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Ottawa veut suivre le recours à l'intelligence artificielle dans la fonction publique

Cette approche comprend la création d'un registre public des projets d'IA au sein du gouvernement, afin de renforcer la transparence.

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ae4d615845a9a645b139ea80f0ed8f0b9676a8c4095e1e9ccc6cbd0879d39d3d.jpg Le gouvernement fédéral a l'intention de lancer un registre public afin de tenir les Canadiens informés de son utilisation croissante de l'intelligence artificielle (IA). Le ministre fédéral de l’Intelligence artificielle et de l’Innovation numérique, Evan Solomon, à Montréal le jeudi 10 juillet 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Christopher Katsarov (Christopher Katsarov | La Presse canadienne)

Le gouvernement fédéral a l'intention de lancer un registre public afin de tenir les Canadiens informés de son utilisation croissante de l'intelligence artificielle (IA).

«Nous constatons une activité beaucoup plus intense au sein des ministères et organismes», a déclaré Stephen Burt, dirigeant principal des données du gouvernement, à La Presse Canadienne.

Le registre aidera également le gouvernement à suivre les projets d'IA en cours. 

Kara Beckles, directrice générale de la Division de la protection de la vie privée et des données au Conseil du Trésor, a expliqué que, bien que les plateformes d'IA soient utilisées de multiples façons au sein du gouvernement, il n'existe pas de «liste exhaustive».

Mme Beckles a indiqué qu'au cours des dernières années, «les ministères ont véritablement commencé à expérimenter de plus en plus la mise en œuvre de l'IA de différentes manières».

Elle a cité Pêches et Océans Canada, qui utilise l'IA pour retrouver des engins de pêche perdus, Agriculture Canada, qui traite des données satellitaires pour prédire le rendement des cultures, et Transports Canada, qui utilise l'IA pour contrôler le fret aérien à haut risque.

Mais ces initiatives ont été fragmentaires et chaque ministère a lancé ses propres projets. La fonction publique travaille actuellement à une approche plus coordonnée dans le cadre d'une stratégie d'IA lancée plus tôt cette année.

Promesse électorale

Lors des élections fédérales du printemps, le premier ministre Mark Carney a fait campagne sur l'utilisation de l'IA pour accroître l'efficacité de la fonction publique, tandis que le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, a demandé à ses collègues de cibler des réductions de 15 % des dépenses de programmes d'ici 2028-2029.

En août, le gouvernement fédéral a signé une entente avec l'entreprise canadienne d'intelligence artificielle Cohere afin d'identifier les domaines dans lesquels l'IA pourrait améliorer les opérations de la fonction publique.

Le sous-ministre adjoint Stephen Burt a affirmé que l'IA sera un outil important pour accroître l'efficacité du gouvernement, mais qu'elle ne sera pas la seule option.

«Nous étudions encore dans quelle mesure l'intelligence artificielle, en tant que technologie spécifique, permettra de réaliser des économies et des gains d'efficacité précis», a-t-il détaillé.

La stratégie en matière d'IA relève que, lors des consultations, les ministères ont souligné la nécessité d'une plateforme centrale pour soutenir les projets et partager les connaissances.

Dans le cadre d'un premier projet visant à tester cette approche de plateforme centrale, le Conseil du Trésor a collaboré avec le Bureau de la traduction pour mettre au point un système de traduction automatisée pour les documents à faible risque et de faible valeur.

Cet outil est désormais disponible à Services publics et Approvisionnement Canada, selon M. Burt, et sera bientôt déployé progressivement dans d'autres ministères et organismes.

Kara Beckles a indiqué que le centre d'IA vise à identifier les utilisations actuelles de l'intelligence artificielle qui peuvent être étendues à l'ensemble du gouvernement. Elle a ajouté que l'outil de traduction était une option intéressante, car «tous les fonctionnaires ont besoin d'accéder à des services de traduction à un moment ou à un autre».

L'objectif du centre est notamment d'éviter les doublons, a expliqué la directrice générale de la Division de la protection de la vie privée et des données au Conseil du Trésor.

«Nous ne voulons pas que cinq ministères différents travaillent simultanément sur le même type d'outil, a-t-elle ajouté. Nous voulons pouvoir consolider ces efforts et nous assurer de créer un outil une fois pour toutes, puis de le déployer dans l'ensemble du système.»

Cela permettra d'adopter une approche plus mature à mesure que l'utilisation de l'IA se développera, a continué Mme Beckles.

«Nous ne nous occupons plus d'une poignée de projets à l'échelle du système, a-t-elle dit. Il s'agit plutôt d'une poignée de projets dans chaque ministère, ou du moins dans tous les ministères de moyenne et grande taille.»

Besoin de transparence

La stratégie gouvernementale en matière d'IA reconnaît également le besoin de transparence et s'engage à prioriser la création d'un registre public des systèmes d'IA.

Des experts ont déjà tenté de recueillir des données sur l'ampleur de l'utilisation de l'IA dans la fonction publique. Joanna Redden, professeure agrégée à l'Université Western, a constitué une base de données lancée l'année dernière qui a révélé des centaines de cas d'utilisation de l'IA au sein du gouvernement fédéral.

Un document d'information ministériel préparé plus tôt cette année par Services partagés Canada et publié le mois dernier décrit également certaines utilisations de l'IA par le gouvernement.

Il présente une solution de rechange interne à des outils comme ChatGPT, qui peut aider les employés de Services partagés Canada dans des tâches telles que la rédaction de courriels ou la synthèse d'informations. Le document précise que l'outil fonctionne «dans un environnement contrôlé qui garantit une sécurité et une intégrité des données adéquates».

D'autres exemples cités dans le document incluent Patrimoine canadien qui utilise «l'automatisation et l'IA générative pour peaufiner le processus de correspondance ministérielle», et l'Agence du revenu du Canada qui permet aux Canadiens d'accéder à leurs comptes à l'aide d'un téléphone intelligent, d'une pièce d'identité officielle et de la technologie de reconnaissance faciale.

Le document indique également que le ministère des Finances a développé un outil «qui automatise la collecte et le traitement des consultations tarifaires, résume les données de l'industrie et rédige les premières réponses pour les analystes et les parties prenantes».

M. Burt a indiqué que le registre est encore en cours d'élaboration, tandis que Mme Beckles a précisé qu'aucun échéancier n'était encore prévu pour son lancement.

Une partie du travail sur le registre consiste à décider quelles informations y seront incluses.

«Nous ne voulons pas enregistrer chaque fois qu'un analyste utilise Copilot pour rédiger un courriel, mais nous voulons enregistrer tous les projets et systèmes intégrant l'IA», a fait savoir Mme Beckles.

Elle a précisé que l'idée est de «s'assurer que le registre soit conçu dans un souci de transparence pour le public, mais aussi à l'interne, afin que nous puissions également utiliser cette liste complète à nos propres fins».

Anja Karadeglija

Anja Karadeglija

Journaliste