Le président iranien a ordonné mercredi à son pays de suspendre sa coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Cette annonce survient après que des frappes aériennes américaines et israéliennes ont touché les principales installations nucléaires de l'Iran, et limite probablement davantage la capacité des inspecteurs à surveiller le programme d'enrichissement d'uranium de Téhéran à des niveaux proches de ceux de l'armement.
L'ordre du président Massoud Pezeshkian ne précisait ni le calendrier ni les modalités de cette suspension. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a toutefois indiqué, lors d'une entrevue accordée à CBS News, que Téhéran était toujours disposé à poursuivre les négociations avec les États-Unis.
«Je ne pense pas que les négociations reprendront aussi vite», a soutenu M. Araghchi, faisant référence aux déclarations du président américain Donald Trump selon lesquelles les discussions pourraient débuter dès cette semaine. Il a toutefois ajouté : «Les portes de la diplomatie ne se fermeront jamais».
L'Iran a limité les inspections de l'AIEA par le passé afin de faire pression dans ses négociations avec l'Occident. Cependant, pour l'instant, Téhéran a nié tout projet immédiat de reprise des négociations avec les États-Unis, interrompues par la guerre de 12 jours entre l'Iran et Israël.
La télévision d'État iranienne a annoncé l'ordre du président Pezeshkian, qui survenait à la suite d'une loi adoptée par le Parlement iranien suspendant cette coopération. Le projet de loi a déjà reçu l'approbation du Conseil des gardiens, organe de surveillance de la constitution iranienne et probablement le soutien du Conseil suprême de sécurité nationale, présidé par M. Pezeshkian.
«Le gouvernement est tenu de suspendre immédiatement toute coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique en vertu du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de l'accord de garanties qui y est associé», a déclaré la télévision d'État, en citant le projet de loi. «Cette suspension restera en vigueur jusqu'à ce que certaines conditions soient remplies, notamment la garantie de la sécurité des installations nucléaires et des scientifiques.»
On ne sait pas encore quelles conséquences cela aurait pour l'AIEA, l'organisme de surveillance nucléaire des Nations unies.
Israël condamne la décision
L'AIEA, située à Vienne, surveille depuis longtemps le programme nucléaire iranien. L'agence n'a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.
Cependant, l'annonce iranienne a immédiatement été condamnée par le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.
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«L'Iran vient de faire une annonce scandaleuse concernant la suspension de sa coopération avec l'AIEA, a-t-il écrit dans une publication sur le réseau social X. Il s'agit d'une renonciation totale à toutes ses obligations et à ses engagements internationaux en matière nucléaire.»
Le ministre Saar a exhorté les pays européens signataires de l'accord nucléaire iranien de 2015 à mettre en œuvre sa clause dite de «snapback». Cela rétablirait toutes les sanctions de l'ONU initialement levées par l'accord nucléaire conclu entre Téhéran et les puissances mondiales, si l'une de ses parties occidentales déclarait que l'Iran ne s'y conformait pas.
Israël est largement considéré comme le seul État doté de l'arme nucléaire au Moyen-Orient, et l'AIEA n'a pas accès à ses installations nucléaires.
Des détails toujours flous
On ignore comment l'Iran mettra en œuvre cette suspension. Compte tenu du gouvernement théocratique iranien, le Conseil dispose d'une marge de manœuvre pour mettre en œuvre le projet de loi comme il l'entend. Cela signifie que tout ce que les législateurs ont demandé pourrait ne pas être réalisé.
Cependant, la décision de l'Iran est en deçà des craintes les plus vives des experts. Ils craignaient que Téhéran, en réponse à la guerre, décide de mettre fin à sa coopération avec l'AIEA, d'abandonner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de se précipiter vers la bombe. Ce traité oblige les pays à ne pas fabriquer ni acquérir d'armes nucléaires et autorise l'AIEA à mener des inspections pour vérifier que les pays ont correctement déclaré leurs programmes.
L'accord nucléaire iranien de 2015 autorisait l'Iran à enrichir l'uranium à 3,67 % – suffisamment pour alimenter une centrale nucléaire, mais bien en deçà du seuil de 90 % nécessaire pour obtenir de l'uranium de qualité militaire. Il réduisait également drastiquement les stocks d'uranium de l'Iran, limitait son utilisation de centrifugeuses et s'appuyait sur l'AIEA pour superviser le respect des engagements de Téhéran par le biais de contrôles supplémentaires. L'AIEA a été le principal évaluateur de l'engagement de l'Iran envers l'accord.
Toutefois, le président Trump, lors de son premier mandat en 2018, a unilatéralement retiré Washington de l'accord, affirmant qu'il n'était pas assez strict et qu'il ne traitait pas du programme de missiles iranien ni de son soutien aux groupes militants au Moyen-Orient. Cela a déclenché des années de tensions, notamment des attaques en mer et sur terre.
L'Iran enrichissait jusqu'à 60 %, un niveau techniquement proche de celui de la fabrication d'armes nucléaires. Le pays dispose également d'un stock suffisant pour fabriquer plusieurs bombes nucléaires, s'il le souhaitait. L'Iran a longtemps affirmé que son programme nucléaire était à des fins pacifiques, mais l'AIEA, les agences de renseignement occidentales et d'autres organisations affirment que Téhéran avait un programme d'armement organisé jusqu'en 2003.

