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N'exploitons pas la haine à des fins politiques, demandent des groupes juifs

Le sujet avait été abordé par l'envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme.

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Dans son dernier rapport, l'ancienne envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme, Deborah Lyons, photographiée le 24 janvier 2025, reprochait à certaines chefs politiques d'exploite... Dans son dernier rapport, l'ancienne envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme, Deborah Lyons, photographiée le 24 janvier 2025, reprochait à certaines chefs politiques d'exploiter la menace de l'antisémitisme à des fins politiques. (Justin Tang/La Presse canadienne)

Des dirigeants de groupes juifs canadiens demandent aux politiciens de tous les partis de cesser de servir de l'antisémitisme à des fins politiques.

«Cela me met en colère lorsqu'on utilise la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste comme une occasion pour même appuyer des mesures positives pour le peuple juif», affirme le directeur de la recherche et du plaidoyer à B'nai Brith, Richard Robertson. C'est une forme de récupération.»

Le sujet avait été abordé par Deborah Lyons lorsqu'elle a démissionné en juillet de son poste d'envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme.

Dans son dernier rapport, elle avait reproché à certaines chefs politiques, sans les nommer, d'exploiter la menace de l'antisémitisme à des fins politiques.

«Les partis politiques canadiens doivent s’abstenir de traiter l’antisémitisme comme une question partisane, écrivait-elle. La volonté de tirer un avantage politique au détriment de ceux qui subissent de la haine et de la discrimination est un grave manquement au devoir civique de la part des partis politiques. Ils déshonorent ainsi les communautés touchées et nuisent gravement à la lutte contre la haine.»

Elle déplore que les commémorations officielles annuelles aient une teinte partisane qui est inacceptable.

«La Journée nationale de commémoration de l’Holocauste doit rester apolitique, et des représentants de haut niveau doivent participer aux événements commémoratifs, qui doivent être axés sur l’essence de cette journée», ajoute-t-elle.

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Mme Lyons n'a pas précisé à La Presse Canadienne l'identité des politiciens ou des partis politiques qui exploitent l'antisémitisme, mais les groupes juifs canadiens en proposent certains.

«Nous avons constaté que le NPD a complètement abandonné tout ce qui peut ressembler à un engagement contre l'antisémitisme. C'est très troublant», affirme le chef de direction du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, Noah Shack.

Même son de cloche chez Richard Robertson. Il déplore que le NPD, en réclamant un statut d'État indépendant pour les Palestiniens et un embargo des ventes d'armes à Israël, n'ait pas clairement dit que les Juifs canadiens ne doivent pas tenus responsables des actions d'un gouvernement étranger.

«Ces demandes deviennent alors une arme par une certaine faction vitriolique qui est en grande partie responsable de la montée de l'antisémitisme que nous avons constaté», lance-t-il.

M. Robertson signale que de nombreux juifs se sentent mal à l'aise lorsqu'ils entendent, aux cérémonies commémorant la Shoah, des politiciens lier des événements survenus au cours de la Seconde Guerre mondiale avec leurs propres politiques ou celles de leurs adversaires. Il mentionne notamment des libéraux qui ont vanté les dépenses gouvernementales liées à la protection des synagogues ou des conservateurs qui ont rejeté l'augmentation des crimes haineux sur les épaules du gouvernement.

Aucun des partis politiques fédéraux n'a répondu aux demandes d'entrevue de La Presse Canadienne.

«Je n'ai pas besoin d'entendre parler d'une action positive pour le bien des Juifs à une cérémonie consacrée à la mémoire et à la réflexion, dit M. Robertson. Il existe une tendance au sein de certains partis politiques de s'occuper de l'antisémitisme avec un regard idéologique ou une ligne partisane pure. Le but est d'obtenir des votes.»

M. Shack dit qu'il serait naïf d'espérer que les politiciens abandonnent la politique partisane, mais ceux-ci peuvent se montrer solidaires avec la communauté juive sans surexploiter la lutte contre la haine.

«On doit se garder contre l'impulsion de vouloir en profiter pour vanter notre propre parti ou prendre l'adversaire comme cible. En défendant leurs propres valeurs, les chefs politiques peuvent montrer nettement les idées qu'ils prônent. Ils doivent alors se tenir fermement aux côtés de la communauté juive.»

Lawrenec Greenspon, co-président du comité du Monument national de l'Holocauste n'a pas l'impression que les politiciens ont adopté un ton résolument partisan pendant les commémorations annuelles. Selon lui, il importe qu'ils parlent des enjeux actuels.

«La violence, les attaques contre les institutions, les agressions contre des personnes, le vandalisme contre des monuments juifs, c'étaient des précurseurs de la Shoah, souligne-t-il. Quand on étudie ce qui s'est passé, on constate que c'est comme ça que cela s'est amorcé. C'est comme ça que cela a commencé en Allemagne.»

Dylan Robertson

Dylan Robertson

Journaliste