biais d'investissements immobiliers, non pas pour obtenir plus facilement un visa, mais pour bénéficier d'un certain style de vie, d'une plus grande flexibilité et d'une sécurité pour l'avenir.

Cinq pays des Caraïbes orientales ne misent plus uniquement sur leurs plages infinies pour attirer les touristes. Au contraire, ils cherchent désormais à inciter les étrangers à acheter une maison ou à faire un don en échange d'un passeport.

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News

Parmi les îles qui proposent des programmes de citoyenneté par investissement , on trouve Antigua-et-Barbuda, la Dominique, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie et la Grenade.

Eric Major, PDG de Latitude Consultancy, une société internationale basée au Royaume-Uni et spécialisée dans la citoyenneté et la résidence par investissement, a expliqué à CTVNews.ca que le programme CBI des Caraïbes a été lancé pour la première fois à Saint-Kitts-et-Nevis au milieu des années 1980 et qu'il est devenu un moyen d'acquérir une seconde citoyenneté.

Ces programmes permettent généralement aux candidats d'investir dans des biens immobiliers approuvés par le gouvernement ou de faire un don à un fonds national.

«Les Canadiens et les Américains semblent privilégier la voie immobilière», a affirmé M. Major. «C'est en fait un endroit où ils ne seraient pas contre passer du temps.»

Selon M. Major, les clients doivent divulguer de nombreuses informations les concernant. «Vous devez faire appel à une société agréée comme la nôtre», a-t-il expliqué.

«Le dossier de candidature fait 10 cm d'épaisseur. Il comprend un examen médical, une vérification des antécédents, une preuve de fonds et désormais même un entretien pour confirmer l'identité.»
- Eric Major, PDG de Latitude Consultancy

M. Major précise que le gouvernement prend entre trois et neuf mois pour examiner les demandes avant de les approuver ou de les rejeter. Au cours de ce processus, une société de diligence raisonnable est engagée pour valider les informations fournies par le candidat.

Une fois leur demande approuvée, les candidats doivent réaliser leur investissement – qui est généralement soumis à un seuil minimum et varie entre 270 000 et 300 000 dollars américains pour l'immobilier – avant de recevoir leur certificat d'enregistrement et, finalement, leur passeport.

Bien que l'idée d'«acheter la citoyenneté» suscite des inquiétudes, M. Major a déclaré que ces programmes constituent un outil économique essentiel pour les petits États insulaires.« Dans certains cas, ils représentent jusqu'à 50 % de leur PIB», a-t-il souligné.

«La réalité de ces îles est que, mis à part le tourisme, elles ont très peu à offrir pour générer de l'activité économique», a indiqué M. Major.

Pour la plupart des candidats internationaux, ce processus leur permet d'obtenir un meilleur passeport. M. Major a soutenu que la plupart des candidats à ces programmes proviennent de pays dont les passeports ne permettent pas de voyager sans visa.

«Les passeports des Caraïbes permettent de voyager sans visa dans plus de 150 pays, dont l'Union européenne, le Royaume-Uni et Singapour», a dit M. Major. «C'est intéressant si vous venez de pays comme le Nigeria, le Pakistan ou le Vietnam.»

Mais les Canadiens sont différents. «Les Canadiens ont déjà des passeports très avantageux», a expirmé M. Major. «Leurs motivations sont donc généralement l'une des trois suivantes : le mode de vie, la planification fiscale ou un plan B (comme) la sécurité si la situation devient instable dans leur pays ou à l'étranger.»

Jennifer Harding-Marlin, avocate spécialisée en citoyenneté par investissement chez JH Marlin Law, basée à Saint-Kitts-et-Nevis, a déclaré: «De nombreux Canadiens et Américains cherchent à obtenir une autre citoyenneté. De plus en plus de gens recherchent une destination de vacances autre que la Floride ou Cuba. Les pays des Caraïbes orientales sont de plus en plus populaires.»

Aucune formalité administrative

Pour les Canadiens qui envisagent de participer à un programme de citoyenneté par investissement dans les Caraïbes, il n'y a aucune formalité administrative à remplir pour détenir plusieurs passeports. En effet, la loi canadienne autorise la double et la multiple nationalité sans restriction.

M. Major a déclaré que le gouvernement fédéral ne limite pas le nombre de nationalités qu'un citoyen peut acquérir, ce qui rend les programmes proposés par ces cinq pays des Caraïbes attrayants pour les Canadiens qui souhaitent améliorer leur mode de vie, acquérir une résidence à l'étranger ou se constituer un plan de secours en période d'incertitude.

Selon M. Major, le Canada se montre toutefois vigilant en matière de fiscalité.

« Le fait d'avoir un passeport ne rend pas une personne imposable. Ce qui me rend imposable au Canada, c'est le fait d'y passer un certain temps, généralement six mois ou plus. »

Le gouvernement fédéral peut toutefois se montrer vigilant si une personne détient un compte bancaire, un permis de conduire ou d'autres liens personnels dans le pays, explique M. Major.

Mme Harding-Marlin précise que la citoyenneté par investissement et la résidence par investissement sont deux voies différentes.

La résidence par investissement (RBI), également connue sous le nom de «visa doré», permet aux ressortissants étrangers d'obtenir le statut de résident légal, et non la citoyenneté à part entière, dans un pays en investissant dans l'immobilier, des entreprises ou des obligations d'État.

«Il est important d'obtenir des conseils fiscaux appropriés lorsque vous décidez de déménager ou de changer votre statut fiscal», a-t-elle expliqué.

Nouvelles mesures dans les Caraïbes

Selon l'Autorité de réglementation de la citoyenneté par investissement dans les Caraïbes orientales (ECCIRA), un nouveau projet de cadre législatif propose une obligation de présence physique minimale de 30 jours pour les candidats retenus au cours des cinq premières années suivant l'obtention de leur citoyenneté.

Cette règle, publiée le 1er juillet, s'appliquerait aux cinq pays participants.

Si un candidat ou un citoyen ne satisfait pas à l'exigence des 30 jours sans raison valable, le pays peut lui infliger une amende pouvant aller jusqu'à 10 % du montant de son investissement et entamer la procédure de retrait de son passeport conformément à la législation de ce pays, selon la proposition.

L'immigration par investissement au Canada

M. Major a soutenu que le Canada devrait envisager de rétablir les programmes de citoyenneté basés sur l'investissement.

«Avec ce monde des visas, y compris les passeports, les visas dorés et les visas d'investissement, il y a beaucoup de développements dans ce domaine», a-t-il affirmé en référence aux programmes des Caraïbes. «Nous espérons que le Premier ministre Carney va redynamiser l'ancien programme canadien d'immigration des investisseurs.»

Ce programme, qui permettait à des personnes fortunées d'obtenir la résidence permanente en échange d'un investissement financier important, a été supprimé en 2014 par le gouvernement précédent.

Mais M. Major estime que le regain d'intérêt suscité par les alliances géopolitiques, les tensions commerciales et l'incertitude économique pourrait pousser Ottawa à se relancer dans ce domaine.

Il a ajouté que la demande de double nationalité n'était plus uniquement le fait des marchés émergents. « Notre premier marché pour la double nationalité est celui des Américains », a-t-il déclaré, qualifiant ce secteur d'« industrie en pleine croissance (avec) de nombreux développements intéressants ».

Mme Harding-Marlin a indiqué que cela pourrait générer des revenus et attirer des particuliers fortunés, des chefs d'entreprise et des experts dans leur domaine.

«Le Canada pourrait potentiellement rechercher les avantages que d'autres pays tirent de leurs programmes d'investissement en matière de citoyenneté», a-t-elle expliqué.