Certains économistes affirment que les chiffres étonnamment élevés de l'inflation en septembre brouillent les cartes pour la Banque du Canada en vue de sa décision sur les taux d'intérêt la semaine prochaine.
L'inflation s'est accélérée pour atteindre 2,4 % au pays en septembre, a indiqué Statistique Canada, mardi, notamment en raison des variations du prix de l'essence et de certaines hausses de prix à l'épicerie.
Il s'agit d'une hausse d'un demi-point de pourcentage par rapport à l'inflation de 1,9 % enregistrée en août. Pour septembre, les économistes s'attendaient en moyenne à une inflation annuelle se situant à 2,3 %.
Au Québec, l'inflation s'est établie à 3,3 % en septembre, après avoir été de 2,7 % en août.
Les données publiées mardi seront prises en compte par la Banque du Canada en prévision de sa prochaine décision sur les taux d'intérêt, le 29 octobre.
Les mesures de l'inflation sous-jacente privilégiées par la banque centrale ont montré une certaine persistance en septembre, se maintenant au-dessus de la barre des 3 %.
«Inutile de dire que cela rendra la décision de la Banque du Canada la semaine prochaine un peu plus intéressante que prévu», a soutenu Doug Porter, économiste en chef de BMO, dans une note envoyée à ses clients mardi.
Même si M. Porter a déclaré avoir adopté une position prudente – préconisant une baisse des taux d'intérêt pour stimuler l'économie – il a affirmé que les derniers chiffres de l'inflation ne suffisent pas à le convaincre que la Banque du Canada abaissera à nouveau son taux directeur si tôt.
La Banque du Canada examine l'inflation fondamentale afin d'éliminer les influences volatiles sur les données, mais les responsables de la politique monétaire ont récemment exprimé des doutes quant à la fiabilité de ces indicateurs.
«C'est là le problème. Il n'y a pas de mesure privilégiée pour le moment, il faut donc se baser sur une moyenne ou une fourchette de mesures différentes de l'inflation sous-jacente», a déclaré Andrew Grantham, économiste principal à la Banque CIBC, lors d'une entrevue.
Les marchés financiers estimaient la probabilité d'une baisse des taux la semaine prochaine à 86 % mardi midi, contre environ 76 % la veille, selon LSEG Data & Analytics.
Pas de grand mouvement de l'économie
M. Grantham a déclaré que la Banque du Canada devrait déduire des diverses données économiques que l'économie rebondira probablement après sa contraction du deuxième trimestre, mais sans grand mouvement.
Malgré une solide création de 60 000 emplois, qui a maintenu le taux de chômage à 7,1 % en septembre, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a souligné la semaine dernière que le marché du travail était atone depuis plusieurs mois.
Il a déclaré que la reprise imminente «ne sera pas très encourageante» et ne compensera pas la faiblesse actuelle de l'économie observée par la Banque du Canada.
«Nous continuons de penser que la Banque du Canada devrait abaisser les taux d'intérêt au moins une fois de plus afin d'accélérer, si possible, la reprise que nous observons au sein de l'économie canadienne», a déclaré M. Grantham.
L'économiste de RBC Abbey Xu a également fait valoir que le constat d'une confiance «modérée» dans les enquêtes de la Banque du Canada auprès des entreprises et des consommateurs, publiées lundi, préparait le terrain pour une nouvelle baisse des taux.
«Un taux de chômage plus élevé, des anticipations d'inflation plus faibles de la part des entreprises (…) et la suppression de la plupart des droits de douane canadiens de rétorsion devraient conforter la Banque du Canada dans son opinion selon laquelle les risques d'inflation à la hausse se sont atténués – et notre scénario de base suppose une nouvelle réduction du taux du financement à un jour la semaine prochaine», a-t-elle indiqué dans une note.
Les prix de l'essence continuent de baisser d'une année à l'autre, principalement en raison de l'abandon de la tarification sur le carbone à la consommation, bien que les prix à la pompe aient légèrement augmenté sur une base mensuelle en septembre.
Avec un repli moindre des prix de l'essence d'une année à l'autre le mois dernier par rapport à août, Statistique Canada affirme que cela ajoute un peu de carburant dans le portrait principal de l'inflation.
Ce qui a le plus surpris M. Grantham, c'est la vigueur de l'inflation à l'épicerie le mois dernier.
Le prix des aliments achetés en magasin a augmenté de 4 % d'une année à l'autre en septembre, contre 3,5 % en août. Selon Statistique Canada, l'accélération de la croissance des prix dans les épiceries est principalement attribuable à la hausse des prix des légumes frais (+1,9 %) et du sucre et des confiseries (+9,2 %).
Selon Statistique Canada, l'inflation des prix dans les épiceries a généralement suivi une tendance à la hausse depuis son recul le plus récent, en avril 2024. La baisse de l'offre de bœuf et de café est un facteur persistant qui alimente la hausse des prix.
M. Grantham a indiqué qu'une certaine faiblesse du dollar canadien pourrait entraîner une hausse des prix des aliments importés.
Les économistes ont également souligné une certaine pression sur l'inflation alimentaire liée aux droits de douane de rétorsion imposés par le Canada sur des produits américains comme le jus d'orange de Floride. La plupart de ces droits de douane ont été supprimés début septembre.
«Nous nous attendions en fait à ce qu'avec la réduction des droits de douane de rétorsion, nous puissions observer un léger ralentissement de l'inflation des prix des aliments, a déclaré M. Grantham. Espérons que cela puisse encore se produire, mais, malheureusement, nous ne l'avons pas constaté dans le rapport d'aujourd'hui.»
Les voyages organisés ont pour leur part connu une rare hausse mensuelle en septembre, en raison de la tenue d'événements d'envergure dans les villes de destination.
De leur côté, les loyers ont augmenté de 4,8 % d'une année à l'autre en septembre, après avoir progressé de 4,5 % en août.
Les locataires ont constaté un ralentissement général des hausses de prix au cours de la dernière année, malgré quelques fluctuations mensuelles occasionnelles.
Les données du mois dernier ont été quelque peu tempérées par la hausse annuelle moins importante des prix des vêtements et des chaussures.
M. Porter a également noté que la catégorie de niche des «frais de divertissement pour spectateurs» a bondi de 10,7 % d'une année à l'autre en septembre, soit la hausse la plus rapide en plus de 30 ans.
«Disons simplement que le prix des billets pour la Série mondiale ne va pas aider», a-t-il déclaré en référence aux partisans des Blue Jays de Toronto qui se bousculaient pour obtenir des billets pour la classique d'automne mardi matin.

