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Pour lutter contre la fraude, Deezer signale désormais des chansons générées par l’IA

Un message apparaîtra à l'écran avertissant les utilisateurs de la présence de «contenu généré par l'IA» dans un album.

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Cette photo non datée fournie par Deezer montre le logo du service de streaming musical. Cette photo non datée fournie par Deezer montre le logo du service de streaming musical. (Deezer via AP)

La plateforme française de diffusion en ligne Deezer a annoncé en juin dernier qu'il allait commencer à signaler les albums contenant des chansons générées par l'intelligence artificielle, dans le cadre de sa lutte contre la fraude numérique.

Basée à Paris, la plateforme est confrontée à une recrudescence de morceaux créés à l'aide d'outils d'intelligence artificielle qui, selon elle, sont utilisés pour percevoir frauduleusement des droits d'auteur.

L'application affichera un message à l'écran avertissant les utilisateurs de la présence de «contenu généré par l'IA» et les informera que certains morceaux d'un album ont été créés à l'aide de générateurs de chansons.

Deezer est un petit acteur du streaming, dominé par Spotify, Amazon et Apple, mais pour la société, la musique générée par l'IA était un «problème à l'échelle de l'industrie». Elle s'est engagée à «protéger les droits des artistes et des auteurs-compositeurs à une époque où le droit d'auteur est remis en question au profit de l'entraînement des modèles d'IA», a déclaré le PDG Alexis Lanternier dans un communiqué de presse.

La décision de Deezer souligne les bouleversements causés par les systèmes d'IA générative, qui sont entraînés à partir de contenus disponibles sur Internet, notamment des textes, des images et des fichiers audio. Les entreprises d'IA font face à une série de procédures judiciaires contestant leur pratique consistant à extraire gratuitement ces données d'entraînement sur le web.

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Selon un outil de détection de chansons basé sur l'IA lancé cette année par Deezer, 18 % des chansons téléchargées chaque jour sur sa plateforme, soit environ 20 000 titres, sont désormais entièrement générées par l'IA. Il y a trois mois seulement, ce chiffre était de 10%, a fait savoir M. Lanternier dans une récente entrevue.

L'IA présente de nombreux avantages, mais elle «soulève également beaucoup de questions» pour l'industrie musicale, selon le PDG de Deezer. L'utilisation de l'IA pour créer de la musique est acceptable tant qu'il y a un artiste derrière, mais le problème se pose lorsque n'importe qui, ou même un robot, peut l'utiliser pour créer de la musique, a-t-il dit à l'Associated Press.

Les fraudeurs musicaux «créent des tonnes de chansons. Ils les mettent en ligne, essaient de les faire figurer dans des playlists ou des recommandations, et finissent par percevoir des droits d'auteur », a-t-il déclaré.

Les musiciens ne peuvent pas mettre leur musique en ligne directement sur Deezer ou sur des plateformes concurrentes telles que Spotify ou Apple Music. Les labels musicaux ou les plateformes de distribution numérique peuvent le faire pour les artistes avec lesquels ils ont signé un contrat, tandis que tout le monde peut faire appel à une société de distribution «en libre-service».

La musique entièrement générée par l'IA ne représente encore qu'environ 0,5 % du total des écoutes sur Deezer. Mais la société a déclaré qu'il était «évident» que la fraude était «l'objectif principal» de ces chansons, car elle soupçonne que sept écoutes sur dix d'une chanson générée par l'IA sont le fait de «fermes» de streaming ou de robots, et non d'êtres humains.

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Toute chanson générée par l'IA utilisée à des fins de «manipulation des flux» sera exclue du paiement des redevances, selon Deezer.

L'IA est un sujet brûlant dans l'industrie musicale, où les débats font rage autour de ses possibilités créatives et de ses implications juridiques.

Deux des générateurs de chansons IA les plus populaires, Suno et Udio, sont poursuivis en justice par des maisons de disques pour violation du droit d'auteur et sont accusés d'avoir exploité des œuvres enregistrées d'artistes tels que Chuck Berry ou Mariah Carey.

Gema, un groupe allemand de collecte de droits d'auteur, poursuit Suno dans une affaire similaire à Munich, accusant le service de générer des chansons «similaires à s'y méprendre» aux versions originales d'artistes qu'il représente, notamment Forever Young d'Alphaville, Daddy Cool de Boney M et Mambo No. 5 de Lou Bega.

Selon des informations parues dans la presse au début du mois, les grandes maisons de disques seraient en négociation avec Suno et Udio pour obtenir une compensation.

Pour détecter les chansons à signaler, Deezer utilise les mêmes générateurs que ceux utilisés pour créer les chansons afin d'analyser leur production, selon Alexis Lanternier.

«Nous identifions des schémas, car les chansons créent des signaux très complexes. Elles contiennent beaucoup d'informations», explique-t-il.

Les générateurs de musique IA semblent incapables de produire des chansons sans motifs subtils mais reconnaissables, qui changent constamment.

«Il faut donc mettre à jour son outil tous les jours», mentionne le PDG de Deezer. «Nous continuons donc à générer des chansons pour apprendre, pour enseigner à notre algorithme. Nous combattons donc l'IA avec l'IA.»

Les fraudeurs peuvent gagner beaucoup d'argent grâce au streaming. M. Lanternier a évoqué une affaire criminelle survenue l'année dernière aux États-Unis, qui, selon les autorités, était la première impliquant une augmentation artificielle du nombre d'écoutes de musique en streaming. Les procureurs ont inculpé un homme pour fraude électronique, l'accusant d'avoir généré des centaines de milliers de chansons à l'aide de l'IA et d'avoir utilisé des robots pour les diffuser automatiquement des milliards de fois, ce qui lui aurait rapporté au moins 10 millions de dollars.