Le Canada s'est engagé à verser 60 millions $ pour aider Haïti à lutter contre les gangs, la majeure partie de ce financement étant subordonnée à l'appui des Nations unies à un plan américain visant à transformer la mission de police en une «force de répression des gangs».
«Nous devons œuvrer collectivement pour la paix et la sécurité régionales», a affirmé mardi la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, lors d'un événement qu'elle coorganisait avec son homologue haïtien aux Nations Unies.
Haïti est en proie à la violence et au chaos politique depuis 2021, et des gangs armés contrôlent une grande partie du pays. Le Canada a imposé des sanctions à des membres de l'élite économique haïtienne, arguant qu'ils ont collaboré avec des gangs semant l'instabilité dans tout le pays.
En juin 2024, le Kenya a lancé une mission soutenue par l'ONU visant à renforcer les capacités de la police haïtienne et à lutter contre les gangs, dans le but d'instaurer la paix et de permettre la tenue d'élections.
Le Canada a contribué à la mission principalement en coordonnant l'aide internationale, la surveillance et la formation.
Cette semaine, l'administration du président américain Donald Trump fait pression sur le Conseil de sécurité de l'ONU pour remplacer la mission par une force de répression des gangs beaucoup plus importante et mieux financée.
Mardi, lors de la réunion qu'elle coorganisait, la ministre Anand a indiqué que la proposition d'une «mission de sécurité renouvelée et renforcée» était essentielle à la réouverture des écoles et à la fin d'une crise alimentaire causée par la violence généralisée et les vols de biens commis par les gangs.
Elle a annoncé que le Canada était prêt à consacrer 40 millions $ au soutien de cette mission, si elle était adoptée par l'ONU.
Mme Anand a également annoncé l'octroi de 20 millions $ pour la sécurité maritime dans les Caraïbes afin de stopper le trafic d'armes et de drogue à destination et en provenance d'Haïti.
Le Canada s'est déjà engagé à verser 80 millions $ pour la mission de police en cours, dirigée par le Kenya.
«En tant que second contributeur financier de la mission, nous sommes clairement déterminés à assurer son succès et nous comptons sur d'autres partenaires pour accroître également leur soutien», a souligné Mme Anand.
«Alors que la résolution propose actuellement de quintupler la taille, le financement, le personnel et l'équipement de la mission, leurs besoins seront plus importants que jamais.»
Cette semaine, le président kenyan William Ruto a déclaré que la mission en cours avait du mal à aboutir, ne disposant que de 40 % des 2500 agents de sécurité prévus à cet effet.
Selon Mme Anand, le gouvernement de transition haïtien aurait «de plus en plus de mal» à obtenir un soutien international s'il ne réalisait pas de «progrès concrets (…) vers des élections libres et équitables» et «des réformes économiques favorisant la concurrence sur le marché intérieur».
Des parlementaires s'inquiètent
Mardi, sur la Colline du Parlement, des députés ont interpellé des responsables devant la commission des affaires étrangères de la Chambre sur la possibilité que le Canada envoie des troupes en Haïti dans le cadre de la nouvelle mission de l'ONU.
Mark Richardson, directeur général d'Affaires mondiales Canada pour les Caraïbes, a témoigné qu'il était «trop tôt» pour en discuter.
Le député conservateur Shuvaloy Majumdar a demandé aux responsables ce que le Canada faisait pour empêcher le détournement de l'aide canadienne envoyée par l'intermédiaire de l'ONU pour qu'il ne parvienne pas aux gangs haïtiens. Il a suggéré que les oligarques qui soutiennent les gangs s'enrichissaient également grâce à l'aide étrangère.
«L'élite économique (…) a été créée par le détournement de l'aide au cours de la dernière décennie. À bien des égards, ceux qui en ont profité et qui se sont maintenus au pouvoir l'ont fait à la demande des gangs qui les financent», a argué M. Majumdar.
Il a demandé si l'aide canadienne était détournée vers les gangs depuis qu'Ottawa a commencé à intervenir face à la crise sécuritaire en Haïti.
«À ma connaissance, il n'y a eu aucun cas de détournement de ressources canadiennes depuis 2022», a témoigné Ian Myles, directeur exécutif de la division Haïti d'Affaires mondiales Canada.
Le député bloquiste Alexis Brunelle-Duceppe a déclaré en français que le gouvernement canadien devrait faire pression sur Washington pour mettre fin à l'exportation d'armes américaines vers les Caraïbes, affirmant que le problème venait des États-Unis.
M. Myles a répondu que les États-Unis n'avaient pas nié ce problème et que les responsables américains étaient confrontés à une situation complexe pour tenter de freiner le flux d'armes.
De nombreux dirigeants caribéens ont soulevé le problème des armes américaines lors d'un sommet des pays de la CARICOM organisé à Ottawa en 2023.
Le député libéral Ahmed Hussen, président de la commission, s'est dit préoccupé par l'utilisation des réseaux sociaux par les gangs «pour terroriser la population», citant un exemple illustrant l'ampleur de la violence en Haïti.
«Il y a une vidéo sur Facebook Live montrant la décapitation d'un civil par le chef de guerre, a-t-il raconté. Et ce n'est pas une fois, ni deux fois, mais plusieurs fois.»

